Philippe Cornet

Walking dead

Philippe Cornet Journaliste musique

Keith Moon, génial batteur des Who, est invité par l’organisation des J.O. 34 ans après son overdose de médocs alors que Tupac, flingué en 1996, rappe en hologramme scénique aux côtés de Snoop Dogg. Top mortel?

La chronique de Philippe Cornet

Le ridicule ne tue peut-être pas, mais il a le nez bouché. Le Comité Olympique des J.O. de Londres vient de prouver qu’on peut s’y connaître en 100 mètres et stéroïdes sans pour autant distinguer le rock de son mythe. Faut quand même être en exil depuis trois décennies dans des bantoustans privés d’électricité pour ne pas savoir que Keith Moon a cassé sa pipe il y a une génération. Le 7 septembre 1978, l’hyperkinétique batteur overdose après absorption de 32 pilules de clomethiazole -six constituent la dose mortelle-, un puissant sédatif destiné à combattre le sevrage alcoolique. Dommage effectivement que Keith ne puisse pas aller aux Jeux, il aurait pu comparer sa pharmacie perso à celle de ses stupéfiants collègues athlètes: on parle quand même d’un mec qui, lors de la tournée 1973 de Quadrophenia, s’effondra sur sa batterie parce qu’il avait mixé Brandy et tranquillisants utilisés pour anesthésier les animaux… Comme le dit si bien le manager des Who, sollicité par les Olympiades: « S’ils ont une table ronde, des verres et quelques bougies, on pourrait tenter de contacter Keith (…) qui repose au crématorium de Golders Green, incarnant la devise « J’espère mourir avant de devenir vieux  » (1). »

Résurrection digitale

On peut éventuellement rapprocher l’affaire Moon du sentiment parfois partagé de ne plus très bien savoir qui est mort ou pas: John Lee Hooker? Oui. BB King? Non. L’industrie a des problèmes de mémoire, sauf quand il s’agit du tiroir-caisse. Exemple avec Tupac Shakur, superstar rap, voyou, idole, révolutionnaire, poète, symbole urbain coiffant diverses casquettes plus ou moins odorantes avant de mourir comme il avait vécu, de façon radicale. Assassiné à Las Vegas en 1996, Tupac a vendu plus d’albums posthumes que de son vivant: il refait parler de lui à la mi-avril lors du Coachella Music Festival. Un hologramme de sa personne y apparaît sur scène pour deux titres, dont un chanté en compagnie de Snoop Dogg. L’idée est de Dr. Dre. En 1991, Natalie Cole avait déjà tourné un clip où elle chantait avec feu papa Nat King, et dernièrement à Forest National, Elvis Presley -via sa projection sur grand écran- se produisait en « concert » complet . Mais la qualité du clone numérique de Tupac est plus impressionnante: les images l’amènent en live, tout en muscles et tatouages, rapatriant son flow de chez les morts. C’est AV Concepts, société californienne, qui a fait chauffer les circuits 3D pendant quatre mois pour arriver à ces quatre minutes de résurrection digitale. Son boss a déclaré à MTV: « Je ne peux pas dire le coût du travail (entre 100 000 et 400 000 dollars selon les sources, ndlr), mais c’est rentable dans la mesure où cela permet d’amener les entertainers partout dans le monde. » Cela s’appelle un retour (sur investissement) des morts-vivants.

(1) PHRASE EMBLÉMATIQUE DES WHO SUR LEUR TUBE HISTORIQUE MY GENERATION, SORTI EN 1965.

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