Critique | Musique

Mercury Rev – Deserter’s Songs (Deluxe Edition)

ROCK | Mercury Rev ressort Deserter’s Song, une réédition qui ramène à l’histoire turbulente de l’État de New York, métamorphosant une première mouture noisy-rock épileptique en BO enchanteresse.

Sur ses 2 premiers albums -parus en 1991 et 1993-, Mercury Rev sonne comme un Sonic Youth de série B, bouffant du psychédélisme en peau de lapin hardcore. C’est d’autant plus irritant que le chanteur du groupe, David Baker, donne l’impression de s’être évadé l’avant-veille de l’asile. Une fois le cinglé parti, Mercury Rev quitte le régime boucan et livre un album 100% contraste, soigné, orchestré, arrangé pour les beaux jours. See You On The Other Side, paru en 1995, fait néanmoins un flop magistral. Nouveau chanteur à la voix perchée sur ses émotions friables, Jonathan Donahue a investi dans le disque moult émotions psychés: du coup, il déraille, laboure durement dans l’alcool et l’héroïne, bazarde ses amplis. Mal barrée, l’affaire quitte New York City et se recase dans les Catskills, chaînes bossues au nord de la Grosse Pomme. Là, entre 2 ciels plombés, secondé par le multi-instrumentiste Grasshopper et le producteur Dave Fridmann, Donahue concocte son Smile, son Magnum opus, son Nouveau testament pour coeurs blessés: Deserter’s Songs (1998).

Coeur d’artichaut

Onze morceaux mélos, emphatiques, à la limite de l’overdose onirique. Mais dans ce processus de cristallisation changeant le sable en verre, un miracle préface les mélodies et les emmène en voyage. La trilogie d’entrée, Holes, Tonite It Shows et Endlessly, installe un grandiose incarné par le mellotron, le chamberlin, la scie chantante et des cuivres en extase, inspiré des compositeurs classiques à la Debussy et d’un prog rock qui ne renierait pas ses vices. Jonathan Donahue, qui a grandi en écoutant les sucreries maternelles (Johnny Mathis), chante comme si son coeur crucifié était aux anges. Il y a du sublime dans cet étalage d’émotions volontairement scarifiées sur l’autel de la musique: le disque culmine avec Opus 40, cousin rock déviant du Reality de Richard Sanderson, oui, le tube qui pleure dans La Boum. Là aussi, il était question de rêves inachevés. L’album ne s’embarrasse d’aucun emprunt, recrutant 2 musiciens du Band -voisins des Catskills- pour faire un Hudson Line joyeusement rétro, enchaînant ensuite avec le plus beau morceau jamais écrit par Mercury Rev, Goddess On A Hiway (sic). On peut évidemment railler le côté (coeur d’)artichaut de l’affaire mais, au final, l’oeuvre intrinsèque, excessive, voire cosmique (…), est exhilarante, montée à jamais sur des ressorts à hélium. En supplément de l’album original, cette réédition propose 2 autres CD. Le premier est un live daté de 2005 qui, si besoin était, prouve qu’en concert, Mercury Rev est une chose acide, cinglante et aussi mélodieuse qu’une crise de foi. Le second pioche dans les maquettes troglodytes qui satisferont les fétichistes via des enregistrements bruitistes et une paire de remixs qui ne dépassent évidemment pas la saveur des originaux.

Philippe Cornet

Mercury Rev, Deserter’s Songs Deluxe Edition, distribué par V2 Records. ****

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content