BSF J4: Dan Lacksman, The Neon Judgement et Karl Bartos

© Frédéric Pauwels
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Set très sympathique pour Dan Lacksman, atomique pour Neon Judgement et complètement WTF pour Karl Bartos. Notre reporter s’est enfin davantage gâté les oreilles que le gosier.

Cela fait 23 ans que Karl Bartos a quitté Kraftwerk, une vie. Bien remplie d’ailleurs, puisque le bonhomme a collaboré avec pas mal de représentants de la crème électropop internationale et a aussi sorti une poignée d’albums solo plutôt défendables. Quel étonnement dès lors que d’assister à un concert majoritairement constitué de morceaux de… Kraftwerk. TOUS les tubes, quasi un best of. Pas des reprises, pas des nouvelles versions, les tubes avec le son d’époque et cela présenté dans une scénographie également décalquée de Kraftwerk. Ca dépote évidemment mais c’est aussi parfaitement consternant. Cela nous fait débiner des grosses moqueries: il est parti avec la disquette au moment de quitter le groupe? C’est le Canada Dry de l’électropop? Vu que c’est Kraftwerk nettement moins cher que Kraftwerk, pourquoi ne le ferait-on pas venir à notre anniversaire? Ils se tapent dessus quand ils se croisent dans les aéroports, Bartos et Hütter? Il vient quand le procès? Bref, même si musicalement irréprochable, Karl Bartos a délivré ce qui restera sans doute comme LE grand moment what the fuck du Brussels Summer Festival, le coup du mec qui joue 3 morceaux à lui pour 12 de son ancien groupe. Cela fait évidemment poser 1000 et 1 questions sur son éthique, la digestion de son passé ainsi que sur son rapport véritable à Kraftwerk, qu’il a pourtant quitté parce qu’il s’y sentait bridé. Il y a assurément un bouquin à écrire.

Avant cela, Neon Judgement a tout enflammée. 25 ans que l’on n’avait personnellement plus croisé TB Frank et Dirk Da Davo sur scène. La dernière fois, c’était à La Gaité, en 1988, un concert dément, malade, avec beaucoup trop de fumigènes et des strip-teaseuses. Août 2013, dingue: le son n’a pas pris une ride, ça envoie toujours sévèrement le bois, la rencontre parfaite de l’électro et du rock, Suicide jammant avec le Gun Club ou Cabaret Voltaire invitant les Cramps. Les quadragénaires se déchaînent, ça danse ferme. Les plus jeunes se laissent prendre au jeu, tout en ayant l’air de se demander d’où sortent ce sosie de Jacques Dutronc à la guitare et ce petit nerveux aux synthés qui ressemble drôlement à un Vive La Fête, avec ses longues douilles et ses lunettes solaires d’aviateur. On s’imagine leur expliquer qu’il s’agit tout simplement de l’un des plus grands groupes belges des années 80, de ceux qui retournaient complètement les dancefloors avec leurs tapis de bombes (TV Treated, The Fashion Party, Awful Day…). Le duo se la ramène nettement moins qu’alors et n’a plus vraiment l’air d’y croire mais le son reste donc drôlement intense et « pan dans ta face ». Des passages plus rap rappellent également que ce hip hop industriel typique du début des années 90 (Consolidated, Meat Beat Manifesto, etc.) a en fait été inventé à Louvain dès 1987 par deux types qui avaient beau mélanger pas mal d’influences, en sortaient toujours quelque chose de très personnel. Okay, on est totalement fan, autant l’avouer. Depuis toujours. Donc, peut-être bien que c’était au fond plutôt ringard, en fait, haha.

Un autre régional de l’étape qui a assurément aussi inventé pas mal de choses, c’est Dan Lacksman, officiellement premier musicien belge à avoir acheté un synthétiseur, en 1970, pour en tirer du tube, kitsch dans un premier temps, nettement plus déterminant à partir du moment où débuta l’aventure Telex, avec Michel Moers et feu Marc Moulin. En plus de 40 ans d’activités, le bonhomme a eu le temps d’acquérir un certain savoir-faire et sa musique du jour ressemble, sans prétention aucune, à de la techno sans montées, du LCD Soundsystem à la place de LCD Soundsystem, Giorgio Moroder version moules-frites, les Tueurs de la Lune de Miel goes electro. Le tout modeste, très second degré, pince-sans-rire à l’ancienne. N’en demeure pas moins que tout statique et presté devant une audience clairsemée qu’il fut, ce set de Lacksman était aussi vraiment sympathique. Bref, pour ce troisième soir au BSF, on s’est enfin gâtés davantage les oreilles que le gosier. Encore que.

Toutes les photos de Dan Lacksman, The Neon Judgement et Karl Bartos par Frédéric Pauwels.

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