Interpol : Bands of New York

Groupe majeur des années 2000, symbolisant à la fois la renaissance new-yorkaise et le revival post punk, Interpol sort son quatrième album et laisse filer son emblématique bassiste. Le début de la fin?

Epicentre du séisme en blousons de cuir et jeans slim qui a secoué la planète au début des années 2000, provoquant le grand retour du rock à la télé, en couverture des magazines féminins et donc dans toutes les conversations, New York est redevenue depuis pratiquement 10 ans maintenant la capitale de la pop indé et des guitares trendy.

Cette génération de la scène new-yorkaise aujourd’hui devenue trentenaire, Interpol en a toujours été la face classe et sombre. Froide. Romantique. Elégante. Vaporeuse. Ce n’est pas son dernier album, le quatrième déjà, sobrement intituléInterpol, qui changera fondamentalement la donne.

« Je suis vraiment heureux de ce que nous avons accompli et de ce que je suis devenu dans la vie, se réjouit le chanteur et parolier Paul Banks, qui a récemment sorti un album solo sous le nom de Julian Plenti. Je me sens vraiment chanceux d’avoir pu exprimer quelque chose qui parlait aux gens. Mon but a toujours été de vivre de la musique. Ou de l’art en général. Que ce soit le cinéma ou la peinture… Et par vivre, je n’entends pas être riche. Je suis honoré, heureux et même fier de ce que nous avons réalisé en 8 ans. » Bavard, éloquent, Paul Banks rend à César ce qui appartient à César quand il évoque la déferlante rock qui a soufflé sur l’entame du XXIe siècle. « L’apparition des Strokes constitue un moment charnière dans l’histoire du rock.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Quand ils ont explosé à la face du monde, ils ont offert une telle visibilitéà New York que beaucoup de gens ont accordé une seconde chance, ou du moins une réelle attention, à des groupes comme le nôtre. Je ne suis guère en train de prétendre qu’on ne serait pas là sans eux. Mais je constate qu’il y avait à l’époque beaucoup de bons groupes en ville et que ces groupes croyaient dur comme fer en ce qu’ils faisaient. Ils savaient qu’ils pouvaient y arriver. Et ils le devaient à la bande de Julian Casablancas. Les Walkmen, les Liars, les Yeah Yeah Yeahs, TV on the radio, Interpol… Nous n’avions pas grand-chose en commun musicalement parlant. Mais le succès des Strokes se voulait encourageant. »Comme une espèce de rêve, miroitant là, à portée de mains. Un rêve qui avait erré dans les mêmes rues. Galéré (même si pas bien longtemps) dans les mêmes clubs… « C’est une question de timing. Ils sont arrivés avec ce que les gens attendaient. Ils se sont réapproprié le feeling, le glamour du groupe de rock. Le post-grunge et l’indie rock étaient des mouvements anti mode. Les Strokes sont revenus avec une approche très stylisée. Nous ne nous y attendions pas. Nous, nous écrivions, jouions, enregistrions nos chansons sans vraiment nous soucier du reste. »

De Joy Division aux Doors…

En 8 ans, on en a vu débarquer, depuis, des groupes new-yorkais. Qu’ils élaborent une pop féérique tel Grizzly Bear, africanisent les ondes à l’image de Vampire Weekend, amorcent le revival soul comme le label Daptone. Ou décloisonnent toute cette satanée classification propre à l’industrie du disque. Au hasard Animal Collective. Pendant que tous ces petits (plus très) jeunes faisaient leur trou, Interpol enfonçait le clou. Asseyait sans trop prendre de risques sa suprématie sur tous les gamins de Joy Division. Genre Editors… Lourd lourd héritage que celui de Ian Curtis… A tel point qu’on s’est mis à entendre chez Paul Banks et ses amis ce qui ne s’y trouvait pas. Comme des clins d’£il dans les paroles au mythique groupe mancunien.

