Le réalisateur de Die Hard en prison: les dessous de l’affaire

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FocusVif.be Rédaction en ligne

John McTiernan, le réalisateur de Die Hard et de L’affaire Thomas Crown doit être emprisonné le 3 avril pour parjure et mensonge au FBI. Un proche de la famille raconte l’affaire qui a ruiné la carrière de John McTiernan.

La neige virevolte en bourrasques sur le Wyoming. Dans les dépendances d’un ranch où jadis les cow-boys détalaient sous les flèches des Sioux, un homme aux rides tourmentées écrit l’histoire d’une bande de pompiers aériens. Il l’a intitulée Warbirds. C’est un scénario sur lequel planche John McTiernan. L’angoisse au ventre. Dans deux semaines au plus tard, le 3 avril à minuit exactement, le réalisateur de Piège de cristal et du 13e guerrier devra se rendre aux autorités.

Il a écopé d’un an de prison ferme, de 100.000 dollars d’amende et de trois ans de liberté surveillée pour avoir menti deux fois au FBI et s’être parjuré devant la Cour. La conclusion d’une vieille affaire qui a ruiné la carrière de cet ours solitaire, aux antipodes du Barnum hollywoodien, sorte de franc-tireur du cinéma devenu paria d’entre les parias depuis 2006.

Tout commence sur le tournage de Rollerball, en 2000. Ce qui, dans l’esprit de McTiernan, devait être un Spartacus moderne est en train de virer au cauchemar. Des malfrats rackettent l’équipe, un incendie d’origine indéterminée ravage les décors et le comptable, terrorisé, se barre. Le cinéaste et son producteur, Charles Roven, ont le doigt sur la gâchette. Roven se fiche de Spartacus comme de ses premières cothurnes, il veut un film d’action qui fait Bam-Boum-Argh. En gros. McT le soupçonne de manigancer un sabotage de première classe avec les pontes de la MGM.

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Désespéré, il appelle un professionnel auquel il avait déjà eu recours en 1998 lors de son divorce avec Donna Dubrow: Anthony Pellicano. Ce triste sire à costume croisé et pompes miroir façon Al Capone est le détective privé que tout le gratin de la Cité des Anges s’arrache à la moindre embrouille. Un cador, en cheville avec la mafia. « Lorsque vous êtes l’un de ses amis, vous faites partie de sa famille. Et lorsque vous ne l’êtes pas, vous avez un sacré problème », dixit Sylvester Stallone.

Michael Jackson, Kevin Costner, Tom Cruise, Courtney Love, Stevie Wonder, les agents et les avocats de star, les managers, les producteurs, les nababs et même Hillary Clinton font partie de ses clients. On le surnomme « Le mangeur de péchés ». Ses spécialités sont multiples. Chantage, menaces, écoutes, espionnage, corruption et falsifications diverses. A discrétion. Au téléphone, John McTiernan demande à Pellicano de se renseigner sur ce que Charles Roven trafique avec la MGM à propos de Rollerball.

Pas de problème, ce sera 50.000 dollars, merci, à la prochaine

Le film, bel et bien charcuté au montage par Roven, sort en 2002 dans l’horreur générale. Cette même année, le FBI fait une descente chez Anthony Pellicano. Une journaliste du Los Angeles Times a porté plainte: elle a trouvé un poisson mort, une rose rouge et le mot Stop sur le pare-brise cassé de son Audi. Une menace de mort en langage mafieux. Elle farfouille dans la vie de deux clients de Pellicano, elle est persuadée que le coup vient de là.

Les flics mettent rapidement la main sur un petit escroc, Alexander Proctor, qui avoue le méfait et dénonce le détective privé. Dans l’antre du « Mangeur de péchés », les agents saisissent disques durs, ordinateurs, grenades, armes de poing, explosifs, arsenal militaire, CD, pages de retranscriptions téléphoniques par milliers, gadgets à la James Bond. Arrêté pour détention illicite d’armes de guerre, Pellicano est condamné à 30 mois de prison. Le temps que le FBI épluche la montagne de preuves.

Le 13 février 2006, John McTiernan dîne dans son ranch du Wyoming. Un proche de la famille raconte que le réalisateur était rentré la veille de ses repérages en Thaïlande avec un bon revenez-y de fièvre typhoïde et un sacré jet-lag. Dans un compte-rendu, l’un des juges de la cour d’appel indique que les repérages avaient lieu au Canada. Bref. Le téléphone sonne, McT, fiévreux ou pas, éreinté ou pas, prend l’appel. Un type qui dit appartenir au FBI lui pose des questions sur Pellicano et l’avocat Dennis Wasser, que le réalisateur avait engagés lors de son divorce avec Donna Dubrow. Il veut savoir s’il a connaissance des écoutes illégales du détective. La réponse est non.

« Les journalistes appelaient souvent en se faisant passer pour quelqu’un d’autre, se souvient un intime. John savait par expérience qu’il valait mieux répondre aux questions pour avoir la paix. A la fin de la conversation, l’homme a demandé à John si c’était la seule fois qu’il avait employé Pellicano, John a répondu: « Oui. Je vous laisse, je retourne à mon dîner. » Et ça s’est arrêté là. »

L’agent spécial du FBI Stanley Ornellas raccroche et prend des notes. Les portes de l’enfer viennent de s’entrouvrir. A peine un mois plus tard, le plus puissant limier de la planète comparaît à nouveau devant les tribunaux. Au nombre de la centaine de chefs d’inculpation retenus, figurent l’extorsion, les écoutes illégales et l’association de malfaiteurs. Il risque 20 ans d’emprisonnement. « Ce procès a le potentiel d’ouvrir une fenêtre rare sur les bas-fonds de Hollywood », déclare maître Pierce O’Donnell. Le tout Tinseltown claque des genoux. Le premier grand nom qui tombe dans l’escarcelle de la justice est John McTiernan.

