Laurent Raphaël

La voix de la guérison

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

L’édito de Laurent Raphaël

Laissée pour morte il y a un an après l’agression sauvage d’un gang de pirates, l’industrie du disque est sortie du coma. Elle n’est pas encore complètement retapée mais son pronostic vital n’est plus engagé. A lire le bilan médical publié ce jeudi par la fédération des producteurs et distributeurs belges de musique (BEA Music), on peut même parler de début de convalescence: le coeur du business, soit la vente de morceaux et d’albums tous supports confondus, a ainsi vu son taux de globules rouges remonter de 4,6% en un an. Une embellie à mettre surtout à l’actif du ventricule gauche, celui du téléchargement légal (+16,7%); le droit, celui des supports physiques, ne parvenant pour le moment qu’à freiner l’hémorragie (-5,9%). Quant aux 2 oreillettes, celles des vinyles et des DVD musicaux, elles évoluent en sens inverse: +38% pour la première (mais sur des volumes assez marginaux), -19% pour la seconde.

Le secteur musical est-il du coup tiré d’affaire? Oui et non. On ne sort pas indemne d’un tel choc. Certains organes ne fonctionneront plus jamais comme avant. Les belles années où les CD se vendaient comme des petits pains, c’est terminé. Les maisons de disques devront donc développer de nouveaux muscles financiers (revenus du streaming légal via Spotify, We7 et consorts, ou publicitaires via YouTube, organisation de concerts…) si elles veulent retrouver leur mobilité. D’autant qu’elles ne pourront peut-être pas compter chaque année sur l’apport en oxygène d’une Adele ou d’une Selah Sue. Le système nerveux est donc encore fragile. Alors que les majors écoulent plus de « camelote », les recettes restent anémiques (-3,7 %). Logique: les tissus qui ont retrouvé leur vitalité ne contribuent que modestement (un peu plus de 10%) au bon fonctionnement d’un organisme qui pèse 150 millions d’euros chez nous. Le géant aux pieds d’argile n’est donc pas à l’abri d’une rechute.

Reste que le pire semble bel et bien passé. Et dans ce contexte d’optimisme mesuré que l’on observe aussi à l’étranger, l’arrestation du leader des assaillants, MegaUpload, est un peu la cerise sur le gâteau des 30 ans de Pias. On ne va pas pleurer l’escroc en chef mais on ne peut s’empêcher de penser que les dealers de musique auraient pu limiter les dégâts en étant un peu plus… rock’n’roll. Explications: devenus des ogres empâtés assis sur leur trésor de guerre, ils se sont fait avoir par plus rusé qu’eux. Alors qu’en se mettant d’accord pour injecter tous leurs catalogues dans la même veine numérique moyennant un ticket d’entrée, ils auraient certainement rallié à leur cause des internautes que ça n’amuse que modérément de s’embourber dans la jungle des fichiers corrompus pour choper une série ou un album. L’argent qui a engraissé la mafia du streaming de contrebande serait aujourd’hui dans la poche des labels et des artistes! Vous pouvez nous envoyer les corbeilles de fruits, on fera suivre au patient…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content