Critique | Musique

Paul McCartney – Kisses on the Bottom

JAZZ | L’ex-Beatle replonge dans le Great American Songbook et reprend une douzaine de classiques jazzy de Broadway. Romantisme, quand tu nous tiens…

PAUL MCCARTNEY, KISSES ON THE BOTTOM, DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL. **

Dans le flot des rééditions sorties l’an dernier, celle de McCartney II avait intrigué. Publiée à l’origine en 1980, on y entend l’ex-Beatle s’essayer à de l’électro-bricolo-dada et autres expérimentations saugrenues. Ce fut une réelle surprise, l’occasion de rectifier un peu l’image de McCartney, inlassablement présenté comme le songwriter sage et policé, à l’opposé d’un Lennon au caractère plus trempé et audacieux. La correction étant faite, McCartney revient aujourd’hui avec un disque, son 15e solo, fait de reprises de classiques jazzy américains d’avant-guerre. Autant dire l’autre bout du spectre musical. Difficile en effet de trouver plus éloigné d’une bizarrerie telle Temporay Secretary que, au hasard, The Glory of Love, le standard de Benny Goodman repris ici par l’oncle Paul, parmi 13 autres titres du même acabit.

Virée sentimentale

Avec Kisses on the Bottom, McCartney revient donc à ses bases. Mieux: à ses origines, aux racines de son amour immodéré pour la mélodie qui fait mouche, l’art du songwriting dans ce qu’il a de plus direct et noble à la fois. Pour expliquer la genèse du projet, McCa évoque d’ailleurs la nostalgie des soirées passées en famille, autour du piano, le père McCartney enchaînant les tubes de Broadway: ceux d’Irving Berlin (présent ici avec une cover d’Always), Harold Arlen (l’auteur d’Over The Rainbow étant lui évoqué avec une reprise d’It’s Only A Paper Moon), etc…

En fait, sur les 14 titres proposés sur Kisses on the Bottom, 2 morceaux ne sont pas issus du Great American Songbook. My Valentine et Only Our Hearts sont les seuls signés Paul McCartney. Difficile pourtant de les sortir du lot, tant ils se fondent dans le moule jazzy dessiné par l’ex-Beatle, épaulé par la pianiste Diana Krall et l’arrangeur-producteur Tommy LiPuma. Frôlant parfois l’easy listening, Kisses on the Bottom tient ainsi de la caresse auditive. Une virée sentimentale et romantique qui se laissera écouter comme on fait couler un bon bain chaud, un soir d’hiver, après avoir passé l’après-midi dans la neige. C’est aussi cliché et réconfortant que cela. Une caresse auditive bienveillante, qui voit pour la toute 1re fois McCartney lâcher ses instruments et s’abandonner complètement derrière le micro. C’est d’ailleurs le principal atout de Kisses on the Bottom. Là où les néo-crooners roucoulent toujours un peu, McCartney propose une version plus craquelée et touchante.

Evidemment, il y a une certaine ironie à voir McCartney reprendre des titres venus d’une époque qu’il a largement contribué à enterrer. C’est en effet la révolution rock amenée par Elvis et le tourbillon causé par la Beatles- mania qui ont fait basculer l' »ancien monde », ringardisant le miel musical produit sur Tin Pan Alley.

Aujourd’hui, il y a prescription. Approchant les 70 ans, auréolé du statut de génie musical du XXe siècle, McCartney peut tout se permettre, y compris une madeleine de Proust aussi anodine et inoffensive que Kisses on the Bottom. Un disque sans enjeu, mais joliment sentimental, sur lequel il ne boude pas son plaisir. Alors, après tout, pourquoi bouder le nôtre?

Laurent Hoebrechts

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