Série ville et cinéma (7/7): Bruxelles et Les barons

Afficher Série ville et cinéma (7/7): Bruxelles et Les barons sur une carte plus grande

Les pas des Barons sont, on le sait, précautionneusement comptés. Mais s’ils font de la « glande » une forme d’art de vivre, ces jeunes gens ne s’en déplacent pas moins suffisamment pour que « leur » Bruxelles prenne corps de captivante manière dans le regard de leur talentueux réalisateur Nabil Ben Yadir. Lequel est de Molenbeek, où il a trouvé l’inspiration majeure de son film. Pourtant, ce n’est pas dans cette commune (sa commune) que le jeune cinéaste a posé sa caméra. C’est à… Forest qu’il a principalement tourné les séquences molenbeekoises des Barons! « J‘avais besoin de recul pour mieux raconter l’histoire, explique Ben Yadir, c’aurait été très compliqué de tourner le décor principal à Molenbeek. Il y aurait eu tous ces gens disant: « C’est nous, les barons! » et je ne voulais pas faire un film à l’arrache, avec des potes dans leur propre rôle, la mère dans le rôle de la mère, etc. Je voulais faire un vrai film de cinéma, en scope, tourner certes à Bruxelles mais avec des comédiens venus de partout. Avant même de discuter avec la production, c’était ça ou rien. Faire autrement n’aurait eu aucun sens. »

Ce n’est donc pas vers Molenbeek, où Nabil Ben Yadir a grandi, qu’il faut remonter la piste menant aux Barons. La rue Rodenbach, décor principal du film, est située à Forest. L’avenue Albert la sépare de la prison, et on y retrouve, vers le square Marconi, les grands et beaux immeubles sociaux que l’on aperçoit plusieurs fois dans le film. En ce moment, ils sont vides d’habitants et font l’objet d’une spectaculaire rénovation. Des travaux qui se sont longtemps fait attendre. Construites en 1904, ces hautes maisons à appartements sont en effet vides depuis 2004. Des squatteurs, dont beaucoup d’illégaux, s’y étaient installés, suscitant en 2008 une polémique entre la Secrétaire d’Etat au Logement (également bourgmestre de Forest) et la société de logements propriétaire des lieux… En leur tournant le dos, le visiteur gagne en quelques pas le carrefour formé par les rues Rodenbach, Berkendael (à l’est) et Vanden Corput (à l’ouest). Quatre rez-de-chaussées commerciaux en garnissent les coins. Tous sont aujourd’hui vides. C’est donc le cas aussi de l’épicerie tenue dans le film par un savoureux Jan Decleir. Située au numéro 51 de la rue Rodenbach, à l’angle de la rue Vanden Corput, ses vitrines laissent voir quelques meubles en bois, des miroirs, et un congélateur à crèmes glacées débranché. Une image d’abandon plutôt triste, qu’on chasse en fermant les yeux pour retrouver les Barons s’y vautrant sur les étals de légumes, Mounir y lancer ses vannes consternantes, ou Aziz découvrir en faisant une vente qu’il a peut-être un avenir dans l’épicerie…

« Outre sa ressemblance avec certains coins de Molenbeek, la rue Rodenbach est un lieu très intéressant, observe Nabil Ben Yadir, avec à un bout des logements sociaux, et à l’autre (vers la place Constantin Meunier et l’avenue Molière, ndlr) des maisons très bourgeoises. On y passe directement d’une classe sociale à l’autre, sans quitter la rue…  » Il suffit de rejoindre l’avenue Albert et l’arrêt Berkendael de la ligne du tram 3 pour emprunter ce dernier et gagner, en moins de 5 minutes et en prenant la direction Esplanade, un autre lieu important des Barons: le Parvis de Saint-Gilles. C’est là que Hassan, Aziz et Mounir sortent, on ne peut plus détendus, du bureau de chômage. « Ce quartier est devenu à la mode, commente le réalisateur. Tout le monde veut y venir vivre et tout augmente en conséquence, ce qui fait que des gens qui habitent là depuis 30 ans ont bien du mal à y rester… »

