Direct to DVD

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Naguère réservée aux séries Z et suites sans intérêt, la sortie directe en DVD se fait de plus en plus courante. Démonstration à travers un florilège de films anglo-saxons, de l’oscarisé The Blind Side au fort estimable Bliss.

Il n’est pas si éloigné, le temps où la sortie d’un film directement en vidéo était la marque si pas d’une infamie, à tout le moins d’un intérêt fort relatif, du genre série Z de Dolph Lundgren, ou suite n’ayant d’autre objet que de remplir le tiroir-caisse. Mais voilà, aujourd’hui, Lundgren a les honneurs de The Expendables, réunion de gros bras hollywoodiens et succès attendu de l’été, et les sequels squattent les grands écrans, alors que des films toujours plus nombreux ne passent même plus par la case sortie en salles.

S’agissant de cinéma anglo-saxon, les voies de la diffusion sont en effet impénétrables, qui ont, ces dernières années, privé les spectateurs de cinéma de Speed Racer des frères Wachowski ou All the King’s Men de Steven Zaillian (avec pourtant un casting porteur, composé de Sean Penn, Jude Law et autre Kate Winslet). Et on en passe comme Tetro, le dernier Francis Ford Coppola qui, faute de distributeur belge, n’est, par la force des choses, accessible qu’en DVD.

Un simple coup d’oeil aux sorties DVD des dernières semaines suffit à s’en convaincre: la hiérarchie des supports a évolué, faisant de la salle un écrin subsidiaire, même pour des productions de poids. Ainsi de The Blind Side (Warner) de John Lee Hancock, le film qui a valu à Sandra Bullock l’Oscar de la meilleure actrice, et que l’on n’a pu voir chez nous qu’en VOD. Soit un récit d’apprentissage et un film de sport aussi classique qu’édifiant, racontant l’histoire d’un gamin black des rues de Memphis adopté par une famille wasp comme on n’en trouve que dans le sud (« qui aurait dit qu’on aurait un fils Noir avant de connaître une démocrate? », s’étonnera le père), avant de devenir star de football américain. Respectant strictement son cahier des charges, le film est américanissime et pétri de bons sentiments. Mais s’il est dépourvu de surprises, le résultat n’est pas pour autant dénué de qualités; Sandra Bullock y excelle, à mille lieues des Miss Congeniality de service, faisant de ce film mieux qu’un énième conte de fées à la sauce US.

On évolue dans un registre voisin en compagnie de Drew Barrymore qui signe avec Bliss (Paradiso) son premier film comme réalisatrice. Mais s’il y a ici aussi apprentissage et sport, le tout est livré brut de décoffrage, à travers le destin de Bliss Cavendar (Ellen Page, nickel), gamine de Boden, Texas, tentant d’échapper à son environnement lénifiant, entre concours de beauté et diner petzouille, en participant au roller derby de Austin. S’appuyant sur un schéma narratif classique, Bliss n’en trouve pas moins une forme originale, vibrant d’accents girl power sous haute énergie. Et révèle en Drew Barrymore une réalisatrice à suivre (elle réussit même à captiver le spectateur pour ces joutes sur patins à roulettes, sport évoquant une sorte de Rollerball, au féminin et en moins sanglant toutefois).

« Si je pouvais dîner avec quelqu’un, ce serait Amelia Earhart. Non seulement ce fut une pionnière de l’aviation, mais aussi une grande femme de l’histoire », ânonnait Bliss Cavendar dans l’une des démonstrations de maintien que lui imposait sa mère. L’aviatrice américaine, femme de multiples premières avant de disparaître, en 1937, dans une tentative de tour du monde, est l’objet d’un biopic sobrement intitulé Amelia (Fox), que signe Mira Nair (Monsoon Wedding). A destin hors normes, casting de choix: Hilary Swank, qui assure dans le rôle titre, est flanquée de Richard Gere et Ewan McGregor, notamment. Une distribution ronflante qui, couplée à une mise en scène soignée mais sans éclat, nous vaut un film plus académique que réellement inspiré cependant.

La solitude du convoyeur de fonds

On peut formuler le même reproche à l’endroit de Scott Hicks (Shine), qui adapte The Boys Are Back (Disney), un roman de Simon Carr. Clive Owen y incarne un homme que la mort inopinée de sa femme laisse seul avec un jeune fils, Artie, bientôt rejoint par un ado issu d’un premier mariage, Harry. Là encore, le film décline, dans de superbes paysages australiens, un récit d’apprentissage, en l’occurrence celui d’un adulte largement irresponsable confronté à cette nouvelle donne que lui impose l’existence. En dépit d’accents mélodramatiques par endroits émouvants, et d’une appréciable douceur d’ensemble, on reste dans un schéma aussi lisse que convenu…

Du nouveau père à la mère courage, il n’y a qu’un pas, franchi avec Motherhood (Paradiso), comédie de Katherine Dieckmann, l’histoire d’une mère new-yorkaise s’employant, son mari étant accaparé par d’autres occupations, à concilier l’éducation de ses deux jeunes enfants avec son épanouissement personnel et professionnel. La quadrature du cercle pour un film alignant les clichés comme à la parade; rien n’y fait, pas même l’abattage d’Uma Thurman: on peine à garder un oeil ouvert devant tant de mièvrerie.

Armored (Sony) fait dès lors office de réveil musclé, film d’action relatant un hold-up mis sur pied par des convoyeurs de fonds, et compromis lorsque l’un d’eux, un novice, fait part de ses réticences. On verse ici une larme, non pas pour la noblesse du jeune homme, mais pour l’excellent Matt Dillon, réduit à se commettre dans ce genre de daube informe pour lesquelles l’expression Direct to DVD, dans son acception originelle s’entend, semble avoir été inventée…

Jean-François Pluijgers

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