Noël est une ordure

Week-end de Noël un peu compliqué pour notre chroniqueur nocturne. Qui a pourtant des choses à raconter… Night in, Night out, épisode 16.

Ca commence dimanche. Par une apostrophe musclée. Jay (Zu): « Regarde-moi, écoute-moi, renifle-moi s’il le faut : je ne mets plus un membre ici. Dès qu’on réussit à catcher un avion, on rentre. » Moi: « Franchement Jay, je suis désolé que ça se soit passé comme ça. C’est un milieu fermé, la nuit à Bruxelles, faut pas sortir des sentiers battus. Ca me gêne, vraiment… » Jay: « Wais, je sais mec, c’est pas de ta faute. Mais je comprends pas comment tu restes… En plus, la dernière fois que j’ai senti un froid aussi piquant, c’était dans mon surgélateur. Au bled, à Bethléem, il doit faire entre 20 et 25°: rien que d’y penser, ça me tempère un peu la nervitude. T’es le bienvenu, by the way, quand tu veux, avec qui tu veux, et tu verras que chez nous, ça ne se passe pas pareil. Ciao l’ami, prends soin de toi » Là, accolade virile, gorge serrée et j’ai un peu honte de ma ville. Rétroactes.

Il m’avait fallu une petite heure pour revigorer la ploucomobile. Déneiger, soulager le verre crispé par le gel, battre le sol à coups de cric, aménager une rampe de lancement, pousser, glisser lamentablement, me relever, patiner et patiner encore, souffler, maudire le froid, patienter, recommencer jusqu’à faire démarrer l’engin et rentrer au bercail. Le tout sans gants ni écharpe, paumés la veille dans les excès réveillonnisés. Fatal. Samedi, le 25, malgré la gueule de teck et la caisse récalcitrante, fallait que je rentre: Jay mon aminche, mon vieux complice, venait spécialement fêter ses 33 piges à Bruxelles. Et ça bounce tonitruant, en général, pour son anniversaire. Sauf que l’hiver m’a tuER. J’écris d’ailleurs ces lignes le doigt fébrile, la perle au front et l’oeil vitreux d’une bigle grenouille. Solitude.

Samedi, 18h: « Allo Rhé (Jay, je le surnomme souvent Rhésus, ça le fait rire)… Wais, c’est moi. Tu vois le bout du Scotch ? Ben quand t’y arrives, moi chui sur l’autre face du carton. Je veux mourir. J’ai jamais été aussi malade, c’est un calvaire, si ça continue, dans trois jours, je pèse 17 kilos. Je te promets que je vais tout faire pour me retaper et venir ce soir, mais ça va être chaud de chez Jacky show. J’en peux plus. » Jay, je l’ai connu back in the dayz, au moment de finir mon mémoire sur le conflit israélo-palestinien. Beau mec, fort en gueule, gueule d’artiste, cheveux longs, collier de barbe, sec comme une couque de Dinant. A l’écoute. Visionnaire. Un meneur. Jay: « Je comprends, t’inquiète. On repassera demain en fin d’aprèm, voir si t’es retapé. Je te raconterai la soirée. » Moi: « C’est con, ça bouge pas mal en plus, à Bruxelles, en ce moment. Y a pas vraiment de grosses soirées pour ton annif, mais y a plein de résidences. » La description de cette malheureuse nuit de Noël, c’est à Jay (Zu) et de ses 12 (a)potes célibataires (1) que je la dois.

Jay: « Début de soirée, nickel, vraiment. 21h, on débarque à 13 au Belga. Sympa, un peu blindé. Jack et Tommy et Andy sont restés debout, à coller tout ce qui bougeait. Un peu dans le vent, comme d’hab. » Tommy (il sort son GSM, fanfaron): « Un numéro et un facebook, c’est tout ce que j’ai à dire… » Jay: « Wais, c’était la fille cachée de Susan Boyle et d’André Lamy… Bref, on a tracé au Tigre. Grosse kiffade sur la musique, mais là aussi, fallait fumer dehors. Vachement milieu DJ-musicos ce truc, non ? Mais assez cool, au final. De là, on a bougé Porte de Namur au Flat, le bar décoré en appartement. J’ai croisé la RP, ta pote… Je comprends pourquoi elle ramène du monde. Laisse tomber comment elle me rendait dingue… » Teddy: « Des nouilles wais… On aurait pu rester 108 ans, t’aurais pas osé lui parler, petit séducteur en bois. » Moi: « T’as pas une femme toi, vieux chacal? » Jay: « Mary-Mady, elle est relax pour ça, elle sait que je rencontre du monde. Puis mon annif, c’est mon annif, chui un malade moi le 25. Soit, on monte dans la chambre, et c’est comme tu m’avais dit : un peu jeune, la zik un peu forte, mais bonnes vibes. » Moi: « Ca a l’air de se re-brancher, le Flat… » Jay: « Ptetr… Mais j’ignorais, à ce moment, que ce serait le meilleur moment de la soirée. »

