Critique | Livres

Le livre de la semaine: Jonathan Coe – Expo 58

Jonathan Coe © Catherine Hélie/Gallimard
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

ROMAN | Le Britannique revisite l’atmosphère de l’Expo 58 entre parodie de roman d’espionnage et bluette mélancolique. Son premier roman de plage, certes réussi.

Le livre de la semaine: Jonathan Coe - Expo 58

On comprend Jonathan Coe: le moment fut, de fait, improbable, excitant et hautement romanesque. Car on l’oublie parfois, coincés dans les embouteillages à maudire les travaux ou à attendre le bus depuis 18 minutes en cherchant en vain du Wi-Fi: Bruxelles fut le phare international de la modernité, et de l’espérance dans le progrès. Pendant six mois, en 1958, l’exposition universelle fit de Bruxelles la capitale belge du monde, incarnation de tous les possibles, à l’image de ce cristal de fer grossi 165 milliards de fois et nommé Atomium. Un moment unique de bascule et de paradoxes dans l’Histoire: les nations européennes se rapprochent, mais la Guerre froide s’installe; les promesses de l’énergie nucléaire sont sans limite, autant que la peur engendrée par son utilisation militaire; la société britannique, elle, est irrésistiblement attirée vers la modernité, tout en restant viscéralement attachée à ses convenances so british… Une atmosphère électrique et pleine de contradictions qui plane donc sur Bruxelles en 1958, et dans le dernier roman de Jonathan Coe. Mais on y trouve aussi de charmantes hôtesses, beaucoup de conversations de café, un jeune couple mal barré, des espions croquignolesques et un bel Anglais un peu benêt, centre et symbole de cet Expo 58: un opus plein de promesses mais au final mineur dans la bibliographie de l’écrivain, connu comme l’un des meilleurs commentateurs de l’Angleterre moderne.

Lourd et léger

Pour rester dans les paradoxes, le roman de Jonathan Coe, voué chez nous au succès -les fêtes des pères et mères arrivent, ça va le faire-, se révèle lourd de légèreté. Savoureux dans ses premières pages –« Nooon mais quels emmerdeurs, ces Belges! »-, Expo 58 se poursuit sur un ton étonnamment banal, à l’image et dans les pas de Thomas Foley, jeune père démissionnaire et pâle fonctionnaire du ministère de l’information, envoyé à Bruxelles pour superviser la bonne tenue du Britannia, le bar censé représenté l’Empire de sa Gracieuse Majesté. Un bar où se croisent espions du dimanche et roucoulades de circonstances. Expo 58 navigue donc entre parodie de roman d’espionnage avec clins d’oeil appuyés (Foley lit Ian Fleming) et comédie de moeurs anglaise, certes dans la campagne flamande (à Wijgmaal pour être précis), mais sans jamais creuser son sujet pourtant profond, comme dans Testament à l’anglaise ou La Maison du sommeil. Il faut attendre les dernières pages pour épaissir un peu ce roman estival et son personnage principal, écrasé par la taille de son sujet et des boules de l’Atomium.

  • EXPO 58 DE JONATHAN COE, ÉDITIONS GALLIMARD, TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR JOSÉE KAMOUN, 330 PAGES.

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