Critique | Musique

Chronique CD: Blood Orange – Cupid Deluxe

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Dev Hynes revient à ses moutons r’n’b, avec un 2e album biberonné aux rondeurs eighties, et à la mélancolie pop soyeuse. Blood Orange is the new black…

Chronique CD: Blood Orange - Cupid Deluxe

Sans le savoir, vous avez certainement dû croiser la route -musicale- de Devonté Hynes ces dernières années. L’air de rien, dans la marge le plus souvent, l’homme qui se cache derrière Blood Orange a en effet multiplié les projets et les collaborations. Le Britannique, installé à New York, a posé notamment sa patte sur des productions des Chemical Brothers (We Are The Night) ou Florence + The Machine. Plus récemment, il a été déterminant pour le décollage r’n’b indie de Solange Knowles (la soeur à Beyoncé), produisant son EP True. Lui-même a déjà quelques disques/vies derrière lui. Après l’expérience dance-punk du groupe Test Icicles, il a d’abord oeuvré solo en mode folk-rock sous le nom de Lightspeed Champion, avant de virer aujourd’hui r’n’b avec Blood Orange. Cela fait beaucoup pour un seul homme. Et en tout cas au moins autant de raisons de brouiller les pistes. Avec Cupid Deluxe, son deuxième album sous le pseudo Blood Orange, Dev Hynes semble avoir trouvé l’endroit qui lui ressemble le plus. La place musicale qui paradoxalement, sous l’artificialité et le maniérisme de son glacis r’n’b, sonne de la manière la plus « naturelle » qui soit.

Mélancolie Instagram

Avertissement préalable: nourri à la soft pop et à la soul chromée, Cupid Deluxe est bourré de tics eighties. En cela, il est aussi terriblement… de son temps, ancré dans le zeitgeist musical du moment, dont la nostalgie est une composante essentielle -y compris celle d’une époque qu’on n’a pas vécue (Hynes est né en 1985…). L’auditeur a donc droit aux basses typiques à la Status Quo, aux plaintes de saxo dignes de Careless Whisper (sur Chamakay), aux chatouillis de guitare balearic (It Is What It Is), et même aux talk over décalés (Chosen)…

A bien des égards, le disque se raccroche aussi au r’n’b, tel qu’il est décliné depuis quelques années. Que ce soit chez Drake ou The Weeknd par exemple. Ou encore via le courant chillwave (des nerds concoctant du r’n’b de chambre derrière leur laptop). A chaque fois, le genre a pris des teintes moins glam, plus rêveuses, voire carrément déprimées. Quitte parfois à trop s’enfoncer dans la ouate. Disque profondément urbain et nocturne, Cupid Deluxe échappe cependant à ce travers. Certes, à la première écoute, les morceaux de Blood Orange n’offrent pas toujours grand-chose de spectaculaire: Dev Hynes a le don pour pondre des chansons qui donnent l’impression d’aller nulle part, tournant sur elles-mêmes, sans début ni fin. A force pourtant, des éléments se détachent et donnent le relief nécessaire: un beat vintage (Clipped On), une rangée de cuivres… Dev Hynes joue ainsi de quasi tous les instruments, mais laisse aussi la porte ouverte à une galerie d’invités (Friends, Dirty Projectors, Kindness…) qui empêchent la proposition musicale de virer à l’autisme.

Le résultat est un disque de r’n’b au pouvoir de séduction trouble. Une sorte de spleen amoureux passé au filtre Instagram…

  • BLOOD ORANGE, CUPID DELUXE, DISTRIBUÉ PAR DOMINO.

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