Critique | Musique

Ry Cooder – Election Special

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | Un an après un album déjà gonflé de protest songs vengeresses, Cooder se présente à l’Election Special, question les républicains et la tyrannie de Wall Street.

RY COODER, ELECTION SPECIAL, DISTRIBUÉ PAR WARNER. ****

La diatribe moqueuse commence dès le premier morceau, Mutt Romney Blues (…), allusion même pas dissimulée au candidat ultra-conservateur Mitt Romney qui espère battre Obama aux Présidentielles de novembre prochain. Le Républicain Pro life, à la tête d’une fortune estimée de 150 à 250 millions de dollars, est traité par un air bastringue sur lequel Cooder décrit avec beaucoup de volupté le peu de cas que Romney fait de ses chiens. Ne parlons même pas des humains concernés. Le ton est donné: sur son 16e album solo, l’artiste américain utilise les vieilles musiques du cru comme support à ses idées actuelles, anti-conservatrices, donnant une place de choix à la politique traitée avec humour et pugnacité.

Dans le très beau Cold Cold Feeling, sur un beat ralenti par le blues qui monte en sève et des parties de slide dignes d’Elmore James, Ry prend la défense d’Obama et demande aux critiques exacerbés de se mettre pendant un mile (1,6 km) dans les pompes d’un président dont la démocratie réelle dérange. Au titre suivant, c’est l’éblouissante (…) Sarah Palin qui prend une cure express d’intelligence sur une mélodie aussi volatile que cette moralisatrice borgne du Tea Party. La plupart des neuf chansons sont ainsi traversées de pensées citoyennes, questionnant la nécessité d’inviter des recruteurs de l’armée dans les lycées américains (The 90 and the 9) ou bien rappelant aux flics qui chargent les protestataires qu’ils sont entre autres payés par ces derniers (The Wall Street Part of Town).

Mais ne vous y trompez pas, malgré l’approche analytique de ce papier, l’irritation de Cooder devant les montagnes de la droite musclée n’est nullement le Petit livre rouge version roots californienne. Plutôt un enchaîné tonique, voire joyeux des sonorités « primitives » régulièrement chéries par le guitariste né en 1947 à Los Angeles: l’acoustique nonchalante y est constamment relayée par des résurgences électriques et une production aux volutes organiques. L’ensemble, tendance bluesy, n’est pas sans ramener à la sonorité des Stones à la charnière des années 60/70, période à laquelle le même Cooder ramenait son talent chez les Anglais de Jagger, jouant de la mandoline sur Love In Vain ou de la slide céleste sur Sister Morphine. C’est dire la qualité de cette petite entreprise justement méfiante du tout corporate…

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