Fauve: Rencontre-fleuve avec une lectrice de Focus

Fauve © Philippe Cornet
FocusVif.be Rédaction en ligne

Nous offrions il y a peu la possibilité à un (ou plutôt une) lecteur de Focus de rencontrer le collectif parisien Fauve à l’occasion de leur concert aux Nuits Botanique. Voici l’intégralité de cette rencontre qui enchaîne confessions et anecdotes.

J’ai retrouvé Fauve assis dans un café face au Cirque Royal, quelques heures avant leur concert pour les Nuits Botanique, marquant le début de leur saison de festivals. J’étais angoissée, hyperactive et en retard. Ils étaient souriants, décontractés et très amicaux.

La première fois que j’ai écouté Fauve, j’étais très intriguée. C’était aussi intime qu’une confession au milieu d’une nuit arrosée, elle te plaît ou elle ne te plaît pas, mais tu écoutes et tu n’y échappes pas. C’est une des raisons pour lesquelles Fauve est si polarisant dans l’opinion publique. On les accuse d’être râleurs, privilégiés, apolitiques, trop pessimistes, trop optimistes, et surtout, trop, mais trop hipster. Mais c’est n’importe quoi, c’est faux, et surtout, on s’en fout. Fauve, c’est un message d’amitié, d’amour et d’optimisme. C’est des amis, des gens qui s’aiment, qui font de la musique parce que ça leur plaît et parce que ça leur fait du bien, c’est tout.

Sauf que ce n’est pas tout. Ils ont répondu à mes questions et sont montés sur scène. Ils sont montés sur scène et ont offert un des meilleurs concerts de l’année. Je le sais parce que j’étais assise au dernier rang, sur les balcons, si haut que les gens en avaient le vertige, si haut et pourtant, tout le monde s’est levé, pour danser, pour chanter et crier bis, tous ensemble, d’une seule voix, la salle remplie à ras bord. Fauve est honnête, Fauve est heureux et Fauve est très, très fort.

Pour commencer, votre opinion sur la sortie du nouveau Star Wars?

– Ça pue un peu le réchauffé non?

C’est quoi le message marketing derrière le nouveau film? La vie de Han Solo?

Pour l’instant, je crois que l’histoire est un peu secrète.

– Je n’ai jamais vu la Guerre des étoiles, aucun.

– On n’est pas trop sur ce délire là. On est un peu geek, mais sur d’autres choses, on n’a jamais trop suivi Star Wars.

– Ça nous parle quand même, vu que c’est les cassettes VHS de l’époque.

– Mais on n’a jamais été experts. Des gens qui ont grandi dans les années 70-80 ont Star Wars en mode mythique. Pour nous ça serait plus Retour dans le Futur, Jurassic Park ou même Matrix. Je pense que personne ne va le voir dans Fauve. On s’en fout un peu.

– Moi j’irais bien faire une nuit Star Wars quand même. Je suis sûr qu’ils vont faire ça quelque part.

Sûrement. Là vous commencez une saison de festivals.

– Ouais, ça commence ce soir.

Vous vous sentez comment?

– Surexcités. On est surexcités.

Et ce n’est pas la première fois que vous venez à Bruxelles.

– Non, c’est la 3e fois. On connaît quand même bien la ville à la base. J’ai de bons amis qui vivent ici et on est tous déjà venus au moins une fois. C’est assez familier pour nous. On est trop contents. À chaque fois, le public a été superbe, l’ambiance aussi. On a aussi déjà joué à Dour, c’était énorme, on s’est trop marré. Franchement, on est hyper contents de commencer la saison de festivals par le Cirque royal, c’est génial.

– C’est magnifique comme salle. On a vu Sharko ici, il y a longtemps. C’est bizarre, parce que c’est un dernier souvenir de cette salle et on s’est dit que jamais… Que se serait impossible de venir jouer là-dedans, tu vois. Et là on arrive avec la famille, on est quand même quinze. Le fait qu’on arrive en équipe, c’est génial

– La colo’ quoi.

– C’est génial de prendre un peu le lieu d’assaut et d’être autorisés à faire ça. On verra ce soir comment ça se passe.

– Il y a un vrai attachement dans Fauve à la Belgique et même à la musique belge. À Bourges, on a croisé les Girls in Hawaii, qu’on retrouve après-demain. C’était incroyable, pour nous, de rencontrer ces mecs là, qui font des trucs qu’on a écouté depuis qu’on est plus jeunes. Il y donc une vraie connexion, je pense, entre Fauve et la Belgique, que ce soit Bruxelles ou la musique contemporaine, rock, pop ou autre belge. C’est super.

