Critique | Livres

Un notaire peu ordinaire

Ysaline Parisis
Ysaline Parisis Journaliste livres

ROMAN | Dans la famille Rebernak, il y a la veuve, femme de ménage au lycée de la ville, sa fille Clémence, sorte de Lolita locale qui flirte avec le fils du notaire tout en préparant ses examens de terminale, et son frère, gardien de nuit dans une station-service à ses heures perdues.

UN NOTAIRE PEU ORDINAIRE DE YVES RAVEY, ÉDITIONS DE MINUIT, 112 PAGES. ***

Et puis il y a Freddy, le cousin qui surgit sans prévenir après avoir purgé sa peine de prison pour viol. Autour d’eux gravitent encore l’agent de réinsertion, le gendarme ou le notaire Montussaint, autorité régionale, vieux beau influent et président de la société de chasse. Dramaturge, Yves Ravey soigne la distribution des rôles tout autant que le décor théâtral de ses romans. Transports Guinchard et serrurerie Courtois, Jolly Café, Place de l’Abbaye et gare désaffectée: Un notaire peu ordinaire assoit son intrigue au coeur de cette France de périphérie que Raymond Depardon a tant photographiée. Un climat provincial un rien morne, des couleurs un peu closes, une ambiance sourde: Ravey ménage le récit d’un pur fait divers. Sans psychologie aucune -le livre ne donne pas accès à ce que pensent les personnages, consignant soigneusement leurs déplacements, paroles et gestes-, il ramène le tragique à une hauteur domestique, quasi burlesque. Travaillant l’arrière-plan social et la violence des rapports de classe avec le regard d’un Chabrol, il emmène son récit aux frontières du roman noir et d’une angoisse diffuse. Estampillée Minuit, sa phrase marche à l’ironie et à l’économie. Sans discours inutile, ou réelle fulgurance, elle laisse une impression de non-travail, d’équilibre et d’honnêteté. Un genre de perfection en soi.

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