Philippe Cornet

Machiavel hic

Philippe Cornet Journaliste musique

Snobé mais populaire, l’aîné des groupes belges en activité mérite-t-il à ce point d’être ringardisé? Réponse via Eleven, nouveau CD de la bande à Marc.

La chronique de Philippe Cornet

Légitimant notre réputation d’absolue objectivité, nous soumettons Eleven (Universal) via blind test à une relation assez mûre pour avoir entendu Machiavel dans son prime seventies. Genre en novembre 1975 au Disque Rouge -devenu Fuse- alors qu’Ysaye, chanteur principal, vénère ouvertement le prog-rock à la Genesis aux côtés d’un premier guitariste métisse coiffé afro, Jack Roskam, et d’un mannequin à perruque. C’est du vécu. Entretemps, la copine blind testée: « Ah, ils ne sont pas anglophones, cela s’entend tout de suite à l’accent (après 10 secondes), ils font de vraies chansons… C’est du rock à stade… C’est pop… On sent qu’ils ont du métier…Ouh là, l’influence Beatles… Ah c’est Machiavel? Je ne connais pas vraiment, j’étais plutôt dans Bowie et Roxy. Ce que je leur reprocherais, c’est de ne pas avoir trouvé un ton original, bien à eux. » N’empêche, notre amie -un chouia snob- n’a pas exigé de retirer le disque sans délai, ni prononcé l’oukase « ringard ».De fait, l’album cruise aimablement dans les allées résilientes de la pop anglaise: évoquant les synthés de Who’s Next (intro d’Here Comes The Crash) et plus certainement les Beatles, voire même le Floyd en ballade (The Spirits Fly Again). Une cure de sobriété où, sur la dernière plage exceptée, Mario Guccio met moins d’emphase dans son chant. Effet de jouvence via le nouveau jeune guitariste Christophe Pons arrivé il y a une bonne année? Peut-être bien.

Machiavel21

Alors pourquoi tant de haine? D’abord, ce sentiment extrême est loin d’être unanime. Une large frange de la Fédération Wallonie-Bruxelles (…) chérit Machiavel comme icône de notre territoire confetti, allumant systématiquement le bec bunsen sur Rope Dancer, Over The Hill ou Fly. Ceux-là, et une partie de leur progéniture machiavélisée, portent dans leur ADN l’atout majeur: Machiavel fut le tout premier groupe rock belge à jouer en tête d’affiche à Forest National, le 9 décembre 1979, attirant 4000 spectateurs, et remplissant la même marmite bruxelloise 14 mois plus tard. Curieusement, ce double fait d’armes est brouillé par d’autres éléments: un son indéniablement tributaire des années 80 avec une petite louche prog-rock démodée 70’s et un chanteur, le Liégeois Mario Guccio, diva en scène. Dont les roulements d’yeux couplés à la grimpée d’octaves et un pantalon cuir morrisonesque auront traumatisé au moins 2 générations de Belges. Sans oublier les textes -pas du James Joyce- et ce que beaucoup pensent sans oser l’écrire: Marc Ysaye, fondateur du groupe en 1974 avec le toujours actuel bassiste Roland De Greef, booste-t-il son propre band sur les ondes de Classic21 dont il est le patron, avec un sens du népotisme caractérisé? A cette question à 500.000 synthés, Ysaye répondra sans doute que ne pas passer un disque alors qu’il intéresse les Classiques uniquementparce qu’il joue dessus serait universellement contre-productif. Elio n’a, pour l’instant, fait aucun commentaire.

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