Gonjasufi: « La musique c’est comme le base-ball »

Le chanteur mystique Gonjasufi, de son vrai nom Sumach Ecks, a surgi cette année du désert du Nevada. Dans la queue de cette comète, un disque envoûtant, « A Sufi & A Killer », bricolage de blues, de rap, de punk et de soul. Rencontre avec cet olibrius à dreadlocks, juste avant sa brève apparition aux Transmusicales de Rennes. Où il est question de ses démons, de yoga, d’hindouisme, de Miles Davis et de base-ball.

Avez vous des rituels avant de monter sur scène?
Je ne peux pas partager ça, c’est confidentiel… J’essaye de me relâcher. J’ai la nausée pendant une demi-heure… Je dis une prière et je monte sur scène.

Vous êtes professeur de yoga. Accomplissez-vous quelques exercices?
Je pratique le pranayama. C’est une technique de contrôle de la respiration. Je fais ça pour le chi (ndlr: l’énergie vitale de chacun selon la médecine traditionnelle chinoise). Cela permet de lier les rythmes du coeur et des poumons, de synchroniser tous les éléments de mon système.

Vous avez passé beaucoup de temps à mixer votre album A Sufi & A Killer, à en remodeler les sons. Comment l’adaptez-vous à la scène?
Je suis entouré d’un groupe. On a préparé des nouveaux morceaux. C’est différent du disque, cela permet d’aller plus loin. De m’exprimer autrement. (ndlr: après six morceaux dans une veine plutôt hardcore, il s’éclipsera de la scène sans un au revoir).

Le titre de votre album A Sufi & A Killer (un soufi et un tueur), fait référence à une mystique musulmane. Ce sont deux faces de votre personnalité?
Ce sont deux aspects qui apprennent à devenir symétriques. C’est un processus de soumission pour s’élever. Il s’agit ensuite de le décrire de manière honnête afin de permettre aux auditeurs d’y prendre part.

Sur scène, êtes-vous plutôt Sufi ou Killer?
Pour moi, c’est la même chose. Je suis les deux. Arjuna devait tuer même s’il ne le voulait pas. C’était la volonté de Dieu qu’il massacre sa propre famille (ndlr: le bhagavadata, partie centrale du poème épique Mahâbhârata, est un des écrits fondamentaux de l’hindouisme. Il conte l’histoire de Krishna, huitième avatar de Vishnou, et d’Arjuna, un prince guerrier en proie au doute devant une bataille qui risque d’entraîner la mort des membres de sa famille, les Pândava, qui se trouvent dans l’armée opposée. C’est dans ce livre que l’on trouve les premières bases du Hatha Yoga, la forme la plus connue du yoga en Occident.)

La philosophie du Bhagavadata, cette tempête entre Arjuna et Krishna, est à la base de A Sufi & A Killer. C’est le même concept. Il y a cette part de moi que je redoute d’embrasser, parce qu’elle peut tuer et sachant ça, il est nécessaire pour moi de la laisser prendre le dessus à certains moments. C’est ce concept que je veux que je les gens puissent percevoir à travers ce disque.

L’album a été formidablement accueilli par la critique. Qu’a-t-il changé pour vous?
Il m’a permis d’offrir à mes enfants de meilleures conditions. Cela ne signifie pas que je suis riche aujourd’hui. Je suis toujours fauché. J’ai quatre enfants à nourrir. Il ne s’agit pas pour moi d’avoir une nouvelle Mercedes Benz, mais d’offrir du confort pour mes enfants et d’assurer leur futur. J’aime le travail que je fais et je ne voudrais rien faire d’autre. Je passe beaucoup de temps sur la route, je découvre l’Europe. Mes parents ont travaillé toute leur vie. Je n’ai pas beaucoup voyagé. J’ai maintenant l’opportunité d’approfondir ma compréhension de la complexité des relations entre l’Orient et l’Occident. Je veux créer des ponts au-dessus des frontières.

Travaillez-vous sur des nouveaux morceaux?
Je vais dans beaucoup de directions. Je ne veux pas me restreindre. Je vais en studio et j’appuie simplement sur Record. Dans un an ou deux, je rassemblerai toutes ces chansons et je dégagerai une direction. Je reste ouvert, je ne veux pas réenregistrer le même disque.

Qu’est ce que vous écoutez en ce moment?
En tournée, j’écoute beaucoup de blues comme Howlin’ Wolf, des vieux John Lennon, du punk. J’aime le punk rock. J’aime le son des vieux enregistrements déglingués, avec une approche basique: une salle, un micro, une voix, une guitare. C’est une question d’honnêteté. Moins il y a de machines impliquées plus tu libères ton coeur, plus tu es proche de tes sentiments. Mes sessions d’enregistrements fonctionnent comme ça.

Vous souvenez-vous de votre première émotion musicale?
Je me souviens de balade dans la Volvo pourrie de ma mère. On écoutait The Gap Band, Marvin Gaye, Gato Barbieri, Pharoah Sanders… J’ai vu Miles Davis en concert à Los Angeles avec mon père, ma mère et mon petit frère de cinq ans. C’était en 1986, au Playboy Jazz Festival, j’avais huit ans. J’ai adoré. Nous étions les seuls enfants. C’est cette nuit que je me suis rendu compte combien la musique pouvait être passionnante.

Miles Davis a créé des passerelles entre les genres. Est-ce une référence pour vous?
Oui, avec Jimi Hendrix.

Avez-vous encore le temps d’enseigner le yoga aujourd’hui?
L’enseignement ne s’arrête pas sur le pas de la porte de la salle de yoga. Ce que vous apprenez en classe doit s’appliquer à l’extérieur. C’est ce que j’enseigne aujourd’hui à mes élèves. Le fait d’être ici à Rennes, de donner des concerts, me permet d’accomplir ma destinée. C’est ma façon d’apprendre à mes étudiants à s’élever personnellement.

J’ai lu qu’une de vos passions est le base-ball.
J’aime le base-ball. Ce que j’ai appris de ce jeu, je l’applique maintenant. La première fois que j’ai pris une batte en main, je me suis fait sortir. J’ai été « strikeout » quatre ans d’affilée. Mon équipe m’a donné un gant pour que je retourne sur le terrain comme receveur. J’étais le plus rapide et le meilleur défenseur. Mais je devais me battre pour frapper la balle. La première fois que j’ai touché la balle, je suis arrivé sur la première base. J’ai vu le terrain sous un nouvel angle, j’ai pu observé le lanceur. Ensuite, j’ai atteint la deuxième base et ainsi de suite. Plus tu mets du temps à parvenir à un point, plus tu te maintiens longtemps à un bon niveau. La musique c’est comme le base-ball. Cela m’a pris dix ans pour en arriver là dans la musique, mais je vais y rester pour un bout de temps. C’est une question de concentration et de détermination. J’étais un grand fan de baseball. Moins maintenant. Je joue avec mes enfants. Ma fille a un méchant bras!

Vous portez un t-shirt « Gorilli ». Ca veut dire quoi?
Aucune idée, on me l’a offert hier à Amsterdam.

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Julien Bordier

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