Tomorrowland 2014: big, bigger, biggest

© BELGA/Jonas Roosens
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Vendredi, à Boom, le festival électro -10 ans cette année!- a lancé le premier de ses deux week-ends.

On n’est pas là depuis une heure sur le site que l’on se fait déjà approcher. « T’en veux? ». L’homme sort de son sac-banane un petit sachet en plastique. À l’intérieur, deux petites boules jaunes: des bouchons pour les oreilles… ça se passe comme ça au Tomorrowland. Oh, pas que la drogue y soit totalement absente -à quelques mètres du bon Samaritain des ear-plugs, un couple bizarrement assorti sort un miroir pour se faire un rail. Mais elle n’est probablement pas davantage présente qu’ailleurs. En cela, le festival aura d’ailleurs réussi à complètement retourner l’image des musiques électroniques, genre longtemps « maléfique » associée automatiquement à la défonce. Au-delà des précautions prises, le Tomorrowland cultive ainsi l’image d’un événement presque clean.

Paradoxalement, si la musique reste l’argument de départ, elle semble toujours moins cruciale, un élément du décor comme un autre. La programmation est plantureuse -470 DJ sur une bonne quinzaine de scènes pendant deux week-ends de trois jours- et, honnêtement, chacun pourra y trouver son compte à un moment ou l’autre. Ici, un chouette set de Deetron, là les beats plus ronds de Benoeli, la castagne d’Adam Beyer… Mais fondamentalement, c’est l’EDM qui domine les débats, avec ses tauliers habituels. Steve Aoki par exemple dont le label a droit à sa propre scène, avant de revenir retourner la main stage dimanche. À Boom, le DJ américain ressort ses attirails habituels -canot pneumatique, champagne, gâteau à la crème sur la face des premiers rangs… Et confirme qu’il reste l’une des plus grosses arnaques actuelles -sur sa clé usb, Watch Out For This encore et toujours, sans même parler du Sweet Dreams d’Eurythmics…-, symbole d’un circuit qui a tourné fou. Anyway…

L’essentiel n’est donc pas là. On qualifie souvent le Tomorrowland de Disneyland pour clubbers. Et c’est en effet la meilleure comparaison possible. Décors gigantesques entre parc d’attraction et fête foraine à l’ancienne, grande roue installée derrière la scène « opéra », nénuphars géants sur les plans d’eaux… Plus que jamais, le festival perpétue aussi un certain esprit communautaire, mais où l’éventuelle contestation sociale des origines est remplacée aujourd’hui par une armada de sponsors et un discours émo-« This is your life. Make every minute legendary », ce genre.

À se promener dans les allées du domaine provincial de Schorre, un constat s’impose: le festivalier a beau avoir un sens de la mode parfois bien à lui, un attirail fait l’unanimité: le drapeau (noué autour de la taille, du cou, ou servant de perche à la caméra go-pro). Brésilien, égyptien, et même israélien. Allemand, colombien, japonais ou espagnol… United Colors of Tomorrowland -plus de 200 nationalités présentes. Le festival fête ses 10 ans. Soit à peu de choses près l’âge des réseaux sociaux. Il y aurait forcément des parallèles à tirer entre les deux phénomènes, et certainement l’idée que le Tomorrowland n’aurait probablement jamais pris autant d’ampleur sans le Net. C’est d’ailleurs l’un des gadgets de l’édition 2014: par un simple clic, le bracelet-montre qu’ont reçu tous les festivaliers leur permet de se retrouver sur Facebook, le réseau lancé il y a précisément… 10 ans. Plus tard dans la soirée, on est témoin d’une autre fonctionnalité de l’objet. Sur la scène principale, à nouveau phénoménale de gigantisme, alors que les régionaux de l’étape Dimitri Vegas & Like Mike font le break, et que le light-show se tamise, tous les bracelet-montre se mettent tout à coup à clignoter. Scène hallucinante d’une plaine qui ressemble tout à coup à une nuée de lucioles vertes…

Cette démesure, entretenue jusque dans les moindres petits détails, est fascinante. Et forcément un peu effrayante et déshumanisante. Elle est à la fois la tare du festival -comment encore dépasser ce qui semble déjà biggerthan life?- et ce qui le sauvera. Ce qui lui donne sa crédibilité. Mieux: sa raison d’être. Ce qui permet que dans 10 ans, le Tomorrowland restera toujours un événement à part. Le symbole du triomphe de la dance music, festival XXL né sur les terres où a été inventé dans les années 80 le concept-même de megadiscothèque. CQFD…

> Les photos de ce premier week-end de Tomorrowland.

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