Savez-vous quel type de public vient vous voir et êtes vous surpris par le public qui a été touché?

– En Belgique, c’est un peu plus difficile d’évaluer, mais à mon avis ça doit être la même chose qu’en France, des gens qui ont pour la majorité notre âge. Il y a aussi les plus jeunes qui sont le plus à fond, plus actifs sur les réseaux sociaux. Et t’as aussi les gens plus âgés qui ont entre 35 et 40 ans, voir plus. Mais le coeur du truc, c’est des gens qui ont notre âge.

Mais nous, de manière générale, ça nous surprend; peut-être un peu moins maintenant, mais ça nous a surpris pendant longtemps qu’il y ait du public pour Fauve. S’ils avaient tous eu 8 ans ou 70 ans, ça nous aurait surpris quand même parce qu’on ne pensait vraiment pas que ce truc puisse plaire à qui que ce soit.

La première fois que j’ai entendu Blizzard c’était en été, en Grèce, à travers une petite station de radio un peu perdue…

– C’est la fameuse radio qui nous passe en Grèce? Ca fait longtemps qu’on nous parle de ça. On n’a jamais compris pourquoi.

Vraiment?

– On nous parle du fait qu’ils font vachement de chroniques et des articles entiers sur Fauve en grec, qu’ils nous envoient, pour montrer qu’ils ont un intérêt pour le projet. Et ils n’arrêtent pas de nous demander quand c’est qu’on passera en Grèce, qu’ils nous feront jouer n’importe où.

– On serait trop contents nous.

Comment vivez-vous la célébrité, avez-vous peur du nouveau buzz ou de son influence?

– Pour l’instant, ça ne l’a pas fait.

– On peut passer derrière. Quand on a commencé, on a eu  » peur  » du buzz car on ne savait pas trop se protéger.

– Personne ne nous l’avait appris.

– On a tout de suite trouvé « les moyens » à mettre en place, entre nous, pour faire en sorte que Fauve ne commence pas à nous nuire vu que c’était quelque chose qui devait nous faire du bien. Après un an et demi, deux ans, on pense qu’on a réussi à faire un projet qui nous fait du bien uniquement, ou presque. Ça nous éloigne peut-être un peu de nos proches mais c’est la seule chose qu’on peut lui reprocher. Après, au niveau des interviews, c’est quand même cool de pouvoir partager la vision de ton projet, transmettre la géométrie de la chose, c’est intéressant, et il n’y a donc pas de peur à avoir.

– On est assez préservé parce qu’on est un peu en meute et on ne vient pas du sérail. On n’est pas très sensibles aux sirènes du showbiz ou du succès à grande échelle, on s’en fout un peu, on veut juste faire un projet qui nous fasse du bien. Au début, on n’était pas forcément préparés et on a donc un peu fermé les écoutilles, tu vois. Il y a un an, à la sortie de l’EP Blizzard, on a tout bloqué, quasiment du jour au lendemain, on a arrêté de faire des interviews… On a tout arrêté parce qu’on ne voulait pas se faire mal mener par ça, être de la chair à canon pour les médias et être un feu de paille. Ça nous a vachement aidés. On a resserré un peu le cercle, en essayant de se protéger un peu les uns les autres des nouveaux signaux médiatiques, publics, ce que tu veux. On a continué comme ça et maintenant c’est derrière nous.

T’as toujours des moments difficiles où tu te fais tacler mais on essaye de ne pas, ou ne plus trop lire les interviews, on ne va pas trop sur internet non plus, on n’est pas dans le showbiz, on ne répond pas aux sollicitations un peu comme ça. Parfois, tu sais, t’es humain, de temps en temps, t’as une petite épine dans le pied, à la marge, mais c’est tellement minoritaire. Le reste du temps, on est entre nous en mode gogol, colonie de vacances et on se marre trop. On vit des trucs déments et on fait des rencontres géniales. Finalement, pour la question de comment on gère tout ça; on n’a même pas à le gérer, on est complètement en autarcie.

– On essaye aussi de dissocier nos personnes de Fauve. Personne ne te force à mettre le nez dans un article. Donc si ça te fait mal, tu essayes de t’éloigner ou de ne pas le lire, peut-être faire moins d’interviews, moins te mettre en avant, tu peux te protéger comme ça. Mais aussi, si tu le lis, ce n’est pas forcément toi en tant qu’individu qui est touché, c’est ton projet, mais tu n’es pas seul. On a un bouclier qui s’appelle Fauve, qui est notre projet. Malgré tout le côté personnel qu’on peut mettre à l’intérieur de ce projet, il restera Fauve, ça ne sera jamais toi, toi ou moi.

