L’eau ferrugineuse, oui!

Lundi, c’est poulet curry. Petit retour sur le week-end avec notre vaillant chroniqueur Guillermo Guiz, toujours aussi peu enclin à la baisse de régime. Night in, Night out, épisode 27.

Ca commence par une question. « Tu bois ce soir? », s’enquiert un ami, pour déterminer si oui ou non, il chevauchera sa rutilante Citroën Saxo pour nous rejoindre. Voilà. Ca fait plaisir. Sans alcool pour me vicier le sang, je suis manifestement aussi divertissant qu’un code civil hongrois. Vive la France. A jeun, je suis pourtant titulaire d’excellentes boutades centrées sur les Schtroumpfs (voir Nino 26) et mon imitation de Claude François mériterait largement de dépasser les frontières de mon cercle familial. Cela ne suffit donc pas. Sobre, je plombe, j’anesthésie, je neutralise, je moodbreak, je cockblock. « Si je vais boire? Gentiment », ai-je rendu mon coupon-réponse, histoire d’appâter l’intérêt dudit copain qui, soit dit en passant, se déplace rarement sans sa bouteille de gin personnelle, son soft et son verre. On n’est jamais mieux déchiré que par soi-même.

L’alcool, vaste débat. « Faut absolument que tu le dises dans ta chronique, la coke, c’est un fléau. UN FLEAU!!!, me confiait jeudi nuit, en plein Bois de la Cambre, une jeune femme chancelante, difficilement audible et parfaitement cuite. Prends ça Pablo Escobar, commenterait Mark The Ugly. Mademoiselle, te voici exaucée (même si, m’ayant reconnu, tu as insinué que j’étais plus costaud qu’attendu et que je dansais mal). Reste un comparatif. La coke, ça booste la créativité sociale, l’alcool, ça booste la créativité du vomi. La coke, ça te transforme les cloisons nasales en muesli. L’alcool, ça rend ton foie radioactif. La coke, ça coûte 50 euros le gramme. L’alcool, ça coûte 8 euros la vodka. La coke, c’est un fléau. L’alcool, c’est une tradition. La coke, ça se prend à trois dans les toilettes du K-Nal. L’alcool, ça se prend à mille un étage plus haut. La coke, ça rend maigre, l’alcool ça rend gros, la vie, ça rend mort.

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« Faut pas que tu boives de l’alcool fort avant tes 20 ans. Ca rend con, ça te fait honte après. Si vraiment tu dois impressionner tes potes, prends un Bacardi Breezer », conseillai-je pour ma part à mon filleul, 16 ans, dont c’était, samedi soir, l’une des premières sorties en boîte. Quatre jours plus tôt, je vidais un open-bar en bousillant 12% de mes neurones et 34% de ma dignité. Qui s’applique les conseils qu’il donne? Le papa de mon filleul, plus trash encore, mais relativement étranger aux réalités de la nuit belge, tenta de dissuader son fils d’aller passer la soirée (on parle de 21h-1h) au Palace, à Hal, via la technique Hollywood: « Une pilule dans ton verre, et hop, tu te réveilles deux heures plus tard avec une cicatrice. Et un rein en moins. C’est plus vite arrivé que tu ne le crois. » Avis aux éventuels chapardeurs nocturnes: mon foie n’a aucune valeur.

Mardi soir, donc. Nos confrères du Télé-Moustique zappent le « Télé » de leur carte d’identité dans une nouvelle formule célébrée au champagne et au truc orange. Il était orange, ce cocktail mystérieux, appelant, sexy, un peu amer, traître comme un jus d’abricot. Pas mangé avant. Trop mangé après. Dedans, en plein zoning industriel de Diegem, Bernard Dobbeleer s’occupe brillamment de l’onctuosité musicale pour un public de réception si pas indifférent, du moins largement distrait. Networking. Je me tiens bien jusqu’1h30, environ, au milieu du gratin médiatique francophone, des présentateurs de JT, des patrons de chaînes, des animatrices télé, des Stéphane Pauwels, des Marc Delire, des soeurs Louys et des jolies Hadja Lahbib. Puis, doucement, je monte dans les tours. Puis, doucement, j’aperçois les traits délicats d’Elodie de Sélys, dans un décor de jungle, et là, le switch, le dédoublement de personnalité, j’enfile mon slip léopard, je serai les FARC, elle sera ma Ingrid Betancourt, je fus Jean-Claude Dusse, il n’y eut pas de malentendu.