Brussels By Night

Retour au tram numéro 3, toujours direction Esplanade, pour débarquer sur le quai de la station de métro De Brouckère, remonter à l’air libre et prendre la rue Neuve. Dans une séquence très réussie du film, on y voit les 3 amis courir de front vers la place Rogier. C’est la nuit, et les nombreux piétons arpentant de jour la plus importante rue commerçante de Belgique ont disparu, ouvrant l’artère silencieuse et vide à un pur moment de poésie urbaine et nocturne. « Cette scène est directement inspirée par mes propres souvenirs, explique Ben Yadir. Mes copains et moi avions l’habitude de parcourir ainsi la rue Neuve en faisant les antilopes joyeuses. Pour passer le temps, simplement, on s’amusait à ça, comme le font les Barons dans le film…  »

Une autre image mémorable nous attend aussi non loin de là, sur la rue Belliard où le cinéaste a situé une scène de nuit magnifiant tout à la fois la longue perspective de cette artère partagée entre bâtiments de bureau (au nord) et habitations (au sud, en remontant vers le Cinquantenaire), et un éclairage de fort belle allure. « Avec les feux de signalisation synchronisés, quand vous y passez vers 4 heures du matin, vous avez vraiment l’impression d’être à Gotham City!« , s’extasie Nabil Ben Yadir, qui manifeste un talent certain pour capter l’atmosphère du Bruxelles nocturne. Comme dans cette autre séquence où Hassan retrouve Malika dînant avec un autre dans « un quartier de bourges« . Lequel quartier étant ixellois, et le restaurant se trouvant à l’angle des rues Américaine et Du Mail.

A Schaerbeek et ailleurs

Plein d’autres lieux portent désormais la trace des Barons, dans la capitale et ses environs immédiats, comme Wemmel où le père d’Hassan possède un potager, et emmène son fils « goûter la tranquillité et parler d’homme à homme« … avant que le boucan de l’E42 toute proche en décide autrement… Schaerbeek accueille plusieurs décors. L’école où Hassan dialogue avec lui-même enfant est au 229, rue Josaphat. La rue Auguste Snieders est celle où le bus conduit par le héros se trouve pris dans un embouteillage. Et c’est au carrefour des avenues Milcamps et Emile Max avec la rue Victor Hugo que Mounir emboutit volontairement une voiture pour sa petite escroquerie à la priorité de droite… Les locaux du Magic Land Théâtre, rue d’Hoogvorst, ont été transformés en cabaret pour suivre les débuts d’humoriste d’Hassan. Et c’est avenue de Vilvorde que se situe la casse auto où est détruite la BMW de la bande, suite à la mort accidentelle de Mounir…

Ailleurs dans Bruxelles, on peut suivre les Barons à Anderlecht, au 17 cours Saint-Guidon, où fut filmée la scène fort amusante du restaurant « Chez Mimoun » (Hassan y rencontre Milouda). Et au centre ville, où le père du héros récupère de son accident de chantier à l’hôpital Saint-Jean, et où la rue Vandenvranden abrite le garage du délirant Ozgur. L’appartement de Malika étant pour sa part situé avenue de Tervuren, près du square Montgomery. On gardera pour la fin quelques visites reliées à l’importance que prend la STIB dans le scénario du film. D’abord la station Demey, où fut tournée la séquence dans laquelle le papa d’Hassan tente, depuis son guichet vitré, de convaincre son rejeton de le rejoindre au sein de la société. Ensuite le dépôt de Haren, au 99, Houtweg, où le héros fait ses débuts de chauffeur et reçoit les conseils d’un Claude Semal haut en couleur. Mais ne cherchez pas à Bruxelles la station de métro où Hassan est passé à tabac par Mounir. La scène fut tournée… à Charleroi, car là-bas, ce sont des trams qui empruntent les voies, impliquant une électricité qui vient du haut, pas des rails. Utile, quand l’action exige que le héros soit jeté sur ces derniers…

Louis Danvers

EN LIEN AVEC NOTRE SÉRIE D’ÉTÉ, LA CINEMATEK PROGRAMME FILMCITIES, UN CYCLE SUR LES VILLES AU CINÉMA. JUSQU’AU 31/08, À BRUXELLES.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content