Sortie de route #13: Bref, j’ai encore été à une soirée de tantouzes!

Gonzo éthylique, Serge Coosemans chronique chaque lundi la nuit. Cultures noctambules, aventures imbibées, rencontres déglinguées, observations variées, win, lose et sortie de route assurées.

Vous l’ignorez sans doute et cela n’a pas grand intérêt mais j’ai un passé de critique musical. Vécu dans des gazettes à demi confidentielles et souvent sous pseudonymes, c’est un CV plus long que le poil solitaire sur le caillou de Thierry Coljon. Ceux qui connaissent ces quinze années à tartiner des verdicts sur des disques et des groupes n’en retiennent généralement que trois choses: le name-dropping à outrance, la mauvaise foi crasse et la détestation du hip-hop. Voilà. En Belgique, l’ennemi du rap, c’est moi. Cette réputation est bien évidemment totalement surfaite. Je me revendique ennemi de l’accordéon dans le métro, ennemi du rock wallon, de la chanson française, des produits Universal et du heavy-métal à permanentes mais ennemi du hip-hop, non. Déjà, je fais partie de la génération Sidney. A 12-13 ans, j’étais incollable sur le sujet: Grandmaster Flash, Melle Mel, 3rd Bass, Doug E. Fresh, le label Def Jam, les compiles Street Sounds, Afrika Bambaataa et Fab Five Freddy sur Celluloïd. Incollable! Et déjà name-droppeur! Ce n’est qu’après, lorsque MTV a calibré le bazar et que les paroles punk du début sont devenues des odes au bling que j’ai décroché. Qu’en lieu et place du « CNN de la rue », le tube de rap lambda est devenu une petite litanie de chômeur à vie ou de dealer à temps partiel comme on en entend chez Delarue, invariablement calée sur un sample tout pourri de James Brown ou de Kool & The Gang. Que les soirées hip-hop ont fait fuir les branchés et, surtout, les filles, pour que n’y restent que des terminators apparus dans un grand éclair blanc en plein milieu de la Cage aux Ours (« je veux ton peau de pêche, tes Lacoste et ton abonnement de la STIB »). Le rendez-vous des exclus de la night, le symposium des grosses tapettes qui se la jouent Quinze de France. Mauvaise foi, moi? Naaaan, jamais.

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Ça, c’étaient mes années 82-92. 20 ans plus tard, me voilà un samedi soir de début d’année, à Bruxelles, une solide arrière-soif derrière l’oreille, ne sachant pas trop où aller se l’achever vu l’offre pour ainsi dire insignifiante des propositions de sortie de la semaine. Ça commence au Central où DJ Igor, le sex symbol des ivrognasses, joue de l’electro pupute qu’il coupe environ toutes les demi-heures d’un gros tube de vieux rockabilly. Comme toujours dans ce lieu de débauche et de pré-fornication, la clientèle est largement imbibée et, parce qu’il fait un peu plus éclairé que d’habitude et que depuis que plus personne ne fume, on n’y voit plus les gens au travers d’un nuage déformant, ça fait à vrai dire un peu peur. Peur parce que des types vous racontent des trucs incompréhensibles, que ça glousse entre gousses cocaïnées aux gogues et qu’un grand sourire de rousse croisée au bar éveille dangereusement le fishtick (« celle-là, si elle continue son petit cinéma, je m’en vais te la caler contre le mur, lui rouler une pelle de monstre et vu que les murs sont en forme de pyramides, elle va se trimballer un petit trou dans la nuque à la Matrix pendant bien trois mois! »). Peur parce que le Café Central, si on s’y sent bien, c’est qu’on est comme eux. Ou pire. On décide donc de fuir, avant de perdre son dernier gramme de dignité sur le dancefloor ou de se coltiner des taches de rousseur sur le pif.

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Direction Mister Wong et… sa soirée hip-hop (Let’s Dance Party, avec Junior, Snooba et Defi J). Mon petit paquet de préjugés s’attend à un jamboree de sosies d’Omar Sy en doudounes dansant du cou en gardant le dos contre le mur mais un quart d’heure plus tard dans la place, totalement blindée, il faut bien avouer que c’est plutôt chaud. Plaisant, même. Et mixte, surtout. Aux platines, c’est Snooba, que je connais un peu et avec qui il m’arrive régulièrement de bien rigoler, virtuellement ou non, entre langues de putes de compétition. Là, ce n’est pas Radio Vipère qu’il nous joue mais plutôt un set d’electro old school et de hip-hop joyeux, classic et west coast, celui qui fait lever les bras et agiter les mains. Du bar, les gens ont l’air gentiment déchaînés mais de derrière les platines, c’est véritablement l’apocalypse, comme m’explique le lendemain Snooba. Bières volantes, gros malins qui dansent sur un meuble en bois qui finit bien entendu par s’écrouler, zigotos qui déposent leurs vestes sur la table du DJ et touchent le bras de la platine par inadvertance, envoyant valdinguer le tout… C’est ambiance comme à la maison, entre gros n’importe quoi fastidieux et belle rigolade, la meilleure recette pour mener à bien une nuit sympatoche jusqu’à la dawa totale. Belle piquouse de rappel également que le hip-hop, fondamentalement, c’est peace, love, unity & having fun. Pas fume un platane, nique ta mère et mate ma gourmette. Après, faut pas pousser, non plus. Un moment, le vieillard que je suis se sent las de cette jeunesse turgescente et très excitée. Le précaire n’a plus que menu monnaie en poche, ayant une fois de plus transmuté les biffetons en liquides qui pètent. Le semi gekloechte n’a plus toutes ses frites dans le même panier, ne tient plus bien debout, se met à parler en langues. Quant à l’esthète qui apprécie la beauté art-déco du décor de Mr. Wong, il se dit que le rectangle sous édredon qu’est son lit, même sans rousse, reste également une proposition esthétique très valable. Bref, on se rentre. Ecouter Bowie et de la new-wave. De la musique de vrais mecs. Qui mettent du rimmel et portent des vestes en léopard et tout ça. Allez, une dernière: le lendemain, à l’endroit comme à l’envers, après une soirée hip-hop de ce genre, la casquette fait bien mal à la tête. Représente, ouèche ouèche! La semaine prochaine, pour rester dans le ton, je me fais une Démence.

Serge Coosemans

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