– Il n’y a pas d’individualisation des gens.

– Forcément, quand tu lis un article positif, c’est bien, tu es content parce qu’il parle de ton projet, mais tu ne pettes pas un câble parce que tu ne te dis pas qu’il parle de toi en tant que nouveau génie ou quoi que soit. Il parle de ton groupe, du projet que tu fais avec tes potes et ça ne peut que te motiver. Quand tu lis quelque chose de négatif, c’est dur mais tu te dis que ça ne te vise pas forcément en tant qu’individu.

Ce qu’il fait le plus de mal à lire, c’est les journalistes qui, au lieu de parler de ton projet, que ce soit ta musique, tes vidéos sur Youtube ou autre, essayent de gratter quelque chose, trouver quelque chose que tu n’as pas mis en valeur dans ton projet.

– Et qui n’intéresse personne.

– On a mis en avant des valeurs collectives, sans montrer de visage ou de nom. Et quand des mecs essayent de percer le truc, tu vois le côté un peu « méchant » des médias.

– Les vrais bons médias, ou même les gens en général, étonnement, c’est toujours les plus gros, qui respectent la géométrie du projet, qui la comprennent le mieux et ils en parlent le mieux, que ce soit en positif ou en négatif. C’est ceux qui « respectent » le plus notre fonctionnement.

C’est souvent les petits médias, qui n’ont pas trop de compétences journalistiques et qui, à défaut de savoir écrire ou analyser les choses, se disent qu’ils peuvent faire un peu de people. Ça, de toutes façons, on ne le voit pas beaucoup car on ne le regarde pas, ou très peu, ou plus. Parce qu’on sait que ce n’est pas important.

– Pour faire parler d’eux, ou juste pour essayer de « vendre », c’est un peu bateau. À un moment donné, on est passé du « buzz » à un sujet vendeur. Avec l’album, on est passé sur un truc ou tu peux te dire « en faisant une cover Fauve, avec un peu de chance, je vendrai tant d’exemplaires ». C’est comme si tu mettais Stromae en cover, ça part comme des petits pains… Mais c’est intéressant car on n’a jamais été amenés à s’occuper de ce genre de chose.

– En vrai, tout va bien.

Quand j’ai vu le clip de Blizzard pour la première fois, ce qui m’a un peu étonné, c’était le début du clip, qui montrait les deux personnages quitter Paris, le fait de quitter la ville et partir vers d’autres horizons. Ça m’a fait un effet bizarre car j’avais l’habitude de voir la scène urbaine comme destination finale. J’étais encore en Grèce, je révisais pour mes examens et j’attendais le moment de rentrer à Paris. Et dans le clip je voyais cette idée de tout lâcher et aller vers d’autres directions.

– C’est vrai.

Ça m’a fait beaucoup plaisir. Vous êtes beaucoup inspirés par le wanderlust et toute cette idée?

– On n’est pas des gens très urbains. Nos attaches ne sont pas dans la ville, ou très peu, même si on est basés à Paris et que beaucoup de nos familles et nos amis vivent là-bas. On n’a pas une fascination pour la ville comme peuvent l’avoir certains artistes pour leur ville. Les londoniens sont très londoniens et les new-yorkais sont très new-yorkais et il y a des groupes ou des projets parisiens qui sont très parisiens. Nous, on n’en a strictement rien à carrer. Au contraire, c’est une ville qui nous ennuie un peu, parce que Paris, et la France en général, puent un peu la défaite. On n’est pas un pays de losers mais tout le monde se persuade en permanence qu’on est des losers et il y a une espèce d’ambiance de lose permanente qui est un peu fatigante; et Paris c’est une ville dure pour ça, depuis longtemps. On a fait ce projet aussi pour évacuer ça. Pour le mettre en mots, il y a un morceau qui parle beaucoup de ça, c’est Sainte Anne, qui dit vraiment qu’on en a ras-le-bol. C’est quelque chose qui énerve vachement le projet, et ça se voit dans les morceaux, dans les vidéos.

