Critique | Musique

Big Boi – Vicious Lies and Dangerous Rumors

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

RAP | La carrière d’Outkast toujours au point mort, voici le 2e album solo de Big Boi. Où le rap croise la pop et l’indie rock pour un disque ouvert et décomplexé.

BIG BOI, VICIOUS LIES AND DANGEROUS RUMORS, DISTRIBUÉ PAR DEF JAM. ***

Des histoires de binômes, la musique en est truffée. Le rock en a même fait un de ses moteurs. Des récits d’Abel et Caïn, de frères ennemis, fondateurs de quelques pages essentielles de la pop: Lennon-McCartney, Jagger-Richards, Page-Plant, Morrissey-Johnny Marr, Jack et Meg White… En électro, dans un esprit plus apaisé, le duo est presque une règle, de Daft Punk aux Chemical Brothers. Même dans le rap, genre qui a fait de l’ego-trip un exercice imposé, 1 + 1 a souvent fait 3, de Gangstarr à EPMD. Cas exemplaire, Outkast a été aussi l’un des plus singuliers. Aujourd’hui en veille, le duo hip hop formé par Andre 3000 et Big Boi a sorti une volée d’albums excitants et une paire de tubes 4 étoiles (Mrs Jackson, Hey Ya…). Leur magnum opus reste malgré tout un drôle d’objet: Speakerboxxx/The Love Below (2003) est un double CD, où chacun des deux protagonistes reprend une galette à son compte. Dans un couple, c’est ce qui s’appelle faire chambre à part…

Aujourd’hui, Outkast est toujours au point mort. Du coup, Big Boi, né Antwan André Patton (1975), en profite. Il sort ces jours-ci un 2e album solo, Vicious Lies and Dangerous Rumors, qui fait suite à une première escapade remarquée: en 2010, Sir Lucious Left Foot avait déjà de l’allure, disque à la fois carré, fendard et en même temps racé, ambitieux. Avec son nouvel album, et alors que son camarade Andre 3000 ne donne plus signe de vie sinon dans des pubs chics pour des rasoirs, Big Boi confirme: il y a bien une vie à côté d’Outkast…

Tentation indie

Pour un peu, les rôles se sont presque inversés. Dans le duo, Andre 3000 a toujours été vu comme le surdoué fantasque, quand Big Boi assumait le côté plus terrien et crédibilité hip hop. Vicious Lies démontre pourtant que la situation a toujours été plus complexe. Le rappeur tente des choses, ouvrant le spectre musical à la manière d’un Gorillaz, tout en restant foncièrement hip hop. Cela marche particulièrement bien sur des titres quasi pop comme Apple of My Eye, et sa ligne de basse pincée qui renvoie volontiers vers The xx. A côté de Kid Cudi, Killer Mike ou A$AP Rocky, le rock indé est par ailleurs l’invité surprise du disque: Sarah Barthel, moitié du duo Phantogram, apparaît au moins deux fois (le cool électro-funk de CPU); pareil pour Little Dragon (sur le plus classique Thom Pettie, lorgnant du côté du dirty South). Cela ne veut pas dire que le rappeur se refuse des passages plus carrés: In the A, avec les participations de T.I. et Ludacris, est une petite bombe de hip hop lourd et traînant.

Certes, l’équilibre est précaire, la formule ne fonctionnant pas à tous les coups. Sur Shoes For Running, par exemple, Big Boi fait de la place pour B.o.B et Nathan Williams (le groupe punk-noise Wavves), mais la sauce a du mal à prendre. A défaut d’être parfait, Vicious Lies n’en reste pas moins un disque audacieux, une jolie sortie de route hip hop, en dérapage contrôlé.

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