Critique | Musique

Roxy Music – The Complete Studio Recordings

© Pennie Smith
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | Un box reprend les huit albums studio livrés par Roxy Music entre 1972 et 1982, ainsi qu’un double CD bonus. Un testament brillant.

ROXY MUSIC, BOX THE COMPLETE STUDIO RECORDINGS, DISTRIBUÉ PAR EMI. *****

Quarante ans après sa sortie -en mars 1972-, le premier Roxy Music sonne toujours comme l’un des « debut albums » les plus improbables de l’histoire du rock. Son esthétique protéiforme niant l’époque -ni hard, ni prog, ni glam, même si on collera au groupe cette étiquette- embarque un flamboyant numéro rétro-futuriste. Eno (« synthetiser & tapes ») y tacle les sax hantés d’Andy Mackay sur les vitupérations électriques du guitariste Phil Manzanera alors que s’impose la voix de Bryan Ferry, impériale crooneuse. Ce curieux loukoum cybernétique, mix d’échos fifties, de country dévoyée et de pre-electronica bidouillée, bluffe la critique et le disque atteint la 10e place des charts anglais. Renforcé par la sortie du single-tube Virginia Plain à l’été 1972 -rassemblé ici avec d’autres 45 Tours, b-sides et remix sur un double CD bonus-, le groupe magnifie son potentiel dans le second tome, For Your Pleasure, paru au printemps 1973. Les chansons y sont plus catchy, délices d’arrogance drapés de customisation arty. Il faut le troisième Roxy fin 1973 -18 mois à peine après les débuts discographiques- pour que la formation mouvante, désormais privée de Brian Eno et soumise à d’incessants changements de bassiste, soit Numéro Un en Grande-Bretagne. Le disque pose alors une forme de mélancolie persistante –A Song For Europe, partiellement chanté en français- que les deux sorties suivantes, Country Life (automne 1974) et Siren (un an plus tard), atomisent dans un supplément de succès et de confort instrumental. En 1975, à l’instar de son rival Bowie, Roxy est devenu l’un des repères majeurs de la pop anglaise.

Playmate masculin

1972-1975 a donc vu Bryan Ferry, compositeur majoritaire et leader de facto, également devenir star solo et poser un personnage de playmate masculin conquérant. Trois des filles posant sur les cinq premières pochettes outrageusement sexy de Roxy seront, un moment durant, des madame Ferry.

Pris dans les toiles de son ego et du succès, Ferry va moins investir dans Roxy: sur les trois ultimes albums studio parus entre 1978 et 1982, Manifesto, Flesh And Blood et Avalon, il suit davantage les modes qu’il ne les invente, vampirisant le temps plutôt que de l’électriser de son propre voltage indigène . Les deux premiers albums cités pratiquent un son FM filandreux, mâtiné de disco frigide, comme si la vie n’était qu’un long cocktail grillé sous les sunlights artificiels de beautés indolentes. Heureusement, l’ultime coup de rein discographique de Roxy à ce jour, Avalon, quitte le jacuzzi inodore pour une dernière écume océanique, certes manucurée -synthés en pamoison, mélodies élégiaques- mais qui fait quand même regretter l’arrêt des travaux.

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