Game Story, nouvelle ère de jeux

Expo événement au Grand Palais à Paris, Game Story explore manettes en main l’histoire du jeu vidéo. Et soulève aussi la question de la sauvegarde de son incroyable patrimoine.

« Je l’avais, celui-là! », s’exclame, béat, un père montrant à son fils une Game & Watch, ancêtre de la Game Boy de Nintendo. Expo temporaire dédiée à l’histoire du jeu vidéo, Game Story se peuple de quadras nostalgiques replongeant dans les sensations pixélisées de leur adolescence. Mais l’événement planté au Grand Palais, à un jet de pixel des Champs-Elysées, ne livre pas qu’un aller simple vers le passé. Il démontre que le medium vidéoludique compte parmi les rejetons les plus fascinants de la culture pop contemporaine. Et qu’il s’est nourri d’influences culturelles kaléidoscopiques ces dernières décennies.

Aucun doute n’est permis lorsqu’on parcourt les 2 allées principales de l’événement qui a le chic de replacer dans leur contexte chaque jeu et console présentés. On découvre ainsi que les lignes de perspectives fuyantes en diagonale des estampes japonaises ont directement influencé Zaxxon de Sega qui inventait la 3D isométrique en 1982. Plus loin, une reproduction du singe mythologique chinois Xiyouji (très populaire au Japon) rappelle les origines d’Alex Kidd tandis que des nombreux parallèles entre des films et des jeux jalonnent ce parcours chronologique en 7 chapitres démarrant en 1972. Le plus marquant étant sans aucun doute le parallèle entre les mécaniques ludiques des plateformes de Super Mario World et les prouesses acrobatiques muettes en noir et blanc de Buster Keaton.

« C’est notre 93e expo de jeux rétro mais c’est la première fois que nous investissons un haut lieu de la culture habituellement dédié aux arts plastiques renommés », note fébrilement, entre 2 réglages de consoles, Philippe Dubois, président de MO5.COM (1) et commissaire de l’exposition Game Story. « Les Américains ont inventé la micro-informatique et les jeux vidéo. Ils l’ont immédiatement intégrée à leur culture et dans des musées, sans se poser la question. En Europe, et en France particulièrement, le poids de l’histoire de nos arts plastiques est tel qu’il est très difficile de faire entrer un nouveau média dans un musée. »

Toi aussi, tu seras un joueur mon fils

Pour l’heure, le lancement de cet hommage à la culture numérique étalant 80 machines décroche de nombreux sourires parmi les visiteurs. Une mère de famille s’étonne de voir que Seb (le constructeur de robots électroménagers) avait commercialisé des consoles de jeu Pong tandis que de nombreux ex-hardcore gamers parents poussent leur progéniture à apprendre les classiques du jeu vidéo. Une image. Celle de ce père qui pose sa fille de 6 ans sur ses genoux pour l’aider à jouer à Outrun en borne d’arcade.

La génération du « Tout, tout de suite » en prend pour son grade. Apprend aussi. Des visages d’enfants et des ados s’énervent et se fascinent face à des vieux titres 80’s comme Mega Man ou R-Type, vu leur difficulté impensable aujourd’hui. « Mais certains jeunes joueurs achètent des consoles de jeux sorties avant leur naissance pour explorer les bases d’une saga comme Final Fantasy« , note Philippe Dubois.

Passion du jeu vidéo vintage née il y a plus de 10 ans grâce au Web et s’exprimant via des activités à géométrie variable, le « retrogaming » dépasse aujourd’hui le statut de simple collectionnite nostalgique. Et se pose la question de la sauvegarde du patrimoine vidéoludique. Capables de simuler le hardware d’époque d’une console, d’un micro-ordinateur ou d’une borne d’arcade, les émulateurs permettent de faire revivre sur PC ou toute autre plateforme suffisamment puissante Super Mario Bros. en version originale NES ou Sonic sur Megadrive.

Vintage pour de vrai

La méthode semble assurer une pérennité au catalogue mondial des jeux vidéo estimé par Philippe Dubois à 150 000 à 200 000 jeux. Mais ce dernier de préciser: « Nous n’aimons pas cette approche. Le rendu de l’image sur des écrans autres que des CRT est différent tandis que le son diffusé par les haut-parleurs de certains micro-ordinateurs est irremplaçable. Sans oublier le décalage entre la pression sur la manette et la réaction à l’écran qui amenait une façon de jouer différente. »

Hormis quelques Pong antédiluviens tournant sous émulateurs, Game Story fait donc l’audacieux pari de livrer aux mains des joueurs des machines et manettes d’époque, chacune étant présente en 3 exemplaires de réserve « car ce matériel qui a parfois plus de 20 ans est fatigué ». Si les consoles et cartouches de jeux sont appelées à disparaître vu la mauvaise qualité de leurs coques en plastique et la fragilité de leurs composants électroniques, des armées de geeks programmeurs s’attèlent heureusement à transférer ces matériels sur des puces FPGA qui permettent de les simuler avec plus de réalisme que via un émulateur logiciel.

« Après la reconnaissance de notre association par Frédéric Mitterrand (actuel Ministre de la Culture et de la Communication en France, ndlr) , Game Story au Grand Palais est le deuxième palier qui va nous permettre de construire un musée permanent qui accueillerait toutes les connaissances qu’on a accumulées pour les montrer au public. » Si dans les années 20, le statut de divertissement bâtard (tout juste bon à être projeté dans des fêtes foraines) du cinéma lui a valu une énorme perte de son patrimoine, l’histoire ne semble donc heureusement pas se répéter pour le jeu vidéo. Pas de « Game Over » mais un « Happy Ending » en vue.

Michi-Hiro Tamaï, à Paris

(1) ASSOCIATION FRANÇAISE POSSÉDANT LA PLUS LARGE COLLECTION DE MATÉRIEL VIDÉOLUDIQUE AVEC ENTRE AUTRES 600 CONSOLES ET 30 000 PIÈCES DIVERSES LIÉES AU MÉDIUM. BASÉ À PARIS, CE COLLECTIF RESTAURE ET ORGANISE DES EXPOSITIONS DÉDIÉES AU SUJET DEPUIS PLUS DE 15 ANS.

GAME STORY, PARIS, GRAND PALAIS GALERIE SUD-EST, (MÉTRO CHAMPS-ÉLYSÉES-CLEMENCEAU), JUSQU’AU 9 JANVIER 2012, DE 12 H À 22 H, 8 EUROS, ****

WWW.RMN.FR ET HTTP://MO5.COM

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