Série JP Nataf (1/3): « Là, je fais mon métier »

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JP Nataf a le regard doux, la barbe qui fait un peu peur, mais la parole facile. L’ancienne (et future?) figure de proue des Innocents était de passage à Bruxelles pour le Brussels Summer Festival. L’occasion de lui consacrer un petit triptyque. Aujourd’hui, son interview d’avant concert.

A 48 printemps, l’ancienne figure marquante des Innocents passait, ce dimanche soir, par le Brussels Summer Festival et son Magic Mirror. L’occasion de papoter avec ce brillant parolier et mélodiste, auteur de deux albums solo vivement applaudis par la crititque. JP Nataf a le regard doux, la barbe qui fait un peu peur et la parole facile…

Comment se sont passés les concerts jusqu’ici? Ca prend bien?
Je suis mal placé pour en parler, mais je prends du plaisir. Cela dit, on ne remplit pas des salles énormes. On sent de la frilosité du côté des organisateurs de spectacles en général…

Qui prennent moins de risques?
Oui, et c’est assez nouveau. J’ai connu une époque où, avec un disque qui avait un succès d’estime comme le mien, on faisait une grosse tournée dans toutes les villes. Ici, on ne mettra pas les pieds à Bordeaux ou à Lille. Le paysage a beaucoup changé, il faut vraiment être beaucoup plus souple qu’avant, être prêt à ne pas jouer avec la même équipe tout le temps. Moi, ça fait dix ans que je n’ai pas vu un éclairagiste. Quand les gens me demandent à quoi ressemble mon spectacle, je dis que c’est nous sur scène avec de l’électricité.

Par rapport à votre premier album Plus de sucre, il y a une différence dans le rayonnement de la tournée?
La tournée du premier album a été une bérézina: on avait 14 dates prévues et on en a fait 10. Le disque n’a pas pris.

Un disque qui avait pourtant bénéficié d’excellentes critiques…
Oui. C’est aussi un disque très important dans ma carrière. Même si les Innocents étaient respectés, le milieu se méfiait un peu parce qu’on était un groupe « populaire ». Ce premier album, qui n’a pas marché du tout, m’a apporté une vraie reconnaissance de la part de la critique et de mes pairs. Tout seul, perdu sans mon groupe, à un âge où entamer une reconversion n’est pas facile, j’ai retrouvé une vraie famille musicale. Je suis devenu copain avec des gens que j’admirais vraiment, mais que je regardais avec timidité et envie, les Holden, Bertrand Belin, Mathieu Boogaerts, Dominique A, Albin de la Simone. Ces affinités ont débouché sur du concret, sur de l’entraide, sur des projets collectifs. On partage nos trouvailles, comme dans un laboratoire. Enrichissant… Du coup, je ne suis plus du tout prisonnier du stéréotype de l’équipe, du spectacle, de la tournée. Si on est quatre, très bien. Si on est deux, pareil, sur une grande scène ou dans un bar. J’ai l’impression d’avoir réappris mon métier longtemps après. Avec les Innocents, on a débarqué dans une période où tout était vite monté en épingle. Et on avait tout ce qu’on voulait.

Vous revenez aux fondamentaux en fait?
Là, je fais mon métier. Ca ne me dérange pas de mettre mon ampli dans la voiture et d’aller faire un concert dans un bar.

Les deux albums ont reçu des louanges critiques. Mais le dernier, Clair, semble bénéficier d’un retentissement plus important. Qu’est ce qui les différencie?
Déjà, c’est le deuxième album. Mais je vois toujours les disques comme des entités très singulières. Pareil avec les quatre albums des Innocents. Le seul fil conducteur, c’est ma façon d’écrire, d’imaginer une mélodie. Puis il y a la méthode…

Plus de sucre est un disque très collectif, enregistré live en studio avec un dogme: un titre par jour. C’était la seule façon de passer à l’univers solo. J’étais dans un moment sombre de ma vie, de remise en question. La teneur de Plus de sucre est assez introspective. Pour une fois, je ne pouvais pas dire « on », comme je le faisais avec les Innos. D’autre part, Dominique Ledudal, qui a réalisé l’album, voulait que ce soit un disque de chanteur, que ma voix prenne de l’importance. Mais comme le disait Jean-Chri (Jean-Christophe Urbain), mon compère des Innos, il manquait à ce disque mon jeu, mon horloge à moi, ma façon d’envisager une basse, les percussions, etc.

Pour l’album Clair, j’ai créé toute l’ossature des chansons. A la fin des enregistrements de Plus de sucre, on était à la tête d’un cheptel de 25 chansons dont on a retiré tout ce qui ne collait pas au côté sombre de l’album. On s’est privé de quelques chansons qui étaient très Innocents, très Beach Boys par moments. A l’inverse, sur Clair, j’ai enlevé tout ce qui était un peu sombre…

On retrouve pourtant dans Clair un vrai côté dark non?
Il y a de la mélancolie, oui. Mais ce sont quand même des chansons qui s’écoutent d’une oreille distraite.

Il ne faut pas écouter les paroles alors…
Ce n’est pas la Compagnie créole, je suis d’accord. Mais dans l’ensemble, je crois que c’est un disque qu’on peut mettre en faisant autre chose, la cuisine par exemple.

L’accueil du public semble être bien meilleur avec Clair. Cela marque-t-il une évolution dans « l’instant » de la chanson française?
Le succès critique reste le même. Par contre, on a des passages radio, grâce à des singles plus pop qui font le lien avec les Innocents. J’ai l’impression d’être un débutant à nouveau, content de savoir qu’il a fait un premier disque, puis un deuxième. En espérant en faire un troisème.

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A suivre:
Série JP Nataf (2/3): Tout en punch et douceur
Série JP Nataf (3/3): « On a la même langue, mais vous ne la voyez pas pareil »

JP Nataf, Clair , chez Tôt ou Tard.

Guy Verstraeten

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