Critique | Musique

Ricardo Villalobos – Dependent and Happy

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

MINIMAL | Ricardo Villalobos creuse toujours un peu plus son sujet, entre techno minimale et danse horizontale. Embarquement immédiat pour voyages immobiles.

RICARDO VILLALOBOS, DEPENDENT AND HAPPY, DISTRIBUÉ PAR PERLON/NEWS. ****

En matière de musiques électroniques, les années 2000 ont aimé jouer le grand écart. Montées de sève maximalistes ici, longues plages minimalistes là-bas. Les jambes d’un côté, le cerveau de l’autre. Aujourd’hui, on n’en est peut-être plus vraiment là. Mais l’un comme l’autre ont laissé des traces. De The xx à James Blake, en passant par le cas Nicolas Jaar, le silence continue, par exemple, à faire beaucoup de bruit. Le retour de l’une des figures tutélaires de la techno minimale ne pouvait donc forcément pas passer inaperçu.

En tant que DJ, Villalobos a toujours réussi à remuer les foules. Mais en tant que producteur, c’est surtout avec des tracks planants qu’il a marqué les esprits. En 2003, il sortait ainsi Alcachofa, premier véritable album, qui fera date. Au point de voir d’ailleurs le site-référence Resident Advisor en faire son disque électronique des années 2000… Près de 10 ans et une paire d’albums plus tard, le Germano-Chilien (sa famille a fui le régime Pinochet pour s’installer à Francfort quand il avait 3 ans) continue sa quête, entre techno blafarde et micro-house, plus expérimental que jamais. Il y a d’abord ce titre qui est déjà un débat en soi: Dependent and Happy. Paradoxal? Le bonhomme, jamais avare d’une pirouette ironique, fonctionne à la contradiction. Sa musique elle-même est un trompe-l’oeil. Plus que jamais, en plongeant dans Dependent and Happy, on peut avoir l’impression que rien ne change, que rien ne bouge. Et pourtant, au fil du voyage, le paysage n’est jamais deux fois le même…

Ombres et brouillard

L’an dernier, Villalobos collaborait avec Max Loderbauer pour s’embarquer dans une relecture de morceaux issus du label jazz ECM. Cela a pu laisser des traces sur sa nouvelle livraison personnelle: un track comme Timemorf propose par exemple un étrange solo de clavier, en mode free jazz aquatique. L’enjeu de Dependent and Happy, disque aussi exigeant que généreux, est pourtant ailleurs: dans cette manière de jouer avec les rythmes et les percussions, de les décaler imperceptiblement. Il y a des musiques qui vous font vous évader; celle de Villalobos, au contraire, vous agrippe, vous ramène sans arrêt vers elle. Un track comme Ferenc est hanté par une longue traîne sonore fantomatique, un épais brouillard nocturne, à peine percé par quelques bruits de klaxons et de cymbales grésillantes. A sa manière, Grumax est tout aussi sombre, micro-house cubique, qui breake après trois minutes, grinçant, bouillonnant, avant de repartir l’air de rien. Avec ses tablas, I’m Counting infiltre plus de couleurs mais dès Put Your Lips et son mantra entêtant, suivi de Samma, Villalobos redonne un côté spectral et ombrageux à sa techno minimale, qu’il ne lâche jamais vraiment, même sur les plus funky Tu Actitud et Zuipox.

Répartis sur cinq maxis dans la version vinyle, l’album tient sur un seul CD, les morceaux s’enchaînant les uns aux autres. De quoi renforcer encore un peu plus le côté hypnotique de l’expérience…

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