Lokerse Feesten: The Beach Boys, et Brian Wilson là-dedans?

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le festival-kermesse a réussi à décrocher un concert exclusif belge des Beach Boys, en tournée marathon de 73 dates depuis avril.

Un grand type vêtu d’une longue chemise à motifs biseautés, est sorti de la gauche de la scène et se dirige mécaniquement vers le piano blanc à queue. Sans un regard envers les « wwwwwwoooooow » emportés du public flamand de Lokeren, 40.000 âmes à l’ouest d’Anvers. Le festival-kermesse a réussi à décrocher un concert exclusif belge des Beach Boys, en tournée marathon de 73 dates depuis avril. Le géant au masque de Buster Keaton fatigué, c’est bien sûr Brian Wilson qui, sauf erreur, n’a plus joué avec SON groupe en Belgique depuis au moins 43 ans (1). Il est là tout comme les quatre autres survivants de la plage -Mike Love, Al Jardine, Bruce Johnston et David Marks (2)– accompagnés de pas moins de onze musiciens. Dont Jeff Foskett, comparse usuel de Brian Wilson solo qui assure de plantureuses harmonies vocales et introduit le groupe « From Malibu… »

On est aussi loin du sable doré de la Californie que de la juvénilité extravagante des années soixante, auxquelles 90% des 33 titres joués en ce soir flandrien, appartiennent pourtant. D’ailleurs, il y a du Las Vegas revue au programme: pas seulement pour les chorégraphies vocales dénuées de toute impro, mais aussi par la routine stand up entretenu par Mike Love, « Vous êtes un public formidable… C’est génial de nous avoir invités ici. » Sous sa fausse chemise hawaiienne, bagouses dorées aux mains, bat le coeur du vieil entertainer (1941), l’oeil perché sur son patrimoine de mélodies affolantes.

Mais la question à mille (millions de) dollars reste: « Et Brian Wilson là-dedans? » Soutenu par une armada de choeurs et d’instruments sans faille, nuage céleste pointé de cuivres angéliques et de claviers pimpants, Brian, 70 piges depuis juin, fait un drôle de génie: assisté d’un prompteur, il interprète les meilleures compositions du groupe, avec un petit cintre dans la voix, coquillage qui renverrait l’écho d’une inexpurgeable pureté passée. C’est effrayant avec des moments déclarés de jouissance, lorsque les chansons sont trop merveilleuses que pour noter la voix brisée par l’âge et cette démente vie plongeant Wilson dans la maniaco-dépression pendant au moins deux décennies. Surfer Girl par Brian, c’est bien mais Sail On, Sailor, God Only Knows et ce divin Sloop John B, ramènent un autre type de beauté inoxydable sur la kermesse flamande. Les voix de Love, Jardine, Marks et Johnston, tiennent le coup, nettement supportées par la qualité des accompagnateurs, mais à l’écoute de ces classiques originaux et empruntés (à Chuck Berry, aux Crystals ou à Frankie Lymon), on ne peut s’empêcher de questionner le temps et l’espace, alors que la trilogie Kokomo/Barbara Ann/Fun, Fun, Fun clôt le concert de Lokeren sur d’anciennes virtuosités océaniques.

(1) sauf erreur, les Beach Boys ne se sont produits que quatre fois en Belgique avant Lokeren, le 3 juin 1969 au Théâtre Américain de Bruxelles, le 21 décembre 1970 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le 14 juin 1999 à Forest-National et le 21 juillet 1987 à Knokke

(2) Marks n’a fait partie des BB que de février 1962 à octobre 1963, il rejoindra le groupe de 1997 à 1999 puis lors de l’actuelle tournée

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