Cold Souls

L’excellent Paul Giamatti se prête au jeu fascinant d’une drôle d’histoire où il est question de trafic d’âmes entre Etats-Unis et Russie, sur fond de théâtre de Tchekhov.

De Sophie Barthes. Avec Paul Giamatti, Dina Korzun, Emily Watson. 1 h 41.

Paul Giamatti est en pleine répétition d’Oncle Vania, la pièce d’Anton Tchekhov. Mais le comédien américain se sent mal dans sa peau, saisi qu’il est par un doute existentiel comme en connaissent peut-être épisodiquement certains de ses collègues. Mais il se trouve qu’en pleine crise, il découvre dans le magazine New Yorkerun article sur un scientifique qui a mis au point une machine extrayant l’âme du corps, et fondé une société qui offre de conserver cette âme en dépôt.

D’abord très surpris, Paul ressent bientôt une grande curiosité qui le pousse à se rendre dans les locaux de la Soul Storage Company. Et ensuite à y laisser son âme… dont il s’apercevra, dépité, qu’elle a la forme… d’un pois chiche! La chose une fois mise en bocal et entreposée dans un coffre-fort, l’acteur se sentira libéré de ses angoisses et inhibitions. Mais son jeu s’en ressentira, et les répétitions d’Oncle Vania tourneront à la catastrophe. Sans une âme et les souffrances intérieures qu’elle vous inflige volontiers, comment en effet interpréter le personnage frustré, malheureux, déchirant, d’Ivan Voïnitski ?

A louer

Le point de départ de Cold Souls est très original, et connaîtra des prolongements encore plus délirants quand le héros du film « louera » l’âme d’un poète russe, avant de vouloir récupérer la sienne et de s’apercevoir qu’elle a disparu et est probablement partie du côté de Saint-Pétersbourg où les âmes font l’objet d’un trafic lucratif! Même s’il met en scène un acteur dans son propre rôle, le film de Sophie Barthes ne ressemble en rien àBeing John Malkovich, l’OVNI écrit par Charlie Kaufman et réalisé par Spike Jonze. Cold Souls adopte une logique narrative linéaire. Et s’il prend assurément des allures de cauchemar éveillé, aux confins d’un imaginaire sobrement inquiétant, c’est plus du côté des surréalistes français comme André Breton qu’il faut chercher ses références, si besoin en était.

Car pour son premier long métrage, Sophie Barthes joue la carte d’une folie maîtrisée, d’une fluide évolution entre humour décalé, voyage initiatique et réflexion sur ce qui fait l’humain, qu’il soit artiste ou pas. Paul Giamatti, pour lequel le film a été directement écrit, signe une interprétation délicieuse d’abandon lucide. L’acteur de Sideways et American Splendor est notre guide idéal, pour une promenade d’insanité à la fois ironique et touchante, et qui donne bien du plaisir.

Louis Danvers

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