Critique | Musique

Rachel Zeffira – The Deserters

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ROCK | Chanteuse d’opéra tombée dans le rock gothique (merci The Horrors), Rachel Zeffira sort un premier album solo au spleen orchestral.

RACHEL ZEFFIRA, THE DESERTERS, DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL. ***

Voilà un disque qui arrive presque à point. L’album hivernal parfait pour les lendemains de fêtes, un poil brumeux, un brin cotonneux. Les cotillons ont été aspirés, la table rangée. Ne restent qu’un fond de gueule de bois et une journée blanche qui ne se décide jamais à démarrer. Avec donc en bande sonore la pop en chambre de The Deserters, premier album solo de Rachel Zeffira.

On avait fait connaissance avec la Canadienne en 2011, grâce au projet Cat’s Eyes, le duo formé avec Faris Badwan, leader du groupe The Horrors. La chanteuse d’opéra soprano y lorgnait du côté des girls group des années 60 (Ronettes, Shangri-Las…), Badwan jouant le rôle du Phil Spector gothique. La formule ne manquait pas de charme, plutôt atypique et décalée -pas autant cependant que le premier concert donné par Cat’s Eyes, au Vatican, devant un parterre de cardinaux.

Aujourd’hui, les deux ont formé leur propre label, RAF, sur lequel ils sortent The Deserters. Cat’s Eyes avait le côté « jouette » et guilleret des sixties. En solo, Rachel Zeffira creuse cependant plus profond. Plus intime aussi. Premier constat: à l’une ou l’autre exception près (quelques vocalises au loin sur Break The Spell), le monde flamboyant de l’opéra dans lequel a évolué jusqu’ici Zeffira semble bien loin. Sur The Deserters, la voix reste en effet quasi en permanence dans les teintes pastel. Sur un titre comme Front Door par exemple, on pense régulièrement à l’égérie folk Judee Sill -le drame en moins-, ou à Trish Keenan, chanteuse de Broadcast décédée en janvier 2011.

Grand froid

Avant de s’envoler pour Londres, Zeffira a grandi au fin fond des Kootenays, région montagneuse et minière du Canada, aussi vaste que déserte (150 000 habitants pour 60 000 km2). On ne s’étonne donc pas des paysages hivernaux proposés majoritairement par l’intéressée. Son traitement orchestral finit de lui donner une patine boisée vaguement sépulcrale. Au programme, piano (Silver City Days), cordes (violons et harpe sur le disco gothique Break The Spell), vents (Zeffira joue notamment du hautbois) et même un orgue d’église sur Goodbye Divine, lamentation qui ne peut que prendre une couleur baroque. La formule permet même de réussir une reprise, pourtant risquée, de To Here Knows When. Lacéré au larsen bourdonnant, le morceau de My Bloody Valentine devient ici une ballade élégiaque, tout aussi hantée, mais plus apaisée.

Balancée un peu à la sauvette pendant les fêtes, entre deux albums de Noël et un best of pour supermarchés, la pop orchestrale de The Deserters risque fort de passer inaperçue. Avec sa gueule d’atmosphère, ses décors enneigés, son spleen charnel, le disque, même imparfait, donne pourtant régulièrement le frisson. Les amateurs de grand froid auraient tort de s’en priver.

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