Il sera le seul à en subir les conséquences

Le 4 mars, le gouvernement avait suggéré au metteur en scène de prendre un avocat. Lorsque, le 16 mars, il est convoqué à un entretien avec un représentant du gouvernement, McT embarque donc son défenseur. Le procureur évoque le coup de fil de l’agent Stanley Ornellas à McTiernan où celui-ci conteste connaître les méthodes illégales du détective et l’avoir employé après 1998. Puis dégaine des retranscriptions des écoutes de Charles Roven. Et l’enregistrement datant du 17 août 2000 d’un échange entre McT et le détective des stars que les fédéraux disent avoir déniché sur l’un des ordinateurs saisis.

Au lieu de nier, la main sur le coeur, qu’il ignorait tout des agissements de Pellicano, comme toutes les célébrités le feront par la suite, le cinéaste décide de plaider coupable au procès. Son avocat lui assure que c’est la seule parade au vu des preuves. Selon le New York Times, McT déclare à la Cour: « En fait, j’ai engagé Anthony pour qu’il mette Charles Roven sur écoute au cours de l’été 2000. J’en ai parlé avec lui. Je n’ai jamais reçu de rapport. Après deux semaines, je l’ai payé et je l’ai viré. Mais je n’en ai pas parlé à l’agent du FBI au téléphone. » Il vient de pénétrer pour de bon en enfer. De son plein gré. Mentir au FBI est un crime passible de 5 ans de prison.

Depuis le début de la procédure judiciaire, McTiernan est en probation. Comme tous les accusés dans sa situation. Il doit rendre compte de ses faits et gestes chaque semaine auprès d’un agent, demander l’autorisation s’il veut s’éloigner de chez lui de plus de 160 km et obtenir la permission du juge de l’application des peines pour sortir du territoire tant que son cas n’est pas fixé.

Impossible de faire un film dans ces conditions, aucun assureur n’acceptant de s’engager sur un projet dont le metteur en scène peut emménager à tout moment dans un pénitencier et une salopette orange. « Monsieur McTiernan n’est pas au-dessus des lois », aime à clamer l’accusation. Celui qui n’est pas au-dessus des lois tourne en rond dans son ranch. Hollywood le dédaigne de crainte de se compromettre.

En 2007, la sentence tombe: 4 mois de prison, 2 ans de liberté surveillée et 100.000 dollars d’amende. Le cinéaste réalise alors qu’il a été berné par ses avocats, qui avaient omis quelques détails quant aux conséquences gênantes du plaider-coupable. Il les vire et embauche deux fiers cabochards. Des teigneux. Des pugnaces. A partir de là, les condamnations, les procès, les recours en appel, les accusations, les demandes d’annulation de peines vont se succéder. Les magistrats ont de la ressource. Le gouvernement aussi.

Surtout, il y a la juge Dale Susan Fischer. L’oeil froid, la mèche courte et blanche, un sourire plein de dents. La rumeur soutient qu’elle veut se faire un C.V. de compétition en envoyant McT derrière les barreaux. Lorsque les avocats font état de la dépression grave de leur client pour obtenir un assouplissement de la peine, elle répond: « Il ne sera certainement pas le seul dépressif en détention », ainsi que le rapporte le Los Angeles Times.

Free McTiernan!

D’après notre source, Fischer aurait refusé que le jury soit informé d’une erreur de procédure. Les agents du FBI seraient censés se présenter en personne, munis d’un badge et de leur pièce d’identité, pour interroger quelqu’un. Toutes les personnes impliquées dans l’affaire Pellicano ont par ailleurs été contactées via leur agent ou leur avocat par le bureau fédéral avant d’être entendues. Seul McTiernan a été approché par téléphone.

Quant aux fameuses retranscriptions des écoutes illégales de Charles Roven, auxquelles L’Express a eu accès, ce ne sont que des résumés de quelques lignes sans aucun dialogue. « De simples messages sur un répondeur! », ajoute notre informateur. Ces deux éléments et le fait qu’un témoin à charge déterminant s’est rétracté devraient lever la condamnation du réalisateur, estime-t-il.

A supposer que la juge accepte de les prendre en compte. Les ténors du barreau, Todd Neal et Chuck Sevilla, ne désarment pas, malgré la ténacité de Dale Fischer. Ils ont quand même obtenu son accord concernant le suivi médical de McT en prison. « Les médicaments que John prend depuis des dizaines d’années pour soigner une sévère dépression ne sont pas reconnus par le Board of Prisons. Si on arrête brutalement le traitement, il souffrira de graves effets secondaires », s’alarme notre source.

S’ils ne parviennent pas à annuler la peine, les défenseurs ont insisté pour que leur client soit incarcéré à la prison de Yankton, dans le sud du Dakota, la plus proche de la famille et l’une des moins dangereuses des Etats-Unis. En attendant, le Bear Claw Ranch que McTiernan a acheté à crédit il y a 25 ans a été mis en vente pour payer les frais de justice. La petite tribu vit désormais dans la maison du gardien. Le réalisateur y lit Shakespeare à ses enfants. De ses fenêtres, il voit vagabonder les biches et planer les aigles. Libres comme le vent. Libres comme il l’est encore. Si peu.

A l’annonce de sa prochaine incarcération, des fans et des journalistes français ont créé la page Free John McTiernan sur Facebook. Elle suscite un émoi considérable dans le monde entier depuis deux semaines. Samuel L. Jackson, Joe Carnahan, Brad Bird, Jan Kounen et une multitude d’autres noms du cinéma s’y sont ralliés. De quoi mettre un peu de baume au coeur de John McTiernan, là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique.

Sandra Benedetti

(source)

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