Critique | Musique

David Bowie – Ziggy Stardust (40e anniversaire)

© Brian Ward/1972 The David Bowie Archive (TM)

ROCK | Jusqu’à Ziggy Stardust, Bowie n’a décroché que des ambitions sans retour commercial. Avec ce trip science-fictionnesque en trompe-l’oeil, David décolle.

DAVID BOWIE, THE RISE AND FALL OF ZIGGY STARDUST AND THE SPIDERS FROM MARS, DISTRIBUÉ PAR EMI. *****

Il y a 40 ans -le 6 juin 1972- paraît le cinquième album de Bowie. Sur la pochette de son disque précédent, Hunky Dory, sorti six mois auparavant, il pose alangui en version sépia de Marlene Dietrich. Là, il offre une transgression au-delà de l’ambiguïté bisexuelle: Ziggy est à la fois un opéra d’outre-Terre et une métaphore qui questionne l' »étranger ». Moins au sens de Camus que de la mutation d’une star à la merci des excès collatéraux du succès. Bowie/Ziggy annonce le triomphe puis la déchéance d’un double cloné sur une androgynie vécue, cinq ans avant la fin du monde, alors que les ressources naturelles s’épuisent (…). Le tempo est de toute façon cosmique: en 1969, le jeune précieux a décroché un premier hit narrant l’histoire d’un astronaute fictionnel, Space Oddity, alors qu’Apollo 11 bluffe la Terre en mondovision. S’inspirant partiellement pour Ziggy du personnage réel de Vince Taylor (1), Bowie en fait un alien échappé d’une pulp fiction, sauf que les lasers de l’espace s’incarnent dans les riffs de guitare de Mick Ronson, brillant instrumentiste cosignant les arrangements et menant, de 1970 à 1973, le trio accompagnateur subtilement baptisé The Spiders From Mars. Omniprésent, Bowie produit le disque avec Ken Scott, co-auteur notable de trois autres de ses albums historiques (Hunky Dory, Aladdin Sane, Pin Ups).

Larmes futuristes

Ziggy ne serait qu’une construction mythologique ou un concept boursoufflé si la collection de onze chansons n’était à ce point tip top, glamour, intraitable sur la forme comme le fond, annonçant l’orwellien Diamond Dogs (1974) et le film sci-fi The Man Who Fell To Earth (1976). Onze titres et une seule demi-sortie de route, It Ain’t Easy, composition de l’Américain Ron Davies, reprise bien plus tard par The Raconteurs. D’autant plus oubliable que les dix autres chansons écrites et composées par le chanteur semblent avoir toujours existé: jamais mélodies bowiennes ne paraîtront aussi charnelles, léchant une soul urbaine britannique où les paillettes s’incarnent en prototypes de larmes futuristes. Quatre décennies plus tard, le vibrato fume encore sur ce cabaret anticipatif (Lady Stardust, Rock’n’Roll Suicide, Soul Love). Dès les premières mesures, le martial Five Years immerge un juke-box seventies dans une profonde stupeur mélancolique, miroir à la fois spleen et exhibitionniste d’une fin craignos, océan mid-tempo à peine fréquenté par des spasmes heavy (Suffragette City). Une gloire créative qui, pour David, durera grosso modo de 1970 à 1980, et dont Ziggy s’avère le plus flamboyant rejeton.

Philippe Cornet

(1) BRIAN MAURICE HOLDEN (1939-1991) COMMENCE À ROCK’N’ROLLER À LA GENE VINCENT DANS SA NATIVE ALBION, PREND BEAUCOUP DE LSD ET DEVIENT « VEDETTE » EN FRANCE.

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