Julien Broquet

Rester sur sa fin

Julien Broquet Journaliste musique et télé

Faut-il quitter les salles de cinéma au début des génériques ou en attendre religieusement la fin? À voir…

On a parfois tendance à se barrer vite fait bien fait des salles de cinéma. Pour aller se griller une clope. Descendre une bière. Voire fuir un film tout pourri qu’on a regardé jusqu’au bout parce qu’on l’avait payé et dont le morceau final est souvent un truc bien amerloque de pop rock gonflette ou une ballade d’un romantisme mièvre.

Si un collègue ne m’avait pas prévenu, j’aurais à coup sûr filé comme un bandit. Et comme 146 des 152 valeureux spectateurs à avoir (bel exploit déjà) tenu jusqu’au bout du film, je n’aurais pas vu la scène cachée au bout du générique de Thor. Que les choses soient claires. Les stingers (c’est ainsi qu’on les appelle dans le jargon hollywoodien) ne sont pratiquement vus que par les équipes de nettoyage des salles de cinéma. Et étant donné le boulot laissé par les mangeurs de chips et de pop-corn, elles n’ont pas franchement le loisir de poser leurs fesses dans un fauteuil.

Ces scènes, dans son glossaire du film, le critique américain Roger Ebert les appelle les Monk Rewards. Les récompenses du moine. « Parce qu’il faut une dévotion de moine pour rester assis le temps du générique. » A fortiori quand on sait que les différents syndicats ont tout fait pour qu’apparaisse le nom du moindre gugusse ayant bossé sur un long métrage. Du stagiaire maquilleur à la femme de repassage.

Very bad trip…

En plus, on ne peut pas dire que ces scènes de dernières minutes, sortes de défouloirs, aient une vraie valeur cinématographique. Habitudes de blockbusters, elles tiennent souvent du clin d’oeil plus ou moins drôle. Hommage aux acteurs de la série originale (Dirk Benedict et Dwight Schultz) dans L’Agence Tous Risques. Star du film qui prend sa douche et s’étonne d’être encore suivi par la caméra dans La Folle Journée de Ferris Bueller. Quand il ne s’agit pas d’un plus ou moins vrai (Bruce Tout-Puissant, les Jackie Chan) ou mieux d’un faux (Toy Story, FourmiZ…) bêtisier. Voire d’une espèce de teaser qui permet à Marvel de tisser des liens entre ses super-héros.

L’une des premières apparitions du stinger dans un film grand public remonte à 1979. Quand Animal, le batteur fou inspiré par Keith Moon, finissait par recommander aux spectateurs des Muppets de rentrer à la maison. La pratique est ensuite devenue très populaire dans les comédies des années 80.

Les utilisations pertinentes ou du moins possédant un véritable rôle narratif continuent cependant de se compter sur les doigts d’une main. Dans Very Bad Trip (The Hangover), des photos de la fameuse soirée que les héros bourrés du film ont oubliée permettent de découvrir toutes leurs mésaventures. Tandis que pour Sex Crimes, le réalisateur John McNaughton, lourdaud, a tourné des scènes supplémentaires permettant aux plus lents de se retrouver dans une histoire complexe et avare en explications. Mais le procédé est tout de suite plus malin quand il est utilisé par Abdellatif Kechiche dans Vénus Noire. Faites juste attention de ne pas vous retrouver enfermés au terme de la dernière séance de la journée…

Julien Broquet

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