Nurten Aka

De l’art et des idées

Nurten Aka Journaliste scènes

Désormais, on peut aller au théâtre pour un débat, une rencontre, une conférence, en lien ou non avec l’art, de Ziegler à Chomsky. Le monde bouge, la scène s’y greffe…

La chronique de Nurten Aka

Un soir de l’année dernière au Théâtre national, Noam Chomsky parlait « Raison contre pouvoir ». Une causerie gratos, complètement « sold out ». La veille, il donnait une conférence à l’ULB. Auditoire blindé. Star malgré lui de soirées « event », Chomsky parvenait alors à réunir « la Cité », une foule incroyable de citoyens, jeunes et vieux. Autres succès de semblables soirées au théâtre: Caroline Fourest et Tahar Ben Jelloun à Wolubilis, Peter Sloterdijk, Slavoj Zizek ou Magnette et Van Rompuy à Bozar. Pionnier du genre, le Théâtre de la Vie de feu Herbert Rolland avait en son temps lancé son cycle « Témoins de notre temps » où sont passés Jean Ziegler, Bernard Werber, etc. Serions-nous en mal de rencontres philosophiques, politiques, sociologiques? Ou, comme le suggère le théâtre les Tanneurs dans son programme « Les Petites conférences », s’agit-il « d’ouvrir des espaces de réflexion et de dialogue à l’écart des sentiers battus »?

Conférence « arty »

Désormais, les universités n’ont plus l’apanage des conférences. Les institutions culturelles semblent se greffer à l’actualité et répondre à l’air du temps, avec l’art en ligne de mire. Cette semaine, le Kaaitheater propose ainsi un film-conférence, Snake dance, sur la genèse de la bombe atomique. En juin, leur Burning Ice #5 réunira scientifiques et performeurs sur le thème « Culture et nature », interrogeant « les jardins ouvriers et urbains, le désir de nature sauvage, de biodiversité, la crise alimentaire… ». Y a pas photo, les Flamands bruxellois ont une longueur d’avance et les moyens qui vont avec. Pro du genre: le Beursschouwburg. Chaque mardi, en collaboration avec l’association « activiste » de la culture néerlandaise deBuren, le Beurs remplit son grand bar pour des conférences « arty » mêlant artistes, historiens, politiciens, philosophes, sportifs, etc. Intitulés des prochains rendez-vous: Poste vacant: Héros (h/f) recherché, It’s the Economy, Stupid#5 et, fin mai, Street art: anarchie ou commercial?… « On ne peut plus se contenter de proposer des spectacles, explique son directeur Tom Bonte. Les politiciens et les économistes se mêlent des questions d’art; nous, les gens de l’art, devons nous mêler de politique et d’économie. Il faut réagir dans la société. Les théâtres peuvent provoquer des points de vue différents qui ne soient pas que le pâle reflet de l’actualité et des médias. »

Autre engagement frontal avec Les Halles de Schaerbeek, qui affichent une saison « Les mondes arabes » invitant écrivains et politologues arabes méconnus pour nous éclairer autrement sur cet « Orient compliqué ». A venir: Ya Salam de Najwa Barakat sur les milices libanaises et un temps littéraire avec Les fantômes de Jérusalem. De plus en plus pluridisciplinaires, les bonnes maisons de théâtre ne sont plus une scène de spectacles fermés. La Cité se réveille, si pas pour combattre les anxiétés et réveiller l’utopie, du moins pour rencontrer et échanger des idées… en chair et en os. Un classique indémodable, dans l’air virtuel du temps.

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