Le grand manège du Tomorrowland

© Laurent Hoebrechts

A Boom, le Disneyland dance accueille plus de 180 000 personnes ce week-end. Ambiance…

On les a à peine remarqués. Protégés par une verrière, les 2 DJ’s poussent leurs boutons au pied d’un immense masque de clown, genre Grippe-Sou de Stephen King. Regard angoissant, touffe de cheveux électriques pour beat primal hardcore. En bas de la scène, les danseurs sautillent sur un pied, puis l’autre. Bienvenue au Tomorrowland, la dernière maxi-bamboule électronique du Royaume.

Difficile d’imaginer plus grand écart. Il y a quelques jours, on passait une tête au Vooruit gantois occupé par les 10 Days Off. Au menu, Nicolas Jaar et Carl Craig pour une sorte de clubbing à taille humaine. Vendredi, changement complet de planète. Dans le domaine provincial De Schorre, à Boom, du côté d’Anvers, ce sont quelque 180 000 spectateurs qui sont attendus pendant trois jours (l’événement est sold out depuis longtemps), venus se remuer sous les beats de quelque 300 DJ’s. De quoi définitivement installer le Tomorrowland comme le nouveau festival mastodonte. Un Werchter version électronique, pas moins.

L’évenement a commencé petit: lors de sa première édition, en 2005, le festival attirait… 9 000 personnes. A la barre, les frères Manu et Michiel Beers, déjà responsables de l’événement Antwerp is burning. C’est quand ils s’allient avec l’ogre néerlandais ID&T, que le rendez-vous électronique prend, rapidement, une autre tournure.

Au pays des merveilles

Aujourd’hui, il faut le voir pour le croire. Le Tomorrowland est devenu un vrai phénomène. Une sorte de grand parc d’attraction pour adultes, croisement « hénaurme » et improbable entre une sortie à Walibi et I Love Techno. Le domaine provincial De Schorre, déjà, est un lieu de rassemblement inédit, gigantesque terrain de jeux, parsemé de plans d’eau, et ponctué d’une sorte d’immense arène, un théâtre de verdure au pied duquel est installée la scène principale: quand plusieurs dizaines de milliers de personnes la remplissent, envahissant les talus au coucher du soleil, le spectacle est assez saisissant.

Au programme, peu de live, quasi exclusivement des sets DJ. Evidemment, tout cela n’est pas très spectaculaire. Du coup, le festival met le paquet sur les décors, créés spécialement pour l’occasion. Les fresques psychédélico-kitscho-foraines nécessitent pas moins de trois semaines de montage. Cette année, c’est le Alice in Wonderland de Tim Burton qui a servi d’inspiration. La main stage est par exemple dominée par un chêne géant d’une dizaine de mètres de diamètre, avec de longues racines qui courent tout le long de la scène, et des yeux exorbités qui roulent en permanence. Ailleurs, au centre d’un chapiteau, le DJ est entouré et surplombé de sucettes, caramels et autres bonbons Napoléon géants… C’est évidemment too much. Mais pas autant que l’hélicoptère qui lâche des pétales de roses sur les festivaliers en début de soirée…

Il faut dire que la programmation est à l’avenant, bigger than life. Tous les poids lourds de la scène dance sont là: David Guetta, Swedish House Mafia, Martin Solveig, Tiesto, Joachim Garraud,… Pas vraiment les rois de la finesse, et de la demi-mesure.

Dance machine

Si l’électro de supermarchés ramène la grande foule, on aurait toutefois tort de limiter l’événement à un grande foire eurodance. Le Tomorrowland compte pas moins de 13 scènes. De quoi faire, notamment, de la place pour le dubstep, pour la bande de FormaT ou encore pour Minus, le label de Richie Hawtin, pas vraiment une tête de gondole dans les rayons CD du Carrefour. Vendredi soir, installée sur l’eau, une scène accueillait par exemple l’affiche chapeautée par le label belge de DJ Red D, We Play House Recordings. Au milieu des jets d’eau, la house d’Henrik Schwarz, Keri Chandler… Ailleurs, un dj en costume blanc, noeud pap’ noir, planque son mac derrière un vieux parlophone: c’est l’espace dédié à l’électroswing et au néoburlesque. Le Versuz, fameux club BCBG d’Hasselt, propose lui du gros beats, des bouteilles de champagne à 3000 euros (2000 tickets boissons), et une piscine… A l’inverse, un peu plus loin, en contrebas d’un chemin de terre, la plus petite scène du festival: sous un pont, une douzaine de fêtards imbibés gigotent sur une version gabber du Anne de Clouseau. Tous les goûts sont dans la nature du Tomorrowland…

Evidemment, l’impression finale reste braquée sur le gigantisme de l’événement. Une sorte de Disneyland pour fêtards. Cela fait un petit temps maintenant que la musique électronique ne fait plus peur. Embourgeoisée? Au Tomorrowland, à vue d’oeil, le public lorgne plutôt du côté des 25-30 ans que des 18-25, qui peuvent manger au stand ouvert par la fameuse enseigne bio-végétarienne anversoise, Lombardia (goûté et approuvé par Moby), ou s’enfiler une pita de chez Finjan, première « table » du genre à être inscrite au Gault-Millau. Autre fait frappant: la sono est débranchée à 1h du matin. Tôt pour une musique qui se danse toute la nuit? Sans doute que l’événement n’aurait pas pris autant d’ampleur sans certaines concessions au voisinage…

Alors, certes, l’alcool coule. Mais à part l’un ou l’autre « tic-tac » avalé par un cerné à casquette fluo, la drogue, par contre, n’a pas l’air d’être un gros problème (ouvert encore deux jours avant le début du festival, le site est intégralement fouillé pour détecter d’éventuelles planques). Samedi, le twitter de la police de Rupel signalait une quinzaine d’arrestations pour détention de stupéfiants. Quasi anecdotique quand on accueille 60 000 personnes trois jours de suite… Fiesta sana in corpore sano…

L.H.

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