La beauté de ce qui nous arrive c’est aussi qu’on a justement pu récupérer notre liberté de mouvement, partir et découvrir la France, d’autres pays, d’autres gens et d’autres cultures. On en est ressortis quasi-addicts, accros à ça. Quand on est à Paris maintenant c’est vraiment… il faut y être parce que c’est bien de passer par Paris, tu vois les tiens et c’est super, mais on a davantage d’attachement, je crois, envers le mouvement, les grands espaces ou en tout cas, les choses moins bétonnées, qu’envers Paris, « la plus belle ville du monde ». Ça ne nous intéresse pas du tout; un peu à la marge mais on n’est pas des gens qui sortent beaucoup, on ne va pas en boîte, on ne connaît pas les trucs… enfin, ça dépend car il y en a qui sont un peu esthètes et aiment bien se faire leur petit kiffe à Paris. Il y a des belles choses dans Paris, il ne faut pas se mentir. On essaye justement de les croquer quand on y est. C’est juste que Paris, pour nous, ce n’est pas le centre du monde, c’est fini ça. C’est pour ça que dans les vidéos, il y a ça.

– Mais on l’a fait. On a croqué Paris, on est quand même presque tous nés à Paris. On a fait, dans notre sens en tout cas, tout ce qu’on devait faire à Paris. C’est bien pour certain temps, pour tes études, quand tu es jeune…

– C’est une étape.

– C’est une très belle étape. Mais il faut avoir les clés pour en sortir, et c’est ce qui nous manquait avant. On était coincés dans le devenir. Je ne dis pas qu’on est devenus, mais on a fait bouger les choses dans nos vies pour être d’autres personnes, des personnes qui peuvent quitter Paris un peu plus facilement.

Votre principale source d’inspiration vient-elle de l’intérieur du groupe plutôt que de sources extérieures?

– Non, c’est 50/50. Maintenant, c’est devenu beaucoup ce qu’on vit ensemble mais ça reste aussi ce qu’on voit autour de nous dans notre cercle de proches. C’est 50/50, je crois.

J’ai lu que vous vous étiez inspirés du film Nuits Fauves pour l’esthétique que vous vouliez créer. Je me demandais donc quelle autre pièce de littérature ou de cinéma vous inspire ou s’il en existe.

– C’est marrant parce que j’avais cette discussion avec un copain il n’y a pas très longtemps.

Vu que pour nous, l’art n’est pas une fin en soit et qu’on se considère beaucoup plus comme des artisans que comme des artistes avec un talent particulier… On est des gros bosseurs avec un gros besoin d’évacuer, mais on n’a pas l’impression d’être spécialement doués. Brel disait ça d’ailleurs, il disait « je ne crois pas au talent, je crois à l’envie », il disait que le talent n’existe pas, ou très peu et qu’en fait, ce qui fait la différence c’est ceux qui on envie de faire un truc plutôt que le talent pour le faire.

C’est comme en classe. Il y a des gens qui sont super doués mais qui n’ont pas trop de pression ou d’envie et qui du coup n’en font pas grand chose. Et puis il y a des gens qui ne sont pas super bons mais qui ont tellement envie de quelque chose qu’ils y arrivent. Après, « arriver » quelque part, c’est un bien grand mot mais en tout cas, ne serait-ce qu’arriver à faire des chansons ou arriver à faire des vidéos, juste le fait qu’elles existent… après, la qualité c’est une autre question. On sait qu’elles existent parce qu’on a un vrai besoin, une vraie envie.

Ce qui le plus important pour nous dans la vie, ce n’est pas l’art, c’est la vie. On va donc plus être admiratifs des gens qui réussissent leur vie en termes plutôt personnels que par le fait qu’ils réussissent dans un art particulier. On va donc être autant inspirés par des artistes que par des gens qu’on connait. Ce n’est pas du tout de la démagogie tout ça, mais c’est vrai. On veut mener notre barque, en tant que personnes, en tant qu’êtres humains, mais pas forcément dans l’art.

Du coup les personnes qui vont nous inspirer dans le travail qu’on fait, ça va être un acteur ou un écrivain, ou un cinéaste, mais aussi un entraîneur de foot, un marin pêcheur que tu connais ou un charpentier de marine ou ton oncle, ton cousin, ou même d’autres mecs dans le groupe qui te fascinent.

On est inspirés par plein de choses et en majorité, ce n’est pas forcément des choses artistiques, parce que notre quête dans à la vie ce n’est pas d’être des artistes mais d’être des personnes. Ça paraît un peu poétique mais c’est la vérité. Du coup, on a du mal à citer des influences parce que, finalement, des influences artistiques il y en a, mais c’est un peu 50/50.

– Parce que notre projet n’est pas purement artistique.

– On a l’impression que notre plus grande réussite ce n’est pas de forcément de faire des albums mais d’avoir créé une amitié, d’avoir cultivé et renforcé, développé une amitié. Pour nous, c’est une satisfaction énorme.

Vous avez grandi ensemble?

Ouais.

