Critique | Musique

Amy Winehouse – Lioness: Hidden Treasures

SOUL | Six mois après la mort d’Amy Winehouse, cet album posthume propose reprises, versions originales et inédits. De quoi confirmer l’immense gâchis.

Amy Winehouse, Lioness: Hidden Treasures, distribué par Universal. **

Ecouter l’album sur Spotify.

Difficile d’échapper à ce paradoxe: autant les attentes qui ont suivi Back To Black n’ont fait que grandir depuis son triomphe en 2006, autant Lioness: Hidden Treasures s’approche à reculons. C’est le lot des albums posthumes: forcément toujours un peu suspects. En juillet dernier, Amy Winehouse s' »éthylisait » une dernière fois, seule, à son domicile de Camden. Six mois à peine plus tard, voilà donc un premier disque, venant s’ajouter à une discographie pas bien épaisse: 2 albums à peine, Frank (2003) et le désormais classique Back To Black.

Un troisième LP était bien sur les rails, ont confirmé plusieurs sources. Mais d’après ce que veut bien en lâcher Lioness: Hidden Treasures, le chemin semblait encore long avant d’envisager un quelconque retour. Lioness n’est pas une éventuelle hypothèse, la finalisation d’un travail en cours. L’album est d’abord un assemblage de bandes qui vont des débuts de la chanteuse au dernier enregistrement studio officiel, le duo avec Tony Bennett. Sur la douzaine de morceaux, la moitié est constituée de reprises, tandis que 2 autres titres ne sont que des versions originales de morceaux de Back To Black… Qu’il ait fallu brasser aussi large afin de trouver le matériel nécessaire n’est évidemment pas rassurant.

Voix royale

La démarche est cependant cautionnée par les parents d’Amy Winehouse. Surtout, on trouve aux commandes du disque les 2 producteurs de la chanteuse: Salaam Remi (surtout) et Mark Ronson. Leur contribution n’est pas anodine. Elle est même centrale. On aurait rêvé d’entendre des enregistrements réduits à l’essentiel, des démos dénudées -quiconque est tombé un jour sur la démo acoustique de Love is a Losing Game a dû se rendre à l’évidence et admettre le génie et l’aura insensée d’une voix comme celle d’Amy Winehouse. Rien de tout ça ici. Chaque morceau -même la reprise de Donny Hathaway, A Song For You, basée apparemment sur une seule prise voix de Winehouse, enregistrée dans son grenier- a été complètement arrangé.

L’exercice a ses limites, mais, sous la houlette de Remi & Ronson, il a au moins aussi un mérite: éviter d’entretenir le mythe sombre de la star déglinguée. Le parti pris est annoncé dès la pochette avec une Winehouse presque souriante, portant une robe printanière. L’album commence avec une version reggae d’Our Day Will Come, un classique r’n’b des sixties, tandis que l’inédit Between The Cheats montre une Winehouse minaudante, légère sur fond de cuivres pépères. Rien de raté, mais pas de quoi non plus crier aux pépites. Plus loin, un titre comme Like Smoke, par exemple, est plus réussi. Mais Amy Winehouse n’y a que quelques phrases à chanter (« Like smoke, I hang around »), laissant le rappeur Nas occuper l’espace. Soit. Il y a des moments plus embêtants: The Girl From Ipanema aurait pu rester inédit, et Body & Soul montre une Winehouse à la peine, au bord de l’autoparodie. Malgré cela, on ne peut s’empêcher d’écouter cette voix, toujours aussi terrible sur Wake Up Alone ou Will You Still Love Me Tomorrow?. C’est ce qui fait aussi de Lioness un des disques les plus tristes de l’année. Même en n’évitant pas l’anecdotique, il n’arrive pas à faire oublier les promesses gâchées…

Laurent Hoebrechts

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content