Critique

La Femme du Vè

DRAME | Adaptée de Douglas Kennedy, l’étrange errance d’un homme dont la vie part en morceaux tandis que la réalité se dérobe. Avec Ethan Hawke, épatant.

LA FEMME DU Vè, DRAME DE PAWEL PAWLIKOWSKI. AVEC ETHAN HAWKE, KRISTIN SCOTT THOMAS, JOANNA KULIG. 1H25. SORTIE: 25/01. ***

C’est l’histoire d’un homme qui perd pied. Tout commence pourtant de manière presque anodine lorsque Tom Ricks (Ethan Hawke), écrivain américain affichant la quarantaine décontractée, débarque à Paris dans l’espoir d’y renouer avec sa fille, Chloé. Mais voilà, à peine arrive-t-il à l’appartement où elle réside avec sa mère que la mécanique de ses espoirs se dérègle: Tom n’est pas le bienvenu, et s’il croisera la fillette, ce ne sera qu’à la sauvette, pressé de déloger illico, tandis que se font entendre des sirènes menaçantes. C’est là le début d’une errance asthénique qui le voit, dans la foulée, se faire dérober ses bagages et atterrir, à court de ressources, dans un bouge cradingue, où il trouvera le gîte et même l’attention d’une jeune serveuse (Joanna Kulig) à la fraîcheur incongrue pour ainsi dire.

Non qu’il en ait pour autant terminé de ses déboires, lui qui se trouve bientôt contraint d’accepter un job douteux de veilleur de nuit, tout en traînant son spleen sur le fil de ses attentes déçues. Moment où l’improbable se glisse dans son existence sous les traits de Margit (Kristin Scott Thomas), versant mondain de la femme fatale, croisée lors d’une rencontre littéraire. Et avec qui il s’engage, sans que son désarroi s’en trouve apparemment atténué, dans une relation où la passion répond à des règles aussi strictes qu’opaques.

Identité fragmentée

Ancien élève de Kieslowski, Pawel Pawlikowski, l’auteur notamment de The Last Resort, s’empare, pour son 3e long métrage de fiction, d’un roman de Douglas Kennedy, qu’il adapte fort librement. La réussite de l’entreprise, son charme insidieux aussi, tiennent à divers éléments, et notamment à cette façon, presque insensible, dont le réalisateur d’origine polonaise réussit à pervertir la réalité, inscrivant, par touches discrètes, son film dans un espace où règne un fantastique diffus. A celle d’une mélancolie profonde et blafarde, la mise en scène superpose ainsi une impression d’étrangeté, renforcée à mesure que le profil du protagoniste central du film se lézarde. Convaincant, Ethan Hawke a le charme inquiet de même que l’ambiguïté seyant à la situation, individu dont l’identité semble se fragmenter tandis qu’il s’enfonce dans les plis d’une intrigue fuyante.

Lui emboîtant le pas, le spectateur entame un voyage insolite, pour s’égarer à sa suite dans un labyrinthe où le réel n’en finit plus de se dérober, comme si les flashes qui émaillent le film, de même que le regard cristallin de Kristin Scott Thomas, ne pouvaient ouvrir que sur l’abîme. On se laisse, pour tout dire, balader avec bonheur dans les méandres de ce thriller psychologique entretenant le mystère de stimulante façon; un film dont le caractère épisodiquement filandreux, et un final quelque peu abrupt, n’ôtent rien au trouble…

Jean-François Pluijgers

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content