Vendredi, c’est anarchie, samedi, Jésus et Marie

Du Tigre au K-Nal, du Bazaar au Fuse, Guillermo Guiz continue son petit tour de la nuit bruxelloise. Night in, Night out, épisode deux.

Ca commence jeudi. En twitter-style: « Ai payé 10 euros pour entrer au Spirito. VDM ». Proposition de décret: « L’Assemblée de la Commission communautaire et Nous, Collège, sanctionnons ce qui suit: Titre 1er – Article 1er: Le prochain DJ qui passera du Katy Perry en soirée sera ligoté nu devant City 2 et fouetté 16 fois par Jean-Luc Lahaye. »

Ca continue vendredi. Minuit. Au Tigre, bar en grande forme coincé devant la pompe à essence de Flagey. Originalité: dedans, c’est non-fumeur. Mes poumons me disent tout le bien qu’ils pensent de leur propriétaire et dehors, y’a un mec avec un canard. Pas n’importe quel canard. Pas n’importe quel mec non plus. Description (sommaire): yeux eye-linés, pantalon zèbre en stretch, 1m47, casquette de cycliste tatouée Venice, perfecto à la Renaud. « Mon canard s’appelle Ducky McFuzz. Il a un profil facebook. Curieusement, les filles préfèrent caresser son cou que le mien », me susurre cet étrange Anglais plein d’accent anglais, tête pensante de l’intriguant magazine Fuck You Brussels. Perplexité. Ducky McFuzz? True story. On est amis sur FB.

Une grosse heure plus tard. Envie d’aller tâter la soirée Elitist, qui fête sa double année d’existence. Rien qu’à l’intitulé, ça sent la naphtaline. Mais à la guerre comme à la guerre, d’autant que Mario Olimpio et Oscar Badibanga, deux gueules d’amour lancées sur les traces de leur ancien employeur (Benoît Vano et ses soirées Anarchic, concurrent ce vendredi…), ont décidé d’installer leur concept nomade dans les splendides travées du Dominican Hotel. En plein centre de la capitale. A l’intérieur, les trois gars qui ont réussi à se garer sur Bruxelles-Ville ont l’air tout en punch. Les autres reprennent leur souffle. Je connais le portier, je connais le portier, je connais le portier!!!! Heureusement, parce que mon ami de droite a mis sa chemise d’avant, d’avant qu’il attrape un bide (quand il pouvait la fermer) et mon ami de gauche porte des souliers en toile de jute. Vu le casting super chic du bazar, c’est un miracle qu’on puisse entrer.

Les filles sont biches à mort dans leur robe mi-classe mi-sexy, et 78% d’entre elles sont tunées (secret de polichinelle). Les mecs sont en playboy-victims, costards cintrés chaussures vernies, riches ou wannabe rich. Franchement, je craignais le pire musicalement: jolie surprise avec DJ Alexia, blonde aux goûts plus que décents pour une sauterie à vocation manifestement poseuse et chicos. Mes deux amis mal habillés chipent lâchement mon carnet. Et notent:
« Y’a pas de bière ici. Mais beaucoup de seins. »
« La musique est bien. Mais pas assez de slow. »
« Petit sac à main sous le bras. »
« Six filles ressemblent à Zahia. Mais où est Ribery? »
Je reprends mon carnet.

Dans la salle où y’a personne, un omniprésent de cette rubrique: Simon Le Saint mixe pour lui-même et se fait gentiment plaisir. That’s the way love goes, chante délicatement Janet. Respect Simon. Mais à 3h30, il est temps d’aller s’anarchiser un peu…

Yser. Un bus londonien devant le K-Nal. Un drapeau anglais dans la cabane, des chapeaux boules et quelques super-choucroutes punky sur les têtes, des éclats de verre sur le sol, ça sent la fumée, la sueur, ça bombarde aux platines, bref, ça clubbe pour de vrai. On croyait les soirées Anarchic un peu en perte de vitesse: pas cette fois en tout cas. Benoit a convié le leader d’Hot Chip, Alexis Taylor, a un dj set fort en gueule. Fort en gueule, comme moi au moment de coincer une ex-presque-miss Belgique perdue dans la foule avec son déguisement de princesse: gentiment, elle me tapotte sur le bras pour me dire « ça va aller mon grand » et s’enfuir. On ne peut pas gagner à tous les coups. J’espère qu’on ne peut pas perdre à tous les coups non plus. Solitude.

