Critique | Musique

Tyler the Creator – Wolf

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

HIP HOP | Rappeur casse-cou, Tyler the Creator aime toujours jouer au con. Pourtant, c’est quand il s’arrête qu’il s’avère parfois plus intéressant.

TYLER THE CREATOR, WOLF, DISTRIBUÉ PAR SONY. ***

Tyler the Creator - Wolf

C’est peut-être ce qui pouvait arriver de mieux au hip hop ces dernières années: un bon coup de pied dans la fourmilière. Tacles vicieux par l’arrière, bourre-pifs à la pelle et dérouillées en règle, il fallait bien ça dans un genre en train de méchamment s’embourgeoiser. On peut donc dire merci aux gugusses d’Odd Future et à son pimpin en chef, Tyler The Creator.

A 22 ans, Tyler Gregory Okonma a déjà pondu deux albums perso (la mixtape Bastard et Goblin) et surtout imposé une personnalité fantasque. Un personnage cartoonesque d’ado retardé en mode Jackass, adepte du gore, et jamais avare d’une connerie (en lisant les Inrocks dernièrement, on apprenait que le bonhomme avait invité des journalistes pour une conférence de presse qui a pris la forme d’une partie de paint-ball). Aussi spontanée et rafraîchissante soit la démarche, tout cela est évidemment sinon calculé, bien réfléchi. Tout l’exercice consistant désormais à (en) jouer sans en abuser et tomber dans la caricature.

Sur Wolf, Tyler The Creator n’opère pas de grande révolution. Musicalement, les productions sont toujours aussi tordues et délétères. De Goblin, on avait cependant le souvenir d’un film d’horreur un peu plus guignolesque. Avec Wolf, les ambiances se font davantage nocturnes et planantes, moins agressives que psychédéliques. Awkward, par exemple, aurait pu se glisser sur l’album drogué de The Internet, projet de Syd Tha Kid, membre d’Odd Future. Plusieurs fois, Tyler The Creator peut d’ailleurs compter sur ses camarades de chambrées: du toujours impeccable Frank Ocean (Slater) au très tendance Earl Sweat-shirt (l’excellent Rusty). Pharrell, décidément de toutes les fêtes, est également de passage (IFHY), tandis qu’Erykah Badu est en terrain conquis avec le funk 70’s de Treehome95. Dans ce cas-ci, les invités ne font pas un dîner parfait, mais presque. Sur le tryptique neurasthénique PartyIsntOver/Campfire/Bimmer, c’est Laetitia Sadier qui apporte encore une touche féminine inattendue qui élargit un peu plus le nuancier de Tyler. Ces ouvertures tombent à pic. En effet, on sent bien que par moments Tyler se retrouve coincé. Rappeur devenu icône pop malgré lui, il ne fait pas toujours le tri et se sent obligé de « nourrir la bête » (les morceaux Pigs, ou Domo23). Sur Colossus, il évoque le succès et sa rançon, la pression des fans, à la manière du Stan d’Eminem, sans le storytelling. Le rappeur blanc de Detroit avait lui aussi créé un monstre dont il a toujours autant de mal à se défaire. C’est un peu ce qui pend au nez de Tyler. Il n’en est pas encore là, heureusement. Des morceaux comme Lone ou Answer, où il évoque le père absent (« Hey Dad, it’s me… /Oh, I’m Tyler, I think I be your son ») montre par exemple qu’il n’est pas obligé d’enfiler en permanence le costard débraillé qu’on lui a taillé.

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