Francofolies de Spa 2011: Bertrand Belin, contre vents et marées

© Lydie Hertay

Jour de fête nationale à Spa: la sensation de l’après-midi s’appelle Bertrand Belin, un Breton, fils de marin, qui donne envie de croire à la pêche miraculeuse.

Jeudi 21 juillet, 15h15. Avis de tempête sur Spa: c’est la drache nationale quand Bertrand Belin fait son entrée sur la scène du Dôme BNP Paribas Fortis des Francos -celle où on est assis sur des chaises, ce qui, vu l’heure fort peu avancée de la journée, donne la bizarre impression d’être venu assister à un genre de goûter d’anniversaire animé par Plouf le clown (il y a bien Miam qui joue au même moment sur une scène voisine, mais bon…). Oui mais qui ça? Bertrand Belin. Le type a une carrière longue de 20 ans dans la musique, a joué avec Sons of the Desert et Nosfell, a signé des B.O. de courts-métrages, a été aperçu sur scène aux côtés de… Bénabar, a même écrit pour Olivia Ruiz et Caroline Loeb. Fin 2010, il déboule de Lorient avec un gros poisson dans ses filets, Hypernuit, troisième album solo qui le fait passer de l’indifférence générale à une indifférence un rien moins générale. Un truc étonnant, qui sent la tourbe et le limon, à la fois rugueux et délié, tendu et épuré, opaque et limpide. Quasi mallarméen. Un genre d’americana sauce bretonne (sic), quelque part entre JP Nataf (Hypernuit), Dominique A (Ne sois plus mon frère) et Bashung (Ta peau), en plus terreux…

Bref, Belin échappe aux étiquettes aussi bien qu’aux définitions. Qui s’en plaindra à l’heure où, l’industrie du disque balisant à tout-va, même les chemins de traverse s’arpentent boussole en mains? Sur scène, Bertrand Belin a ce je-ne-sais-quoi qui fait la différence. Ce qu’à la Star Academy on appellerait sans doute un univers et qu’à Focus on préfèrera plutôt nommer une présence. C’est que le visage du mec -une belle gueule d’atmosphère-, ses gestes, le timbre de sa voix, abyssale, racontent déjà une histoire. Et que, planté devant le grand delta de l’existence, guitare en bandoulière, Belin choisit de l’embrasser dans toute sa belle complexité. Loin des formules éculées.

Lancé dans une configuration en trio avec Tout a changé, le concert patine un peu, puis décolle dès le second morceau, Y’en a-t-il, un genre de cavalcade intérieure durant laquelle un violon et un violoncelle viennent gonfler les rangs de la horde Belin. « Comment allez-vous? Vous y comprenez quelque chose? Ca colle un peu?  » Conscient, sans doute, de l’hermétisme relatif de sa chose musicale, conscient surtout de l’apathie plus ou moins généralisée de l’assistance spadoise, Bertrand Belin donne dans l’humour à froid: « Je vois qu’à certains projets capillaires dans l’assemblée, il y en a qui ont vu Deep Purple en concert. Ce qui n’est pas donné à tout le monde… » Quand il ne se pique pas de conter quelque vieille légende façon Far West, comme celle qui veut que le pionnier folk Pete Seeger se mit en quête, un soir des sixties, d’une hache pour trancher les câbles du concert d’un Bob Dylan alors fraîchement converti à l’électricité.

De légendes de l’ouest (de la France), la setlist du jour n’en est pas avare, à vrai dire, puisant quasi intégralement dans le dernier album du sieur Belin (splendide Avant les forêts, tubesque Hypernuit, langoureux La chaleur…). Au final, ni la météo pourrave, ni le public fadasse du parc spadois, ni la cacophonie ambiante inhérente à tout festival populaire digne de ce nom, ne l’empêcheront de livrer le genre de concert formidable qui laisse des traces. Et c’est peu dire que, dans la foulée, les gesticulations à peine pubères de Brune, la Lyonnaise qui jouait sur la scène Fnac, comptaient carrément pour des prunes. Et que la moue Ugly Betty de Camélia Jordana -sans les montures XXL et les verres triple foyer, pour le coup-, sur la grande scène Proximus, ne faisait vraiment pas le poids (des reprises calamiteuses des Bangles ou de Brenda Lee). Affaire à suivre…

Nicolas Clément, à Spa

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