« Carlos a été fortement influencé, je dirais même inspiré, par le jeu de Peter Hook. Perso, j’ai écouté Joy Division pendant une brève période et je me souviens surtout avoir adoré les lignes de guitare. Certaines questions sont davantage pour les journalistes et le public que pour les groupes. Il est souvent difficile en tant qu’artiste de se situer dans une mouvance, dans un contexte. Pour moi, ce que nous avons amenéétait nouveau. » Quitte à se lancer dans le débat des influences et des références, Paulo préfère s’étendre sur les siennes. « Contrairement à Daniel et Carlos, je suis davantage marqué par les Doors que par le post-punk. Ce à quoi on nous rapproche la plupart du temps n’est pas mon ère de prédilection. Donc je n’entends pas les mêmes choses que les auditeurs. Les Boo Radleys et les Stone Roses, voilà ce dont moi je peux vous causer. Eux ils me parlent. »

De Carlos D à David Pajo… Et quoi, ce quatrième album d’Interpol, nous direz-vous? Pas grand-chose de neuf sous le soleil, ou peut-être plutôt sous le ciel sombre et menaçant de la Grosse Pomme et de nos 4 New-Yorkais. Même univers dans la musique. Même malaise dans les textes. « Inspirés par mon expérience personnelle. Celle qui me fait dire va te faire foutre. Il y a toujours évidemment l’amour, le sexe, le désir… Mais sans doute aussi davantage de vulnérabilité. »

L’info, par contre, est tombée le 9 mai dernier. L’emblématique et charismatique bassiste Carlos D a quitté le groupe peu de temps après la fin des enregistrements. « Son départ ne nous est pas tombé dessus comme ça. Nous parlons énormément. A propos de tout, de rien. Ce ne fut une surprise pour aucun d’entre nous. Je ne vais pas dire qu’on savait qu’il allait se barrer. Mais nous n’avons pas étéétonnés. Ça n’a rien à voir avec le fait de défendre cet album sur scène. Ce disque, Carlos en était fier. Il s’est d’ailleurs énormément impliqué dans sa réalisation. »

Le pourquoi, le comment, il faudra dans un premier temps faire une croix dessus. « Je ne veux pas trop commenter ce qu’il va faire maintenant. Je sais ce qu’il a prévu. Mais ça relève de la vie privée. Et s’il n’assure pas la promo, c’est sans doute qu’il ne veut pas trop en parler. » Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Même si U2 a annulé un bon bout de sa tournée dont il devait assurer la première partie, Interpol a dû parer au plus pressé. Pour remplacer Dengler, il a décidé de faire appel à David Pajo (Slint) à la basse et Brandon Curtis (The Secret Machines) pour les claviers et les voix.

« Je suis un grand fan de Slint depuis l’école secondaire et je m’intéressais aux Secret Machines avant même qu’on ne sorte le premier Interpol. Tous deux sont de super mecs avec qui traîner. C’est important aussi évidemment quand tu pars en tournée. »

De Jimi Hendrix à Courtney Love Paul Banks n’évoque pas encore l’avenir plus lointain. L’enregistrement éventuel d’un cinquième album. Mais déposer les armes avant de partir sur les routes était inimaginable. « Nous n’avons jamais penséà mettre la clé sous le paillasson. Tourner, c’est donner vie à un disque. Un disque auquel nous avons tout de même consacré un an de la nôtre. Nous voulons que les gens entendent cet album. Carlos est une espèce d’icône, avec un style de basse inimitable. Puis un mec super intéressant. Mais nous n’avons pas dû trouver un remplaçant pour écrire de nouvelles chansons. Juste pour interpréter nos morceaux sur scène. Je suis content de la manière dont ça a tourné. Chaque ville, chaque public est fondamentalement différent. Mais jusqu’ici, tout le monde semble avoir palpé et capté l’honnêteté de notre démarche. »

Les deux premiers Interpol avaient été enregistrés dans le Connecticut. Loin de toute distraction. Interpol, l’album, a été mis en boîte comme une bonne partie de Our Love to admireà New York dans les studios Electric Lady oùévidemment Jimi Hendrix mais aussi Bowie, Led Zep, les Stones et The Clash ont jadis bossé. Pendant qu’ils y travaillaient, Banks and co ont croisé Axl Rose, Courtney Love, Bob Dylan… « C’est dans un quartier touristique. Entre l’université et le West Village. Personne ne se doute de ce qui se cache derrière cette bête porte entre les magasins de chaussures. A l’intérieur, il y a 3 studios au feeling très seventies. Avec un peu partout des miroirs qu’Hendrix a lui même commandés. Très space age. Alors bien sûr, il y a là une énergie incroyable. » Puisse Interpol ne pas y avoir perdu son âme.

Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content