Des photos de presse qui poussent à un « devoir de regard »

© Adèle Dachy
Stagiaire Le Vif

Amnesty International présente une exposition itinérante intitulée Devoir de regard. Des grands noms du photojournalisme et des travaux de photographes belges seront exposés jusqu’au 29 mars au Palais de Justice Bruxelles, et investiront ensuite une trentaine de villes belges au cours de l’année.

« Il faut le voir pour le croire. » Cette expression, Amnesty International l’a bien comprise. A travers son exposition Devoir de regard, l’ONG tente d’interpeler le tout public au non respect des droits de l’Homme à travers le monde. « Ouvrir les yeux, c’est déjà agir« , peut-on lire sur des panneaux aux couleurs d’Amnesty dans le hall du Palais de Justice de Bruxelles. C’est là que débute l’exposition itinérante. Le lieu choisi par l’organisation est symbolique. « Le Palais de Justice symbolise le respect des droits de l’humain en général. Si on a des problèmes, on passera par là… Ou du moins, il vaut mieux qu’on puisse y passer« , indique Philippe Hensmans, directeur d’Amnesty International Belgique.

Centrée sur le sujet de Individus en Danger (IED), l’exposition avait connu un grand succès lors des Rencontres de la Photographie d’Arles en 2011. Pour son passage en Belgique, les travaux de photographes belges ont été ajoutés à ceux de photographes internationaux.

Suggérer plutôt que montrer

Suspendues au format A3 à des grillages métalliques, les cinquante photographies se font face ou se font dos. Entre les carrés vides formés par ces grilles, les regards se croisent, interpelés, sérieux, concentrés. « C’est une position que nous avons toujours eue: suggérer plutôt que montrer« , indique Philippe Hensmans. Les photos exposées ont été sélectionnées parce qu’elles étaient parlantes bien sûr, mais aussi parce qu’elles étaient belles. « Il y a des photos que je montrerai peut-être à un gouvernement pour le faire réagir, mais que je montrerai jamais dans une exposition, un mailing ou sur un site Web. » Si la position de P. Hensmans s’explique par respect pour les personnes photographiées, à qui il n’est pas toujours facile de faire leur comprendre ce qu’on voudrait faire avec leur photo, elle s’interprète aussi par un argument d’efficacité. « Si les photos qu’on montre sont trop dures, le risque est que des gens détournent le regard. » L’effet serait inverse de celui escompté. Ici, la famille d’un condamné à mort, qui pleure devant le pénitencier aux Etats-Unis. Là, une femme se cache le visage, après avoir été battue par son mari devant ses enfants. Là encore, le mur Palestine/Israël en construction. Chaque cliché est accompagné de quelques lignes d’explications, souvent nécessaires pour remettre la photo en contexte et comprendre le lien entre la situation présentée et les droits de l’homme.

Les thématiques abordées sont multiples: peine de mort, enfants soldats, camps de réfugiés, mariage forcé, mines anti-personnel, sans abris, exploitation au travail… Les photographies exposées ouvrent les yeux sur des situations qui se déroulent partout dans le monde: Israël, Palestine, Inde, Russie, Chine, RDC, Vietnam, Soudan, Indonésie… Si la plupart des photographies ont été prises entre les années 90 et 2012, certaines sont des photos cultes plus anciennes, qui ont amené le public à revoir sa vision de pans entiers de l’histoire. Les situations qui y sont présentées sont tantôt heureuses, tantôt malheureuses. Elles montrent l’expression d’un visage, l’action d’un groupe, ou un lieu symbolique.

Faire réagir pour faire agir

« Le défi pour nous est d’aller à la rencontre des gens. Il y a des sujets, comme la peine de mort, sur lesquels on ne fera pas changer les gens d’avis en deux clics. Pour parvenir à les convaincre, il faut prendre le temps de parler avec eux… Et ça se fait via des opérations comme celle-là« , déclare Philippe Hensmans. En ouvrant les yeux des gens face à des situations inacceptables vécues dans le monde, l’ONG espère les faire réagir… et les faire agir. Entre les photographies présentées dans le hall du Palais de Justice, on trouve des moyens concrets d’agir. L’organisation vise avant tout les enfants, acteurs du monde de demain. On peut « donner son regard« , en faisant le geste symbolique de photographier ses yeux dans une machine prévue à cet effet. De manière plus pratique, un parcours pédagogique a été créé par Amnesty et l’École Normale de Mons. Sur demande d’un dossier contenant des informations sur six personnes en danger à travers le monde, un professeur peut travailler avec ses élèves sur les thématiques qu’ils soulèvent et à écrire à la personne emprisonnée, et/ou aux autorités du pays concerné.

Tout au long de l’année, l’exposition organisée par Amnesty fera escale dans une trentaine de villes belges dont Namur, Liège, Ath, Charleroi, Mons, Nivelles et Louvain-la-Neuve.

Adèle Dachy

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