– Il changeait mes couches. J’avais déjà 10 ans à l’époque. Je sais, il fait jeune…

– Non, mais il y a en a certains qui se connaissent depuis le berceau. C’est une histoire d’amitié, tu vois.

Ce que je voulais dire, c’est que le lien qu’on ressent est presque spirituel, je ne sais pas comment…

– Ouais mais c’est ça.

– C’est mystique.

Par exemple, une de mes meilleures amies, je la vois tous les 3 ans et je sens quand même que je suis plus liée à elle qu’à mon entourage plus direct, et c’est ce que je ressens quand j’écoute vos textes.

– C’est parce que c’est la vérité. On avait à la fois besoin de faire un projet à coloration artistique et d’avoir un projet entre potes, tout court, pour nous sortir de notre quotidien, tu vois. Encore une fois, une de nos plus grandes satisfactions c’est d’avoir réussi à maintenir, encore aujourd’hui, le côté collectif dans ce projet.

– C’est la beauté de la chose. Quand on se retrouve sur scène, on ne se dit pas « génial, la scène est pleine », ça c’est des petits vecteurs. C’est surtout le fait que tu te tournes et que tu te dis…

– … »que ce que je suis en train de faire avec mon pote que je connais? »

– « Mais que-ce qu’il fait là? Je ne le connaissais pas comme ça. » Il y a une expression que j’utilisais il y a quelques mois, c’était « prendre feu ». Parce qu’à long terme, on est passé d’un stade de mecs « normaux » – quand je le vois là je vois un mec normal, mais quand ce soir, je le verrai et qu’il sera sur cette scène et qu’il fera un truc extraordinaire, dont je ne le savais pas même pas capable, alors que j’ai une confiance aveugle en lui, là je me dirai « OK, ils prennent feu ».

– C’est comme les Pokémons, tu passes à un niveau 2.

Et tu répètes ton nom.

– Non mais c’est ça qui est beau. Ce n’est pas tellement le fait de sortir d’un concert, ouvrir un magazine et voir qu’il y a le nom de ton projet dedans et qu’on en parle positivement. C’est bien, mais ça n’a jamais été notre but – si c’était comme ça, on n’aurait jamais créé ce projet. Comme le dit très bien un autre membre qui n’est pas là, on a choisi la pire musique pour altérer. Les textes sont difficiles à entendre, la musique… Les vidéos c’est pareil. Il n’y rien sur le papier qui pourrait faire en sorte qu’on devienne un truc genre Pharrell Williams, qui a un titre brillant mais qui, pour le coup, est hyper formaté.

Si votre groupe est plutôt fait en tant que moyen de se défouler et comme moyen de thérapie…

– C’est ça.

Est-ce que vous sentez que votre thérapie a abouti et comment voyez-vous le futur post-Fauve, si jamais vous ne voulez pas continuer pour toujours et qu’un cycle doit, à un moment donné, se terminer.

– C’est une question sur laquelle il est difficile de terminer parce qu’il y a toujours des jours où tu ne te sens pas bien. Malgré le fait qu’aujourd’hui on est heureux, il reste forcément des problèmes résiduels et c’est là qu’on agit en tant qu’individu. Si Fauve est heureux, si Fauve va bien, alors toi aussi t’es heureux parce que tu donnes tout, 99% de ton temps. Par contre, t’as quand même le 1% restant, qui peut être triste de temps en temps. Donc oui, Fauve nous rend heureux et a arrangé énormément de choses, c’est quelque chose qu’il ne faut pas nier. Mais en tant que contrat…

– Fauve a changé nos vies mais Fauve ne change pas la vie.

– Exactement.

– C’est pour ça qu’on garde toujours un pied sur deux dans la réalité, parce que notre rôle premier ce n’est pas d’être dans Fauve mais d’être là pour les nôtres, d’être des gens bien. Et Fauve, ça nous aide à ça.

– C’est moche à dire mais, en imaginant que Fauve est notre métier, on est heureux dans nos métiers, mais on reste des individus et c’est là que ça devient personnel et long à raconter.

– Il y a un certain impact, tu vois, mais il y a d’autres choses.

– … que tu découvres après. T’es complètement vidé après un concert, t’es heureux, t’es galvanisé, ta personne n’existe plus à ce moment-là. Dans un métier type normal ou ce qu’on avait avant, ce sentiment n’y était pas. Et tu ressens ça à d’autres moments aussi, comme, par exemple, lorsqu’on s’est tous retrouvés ensemble pour venir à Bruxelles.

Rencontre Marie-Eugénie Papastavrou

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