Serge Coosemans

Sortie de foot: No Spain no gain

Serge Coosemans Chroniqueur

Durant l’été sauf quand il n’est pas là, Serge Coosemans s’intéresse aux grandes festivités populaires. Première livraison de cette summer edition: la finale de l’Euro 2012 vue des bars du Parvis de Saint-Gilles. Sortie de route, track #37.

Sur la téloche du troquet, Les Brasseries du Parvis, il y a Vincent Kompany assis à côté de Noel Gallagher et c’est à nos yeux une image à peu près aussi incongrue que si Eddy Merckx tapait le carton avec Kevin Costner. Une impression de vortex, de vision d’un monde parallèle où les poneys pondent des oeufs de sauterelles et où les dragons font l’amour à des Ferrari. En vérité, la connexion entre les deux personnages est assez évidente mais si je commence ce texte avec ce polaroïd de quatre mecs en train de se demander ce qu’un buteur de cannette de Coca-Cola d’Anderlecht fiche avec un sniffeur de colle à bois de Manchester, c’est principalement pour vous camper d’entrée de jeu le pedigree footeux des protagonistes de la soirée: à peu de choses près, de parfaites clettes. Des mecs qui n’y connaissent rien mais alors vraiment que dalle. Des heures et des heures, je pourrais personnellement vous entretenir de la house gay et des documentaires tournés par Werner Herzog mais le foot et moi, c’est comme Ridley Scott et un film réussi: il y a très très longtemps que c’est fini (Legend pour lui, Belgique-URSS pour moi). Pour paraphraser je ne sais plus qui, je n’ai même en fait jamais vraiment capté l’intérêt de regarder durant 90 minutes galoper derrière une baballe 22 millionnaires et 3 vendus pour le compte des Triades chinoises. Mes potes, c’est pareil.

Qu’est-ce qu’on fout là, alors? C’est très simple: grands amateurs de la bêtise humaine, on se réjouit de voir comment 22 connards en chaussettes rembourrées vont parvenir à complètement vriller le sens commun de gens qui, dans d’autres vies, ont dû sentir de bien drôles de choses leur passer par le slip alors que le Chrétien, dans l’arène, tentait d’évangéliser l’Ours. C’est notre credo, buddy: le foot devant une télé, c’est la crapule qui devient chic type et la brave bite qui oublie son Bac+5 pour ne plus écouter que son cerveau reptilien et dès lors se comporter en grosse merde raciste. C’est très fun et on ne se sent pas le moins du monde supérieurs ou méprisants, qu’est-ce vous allez croire? En fait, on s’ingénie même très consciemment à être pire que tous les autres réunis! Ce dimanche soir, être à muerte, à donfo, pour l’Espagne, donc. Parce que ses costas sont notre dernière colonie, que c’est une grande nation qui a conquis les trois quarts de l’Amérique du Sud alors que l’Italie n’a eu que l’Ethiopie et la Somalie. Parce que l’Espagnol a inventé le merveilleux mot « pitufos », qui s’applique à tout ce qui est petit et bleu, en l’occurrence italien. Parce que l’Espagne moderne produit des films d’horreur qui font avaler les churros de travers et pas des pensums à se flinguer de Nanni Moretti. On veut que l’Espagne gagne, parce qu’il est très très gai d’imaginer qu’à 22h30, le Hainaut s’éteindra, vu de la station spatiale internationale. Au final, on parle tout de même d’une véritable branlée, 4-0, ce qu’on appelle dans les Marolles, une bomba despantalonada. Ça donne envie de citer le speech de Dennis Hopper dans True Romance. D’hurler les seuls mots d’espagnol que je connaisse: des vulgarités et des titres de films. Y Tu Mamma Tam Bien. Abre Los Ojos. El Laberinto del Fauno. Zorro Duo. Zorro Duo? La suite de Zorro… À part ça, on s’en fout de l’Espagne, vu qu’un match opposant l’Espagne à l’Italie, ce n’est jamais que du sport pour mectons de moins d’un mètre septante.

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Alors voilà, très franchement, mes poteaux et moi, on a les zygomatiques qui piquent, la rate qui se dilate et le journalisme de terrain qui se noie dans la bière, d’autant qu’en grand professionnel, j’ai oublié mon carnet de notes à la maison et que j’écris la base de ce papier sur mes mains et mes bras, c’est assez drôle. Notre terrifiante bonne humeur ne semble toutefois pas très communicative. Pro-Italiens comme Ibéric-friendly, les gens ont tous l’air particulièrement crispés ce dimanche soir, à El Parvis del San Julio. Rejetées de castings de l’agence Dominique, eurocrates esseulés a l’appartement prépayé et bons crevards de souche élevé au ravioli en boîte, c’est le 1060 quand la clarinette kletzmer n’y est pas: le tirage de tronche généralisé, une tension de string. Nous, on est sur une autre planète, Jean Roucas du Réticule. Faute d’avoir pu se faufiler tranquille dans les bistrots, on regarde le match sur iPhone en terrasse. Ou plutôt UN match, vu qu’au premier goal de l’Espagne, alors que cela se dépite tout autour de nous, on se rend compte que l’on était en fait en train de suivre le podcast Allemagne-Italie via le site de la RTBF.

Cela n’empêche pas qu’un peu moins d’une heure plus tard, alors que la pizza est totalement devenue crêpe, on bave soudainement à l’idée du défilé de cochons de lait, de voir s’agiter le poumpoumshort jaune et rouge et gicler le 43, mais bernique, tout reste en fait très sage, très mesuré, pouet pouet, la victoire et puis dodo. La faute à la fin de week-end, le taf demain, voire la route du soleil? La faute à Milquet et sa paranoïa sécuritaire ayant limité les retransmissions outdoor? Ou alors la faute à un Euro 2012 qui même pour quelqu’un n’y connaissant que pouic n’a tout simplement ressemblé à rien, même pas au match de deux manchots sur Playstation 3? FIFA 2012, pas mal, mais il est vrai que le foot ne sera à nouveau intéressant que le jour où le ballon sera remplacé par un jeune chiot. Ou un petit enfant mal nourri, allez.

Prochaine Sortie de route: le 16 juillet!

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