Elodie, si tu lis ces mots, sache que je ne suis pas tout le temps comme ça. Pas tout le temps, non. Pour conjurer le sort, nous allâmes (wa akbar) dépecer un gros carré de viande au Si Bémol, à 4h du matin, Bernard Dobbeleer, Simon Le Saint (qui a toujours faim) et moi. « Vous savez mademoiselle, j’ai un fils de votre âge », balança le seul client hors nous à la serveuse, probablement bien rôdée aux techniques de drague old-school et désespérées des mecs torchés de fin de nuit, un client qui me permit, tant bien que mal, d’échapper aux lancements un peu honteux de la loositude solitaire. Lui aussi aurait sa dusserie. A l’heure d’écrire ces lignes, je me souviens uniquement de cet homme, un peu perdu, un peu gauche, un peu pathétique, un peu touchant. Et d’avoir partagé une partie de mon steak avec Bernard. Le reste n’a jamais existé. C’est aussi ça, l’alcool, une efficace femme de ménage capable d’emmener les encombrants de ta mémoire au parc à conteneurs de Forest. Sans devoir demander une camionnette à prêter.

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Jeudi, curieusement, tous les clubs ou presque fêtaient la Saint-Patrick. Saint-Patrick Party par-ci, Saint-Patrick Party par-là. Faudra qu’on m’explique. Moi, les Irlandais, c’est comme les requins blancs, je n’en ai jamais vus en vrai. D’ailleurs, le lendemain vendredi, au Wild Geese, même les serveurs étaient méditerranéens. Pas grand monde dans le pub pour la Disco Night, sauf un duo d’amis bien ratatinés qui, au comptoir, m’a confirmé tout le bien que je pensais du démontage biéreux: tout d’un coup, le « tonight’s gonna be a good night » de l’obsédant et nauséeux I got a feeling (Black Eyed Peas feat David Guetta, au cas où t’étais en Corée du Nord ces 23 derniers mois) s’est mué en « tonight’s gonna be a tapette », sans que je comprenne vraiment le lien entre les deux idées. C’est aussi ça, l’alcool, un révélateur de génie. Faut pas me raconter que Baudelaire, Rimbaud et compagnie se finissaient au Spa Orange pour enfanter leurs trois vers et demi de slam.

Tiens, parlant de slam, me suis fait un film. Shakira, Guetta, les Black Eyed Peas, Akon, Lady Gaga et Magic System sont donc un bateau. Dans un bateau loin si possible, genre Triangle des Bermudes. Déjà, le bateau coule, à cause des seins de Fergie. Mais en plus, 78% des DJ’s belges perdent leur fond de commerce, se suicident, et laissent peut-être un peu d’espace aux véritables passionnés de zik. Ca me rend dingue: où que j’aille, j’ai l’impression d’être harcelé par ces gens, comme si Shakira voulait absolument que je l’aime (alors qu’elle sait très bien qu’Elodie de Sélys occupe mes pensées). Proposition: après la cigarette dans les bars, bientôt interdite pour de bon, pourquoi ne pas élargir la mesure aux pollueurs sonores, libérer les réfugiés des centres fermés et y déposer les DJ’s fainéants? Je dis ça, c’est pour aider. Bref.

Patrick Juvet, face B: « Où sont les roux? » Pas au Marquee, malgré la spéciale Saint-Patrick de jeudi. Personne à 23h30, musique éteinte et tout. Pas au Flat, à 1h30, ou en tout cas pas pour mon pote et moi: recalés, la fête était prétendument finie. Au Mirano, quelques chapeaux hauts, 10 euros l’entrée, mais toujours pas vraiment d’Irlandais frivoles et sur-guinessés. Les pubs, confession intime, c’est moyen mon truc, essentiellement parce que la bière, ça ne coûte pas cher et que je préfère me souler avec des alcools qui ruineront autant mon avenir sanitaire que financier. L’aurait certainement fallu O’Reillyser, Celticatiser ou placeduLuxembourgiser pour croiser les vrais élus de la journée. Vivement la fête nationale birmane. Qu’on rigole un peu. Rideau.

Guillermo Guiz

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