Michael Cimino présente son chef-d’oeuvre Heaven’s Gate à Bruxelles

Heaven's Gate © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

En partenariat avec Focus, Michael Cimino débarque à Bruxelles pour y présenter Heaven’s Gate dans sa version intégrale et restaurée, le 21 octobre prochain à Bozar. Retour sur un chef-d’oeuvre rendu à sa monstrueuse beauté.

« Being infamous is not fun. » La scène se déroule en septembre 2012, à la Mostra de Venise. Venu y présenter Heaven’s Gate dans sa version intégrale, Michael Cimino a des trémolos dans la voix au moment d’évoquer sa longue traversée du désert. Trente ans et quelque -on était alors à l’orée des années 80-, depuis que le film, un pur chef-d’oeuvre, fut l’objet d’un lynchage en règle suivi de mutilations diverses à l’occasion de sa sortie américaine. Avec pour conséquence directe un échec commercial qui devait précipiter la faillite de la United Artists, pas moins. Et pour dommage collatéral la mise au ban de Hollywood d’un réalisateur majeur, l’équivalent, au bas mot, d’un Francis Ford Coppola.

Aux côtés de The Deer Hunter, qui l’avait précédé de trois ans, Heaven’s Gate aurait dû parachever le grand oeuvre de son auteur, aller simple d’un Voyage au bout de l’enfer à La Porte du paradis, suivant les titres français de ces deux fresques ayant fait souffler un vent de démesure sur le nouvel Hollywood. En lieu et place de quoi Cimino allait entamer là un parcours chaotique, litanie ininterrompue, ou presque, de vicissitudes et autres revers de fortune; 17 ans, déjà, que l’on attend ainsi le successeur à The Sunchaser, son dernier long métrage à ce jour, et un film valant beaucoup mieux que le dédain critique qui l’accueillit à l’époque. Soit une éternité, traversée par l’intéressé en qualité de « mythitude » (mythood), suivant le néologisme chargé d’ironie féroce et amère imaginé par ses soins dans son deuxième roman, Shadow Conversations (Conversations en miroir, dans sa traduction française, publiée chez Gallimard).

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Voir du Mahler

Heaven’s Gate rendu aujourd’hui à sa monstrueuse beauté, c’est un peu comme si la malédiction était enfin levée. Michael Cimino ne semble d’ailleurs pas considérer les choses autrement qui, après Venise et Lyon, viendra à l’initiative de Focus présenter le film en personne à Bozar le temps d’une séance unique, en prélude à sa sortie dans un luxueux coffret collector (1). Parler d’événement n’est en l’occurrence nullement usurpé: « Mythood » ou non, le réalisateur appartient de plein droit à la légende hollywoodienne. Quant au film, dont le chef d’orchestre Zubin Mehta devait dire: « Voir Les portes du paradis c’est comme voir du Mahler », il nous parvient enfin dans son ampleur d’origine, conforme à la durée (70 minutes de plus que la version sortie en salles), aux intentions et aux ambitions de son auteur.

Inscrit dans la seconde moitié du XIXe siècle, Heaven’s Gate se déroule au coeur du Wyoming, parmi une communauté d’immigrants de l’Europe de l’Est ayant payé de leurs maigres avoirs leur modeste part de rêve américain. Trop, déjà, pour l’association toute-puissante des éleveurs qui vont engager, avec la bénédiction des autorités, un peloton de mercenaires pour éliminer ces empêcheurs de prospérer sans partage. Grande Histoire à laquelle viendra s’en greffer une autre, intime celle-là, dont les protagonistes (les Kris Kristofferson, Christopher Walken et autre Isabelle Huppert, notamment) seront emportés dans le tourbillon des événements.

Rendue à son format et à ses couleurs d’origine, la vision de Cimino prend tout son sens. Celui de l’espace, bien sûr, comme dans l’ensemble de son oeuvre; celui du spectacle, aussi, qu’il s’agisse de mettre en scène l’extraordinaire scène de bal ou le déchaînement de violence final; celui de l’Histoire, aussi, le réalisateur prenant à rebours les mythes fondateurs de l’Amérique pour en livrer une version crue(lle). A quoi s’ajoute une façon toute singulière de glisser de l’intime à l’épique, dans une perspective portée par un puissant souffle lyrique, tandis que le temps y creuse son sillon, donnant à la fresque tragique une nouvelle dimension. Trente-quatre ans après, et à défaut de paradis, il y a là une sorte de rêve de cinéma, enfin retrouvé.

(1) HEAVEN’S GATE, DE MICHAEL CIMINO, EN VERSION INTÉGRALE ET RESTAURÉE. LE LUNDI 21 OCTOBRE À 19H, À BOZAR. LA PROJECTION SERA PRÉCÉDÉE D’UN ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR PAR UN CRITIQUE DE FOCUS. GAGNEZ DES PLACES POUR LA PROJECTION ICI.

COFFRET COLLECTOR HEAVEN’S GATE DISPONIBLE CHEZ TWIN PICS À PARTIR DU 20 NOVEMBRE.

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