Là, Jay (Zu) s’interrompt. Son visage émacié, enserré bohême dans un filet pileux mal agencé, se plonge en plein remake de Docteur Bogoss et Mister Haine. Ca fait peur. L’air mauvais, le regard aigre, le verbe fast and furious, il reprend: « Après ça, laisse tomber… On a galéré comme des galériens. Au Flat, un type nous a conseillé d’aller un peu plus loin, dans l’ancienne église, au Spirito Martini. On arrive, sapés coolos mais pas miséreux, et les portiers nous dégagent comme des crevards, je te jure. » Moi: « Tu leur as dit que t’étais ultra-VIP sous l’ancienne direction, que ta mère était résidente? » Jay: « Ils n’ont rien voulu savoir, changement de patron, les compteurs à zéro, etc. Soi disant qu’on était 13 mecs, sans femmes, pas des habitués, blablabla. De tout de façon, paraît qu’à l’intérieur, c’était naze. » Moi: « Qui te l’a dit? » Jay: « Juju… Il est rentré sans qu’on s’en rende compte. » Matt: « âme traître, comme d’hab. » Jay: « Apprends à pardonner toi, ça calmera tes ulcères. »

« Ca faisait un paquet de temps qu’on ne m’avait plus teuj comme ça. J’ai l’air d’avoir quinze ans ou quoi ? Là, on croise un couple en partance pour le Bois de la Cambre. Aux Jeux d’Hiver, pareil, j’ai rien compris, le portier m’a demandé si on était ducs, ou un truc du genre. » Moi: « Si vous étiez d’Uccle? » Jay: « Voilà… Là, vu qu’il faisait froid, j’ai dit que c’était Noël, que c’était mon annif, mais ils n’ont rien voulu savoir. » Moi: « T’as un peu trop une tête de Che Guevara pour les Jeux, je ne t’ai jamais conseillé ces boîtes-là. Et t’es sûrement trop fier pour lui avoir parlé de ton Père…Vous êtes allés au Wood alors? »

« Wais, là, on nous s’est séparé en deux groupes et on nous a laissés rentrer. Mais je suis tombé sur Carl de Moncharline… » Moi: « Tu connais Carl? » Jay: « Depuis la blinde. Et on s’était pris la tête du temps où il faisait ses Who’s Who’s Folies au Mirano, début des années 90. Il voulait utiliser mon logo gratuit, à l’époque. Tu me connais, je ne suis pas vénal, mais une croix de 8 mètres sur 6 dans un club branché, fallait pas exagérer. L’electro tapait bien au Wood, mais quand j’ai vu Carl, j’ai pris les autres et on est partis. » Sims: « Là, j’ai voulu allé à la Defected, au Mirano. Suis allé seul, avec Jacky-Jack et Andy. J’adore la house, et j’avais mis mon tee-shirt Defected. Dégagés à l’entrée, comme les autres. (NdA : presque true strory de la semaine passée). »

Dans la foulée, Jay et ses potes sont passés au Fuse (désormais aka le Blaes 2008 hors samedis). Baston à la porte. Barth et Phil, c’est des sanguins. Ils se sont fait dégager pareil au Bazaar, au Barrio, au Havana, au Wax, au Montecristo, et dans deux ou trois autres bars du centre. Puis, tant qu’à goûter aux clubs gagnants du moment, z’ont fait la navette jusqu’au K-Nal. Jay: « Là, on débarque, et je dis qu’on vient de ta part. Mais c’est un nouveau physio. Le gars nous demande qui on est venu écouter, nous chante son ‘esprit Dirty’ et tout. WTF!!!! Je fête mes 33 ans mec, j’ignore qui mouille le dancefloor et je m’en tape un peu. Il m’a répondu que le LS était le meilleur club en Europe selon Trax. T’es loin man: c’est tout ce que j’ai trouvé à dire. On a tous fini lamentablement à la friterie de la Barrière de Saint-Gilles… Trop flashant, les serveuses sont jaunes et vertes… Bref, on est rentrés. »

Ecoeuré, contrit, un peu honteux, Jay prend congé. La prochaine fois qu’il reviendra à Bruxelles, c’est pour lui mettre de grosses tatanes dans les dents. Moi, tout ce que je peux faire, c’est te dire que sortir à 13 mecs, même quand le leader du groupe peut multiplier les vodkas-Perrier, c’est pas gagné. Et que la semaine prochaine, si tout va bien, NINO arrête ses mythos pour revenir dans le droit chemin. Rideau.

Guillermo Guiz

(1) Sims, Andy, Jack, John, Matt, Tommy, Phil, Barth, Jacky-Jack, Teddy, Sim-City et Juju. (D’après Matthieu)

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