Critique | Musique

Johnny Marr – The Messenger

© DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | La banalité de la performance vocale pirate les qualités inhérentes à un rock potentiellement jouissif sur ce premier véritable solo de l’ex-Smiths.

JOHNNY MARR, THE MESSENGER, DISTRIBUÉ PAR ROUGH TRADE. **

De l’autre côté de la Manche, Johnny Marr a le statut d’icône doublé d’une célèbre tignasse bouffante, même 26 ans après le split des Smiths. Marr y portait les guitares incendiaires alors que Morrissey signait d’une plume vengeuse une déliranthropie mélo, la paire jouant plutôt bien aux Lennon-McCartney de Manchester. Le split interviendra avec un maximum de vinaigre, divers procès opposant la section rythmique des « manants » -le bassiste Andy Rourke et le batteur Mike Joyce- aux deux roitelets précités. 2013 et voilà la sortie du premier véritable album solo de Marr, 49 ans, docteur honorifique des Universités de Salford et de Dublin, récemment bombardé par le NME plus grand guitariste (de tous les temps) devant Hendrix et Jimmy Page (…). C’est peu dire qu’en Grande-Bretagne, les reviews du présent disque évoluent en territoire piégé: sur le continent, on peut écouter les douze chansons proposées sans s’incliner forcément devant Saint-Johnny. Ce qui est donc l’idée présente.

Sans être hideux

Depuis un quart de siècle, Marr a multiplié les expériences, tâtant du synth-pop avec Bernard Sumner (Electronic), rejoignant brièvement The Pretenders, The The, le trio The Cribs ou même Modest Mouse, entre des caisses de sessions plus ou moins faramineuses (McCartney, Beck, Pet Shop Boys, Talking Heads et même Jane Birkin). Résultat des courses: wonderboy de luxe, Marr opère sans réel centre de gravité, vivant (très bien) de ses royalties Smiths et de ses coups partagés de six cordes. Là, après ce qui ressemble à une thérapie de plus de 25 ans, Johnny semble assumer pleinement ses chansons propres, ses guitares carnivores et les parties vocales de l’affaire. Des trois propositions, on doit d’abord dire du bien des deux premières: les titres tournent facilement en tête, décibel futé, flair rock ancestral, vieille carcasse sortant vitaminée des limbes new wave, on pense aux Buzzcocks autant qu’aux Smiths. Les bons titres couinent d’ailleurs eux-mêmes de plaisir: I Want The Hearbeat, The Messenger, Say Demesne, The Crack Up et ce puissant et autobiographique New Town Velocity. Mais tout au long des 48 minutes et 27 secondes d’écoute, on ne peut pas se détacher du chant de Johnny: sans être hideux (…), il est clairement d’une qualité moyenne, standard et déficitaire sur la longueur. Marr ne chante pas (vraiment) mal mais jamais il n’a la théâtralité, la virulence, le panache vocal requis pour porter l’intégralité du disque, approcher sa sommité Morrissey ou, simplement, pousser la musique dans les retranchements physiques qu’elle mérite. D’où une funeste impression d’inachevé et de malaise qui perturbe -définitivement- cette aventure solo.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content