Samedi, c’est Jésus et Marie

Samedi, c’est différent. Parce que j’aurais pu aller au Café Central. Pour voir jouer DJ Pute Acier (true story, bis). Mais finalement, non.

Alors ça démarre au Bazaar, pour la soirée Gelatina. Aux tickets, je me la joue: « C’est pour ma chronique, je connais bien l’organisateur, Ricky Corazon, j’ai déjà écrit sur la Gelatina ». J’entre avec mon acolyte du soir. Mais Ricky Corazon, après vérification, c’est un duo. La honte.

Première impression en pénétrant dans les caves poisseuses du Bazaar: c’est ENCORE Simon Le Saint qui joue. Ca pue l’obsession cette histoire. Collés au DJ booth, des portraits illuminés de Jésus et Marie, précurseurs de l’électropical paraît-il (à vérifier). Le light show rosâtre du Bazaar me replonge avec nostalgie dans mes premières sorties en camping, en 1994, au CocoBar de Saint-Loup-les-Eaux. Mais peu importe, parce que l’excellent Simon fait le boulot avec enthousiasme, balançant plein de sons variés où les paroles disent « latino » à un moment donné. Même en anglais. Même quand c’est Paris Latino. Ce qui fait follement bouger l’oncle de Sliimy et le frère caché de Moby, lequel porte un somptueux tee-shit « Ik ♥ van Charleroi ».

Drôle de mélange cette Gelatina, chouettement coincée entre branchitude gay et hyper-normalitude ringarde. A l’étage, la jolie partie resto du Bazaar s’est transformée en bouillon de culture: le Mexicain Silverio démarre son live en force, vers 1h30. Le mec a un look incroyable, entre Ruud Gullit de la grande époque milanaise et Alan Degueu, l’un des faux chanteurs de Kad Merad. Silverio sautille, tape une espèce de trip hop latino plongé dans le garage et la drum’n’bass super trippy et bizarroïde, mais ça attrape bien. Un peu comme Paul Kalbrenner au Fuse.

Ben wais, tant qu’à être dans les Marolles, autant piquer une tête à la pré-party I Love Techno. La grosse machine de la rue Blaes est sold out de chez sold out et on a failli me virer de chez viré. En attendant la légende Dave Clarke, l’Allemand Kalkbrenner dit la messe à des centaines d’adeptes plaqués les uns sur les autres. Dans une sueuse bonne entente. Même que le producteur de Leipzig passe un remix de … Stromae et son Te Quiero, version turbo-BPM. Grand, non? Ah, ce bon vieux Fuse… Ca chauffe fort dedans, c’est souvent dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleurs souks: se faire remuer les trips par un vrai bon DJ techno, ça vaut toujours le déplacement. Cela dit, il est temps de s’éclipser pour aller humer l’ambiance, ô combien plus footballeuse, du … Louise Gallery. Pas que la perspective d’écouter Dave Lambert, DJ résident au Versuz, soit particulièrement alléchante, mais deux (bonnes) copines ont mis les plats dans les grands pour leur anniversaire. Bling bling toute et p stopppppp!!!

Flash spécial: Ladies & Gentlemen, pour la première fois de la soirée, Miiiiiiiister Déééévid Guetta dans les baffles! Help.

Bref, RAS ou presque pour le Louise, à part que même mes (bonnes) copines trouvent la musique un peu bof pour un anniversaire et que, comme d’habitude dans ce lieu hautement débranché, on palpe une bonne atmosphère so gay refoulé où les mecs sentent le transcendant besoin de faire sentir à leur prochain, droit dans les yeux: « T’as vu comment je suis stylé? » Ouille.

Bon. Dernière étape ou pas dernière étape? Dans la mini-file du Libertine Supersport, une élégante nana se rebiffe: « Je n’ai pas l’habitude de me faire refouler, monsieur ». Le « monsieur », c’est moi qui l’ai rajouté, mais j’ai quand même un pincement au coeur en passant devant elle pour aller voir si la soirée Kitsuné fait du bien par où elle passe. Arbeit, arbeit, arbeit mademoiselle, les travailleurs d’abord. Il est bientôt 5h quand même, c’est pour ça que la belle finira au Bar rouge et pas sur la piste du K-Nal, où Gildas, boss du label/ligne de vêtements français, a déjà rangé ses disques. Dommage. A 5h30, So’Lex mixe pour moi et 17 autres fatigués sur pattes mais quand il passe Window Licker d’Aphex Twin, j’ai envie de dire: c’est quand même chouette d’être dehors, cette nuit. Rideau.

Guillermo Guiz

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