Cinéma chinois: âge d’or ou déclin?

Stagiaire Le Vif

L’année 2012 aura été exceptionnelle pour le cinéma chinois. En plein boom en termes de films produits et de salles construites, l’industrie cinématographique chinoise peine cependant à surmonter deux obstacles majeurs: la concurrence hollywoodienne et la censure de son cinéma d’auteur.

Le 7e art surfe sur une vague porteuse en Chine, où dix nouveaux cinémas s’ouvrent chaque jour. L’essor du nombre de salles obscures est soutenu par la développement rapide de la classe moyenne, qui aime consacrer plusieurs heures par semaine à découvrir les nouveaux multiplex dans les centres commerciaux.

Avec des recettes d’entrées atteignant 17 milliards de yuans (2 milliards de dollars) en 2012, l’industrie cinématographique chinoise a pris la 2e place mondiale derrière les Etats-Unis. Pas de doute, l’année 2012 aura été une année exceptionnelle pour le cinéma chinois.

Le groupe chinois Wanda, spécialisé dans l’hôtellerie et l’industrie culturelle, est devenu en mai 2012, le premier propriétaire mondial de cinémas en acquérant pour 2,6 milliards de dollars, le géant de multiplex aux Etats-Unis AMC (American Multi-Cinema).

La peur d’Hollywood Le géant asiatique est en pleine explosion mais se sent pourtant menacé. Pour la première fois depuis dix ans, ce sont les films importés qui ont représenté la majeure partie (51,5%) des recettes de 2012. La Chine subit lourdement la supériorité d’Hollywood et peine, parallèlement, à exporter ses oeuvres, malgré ses efforts pour protéger son industrie cinématographique en limitant de façon draconienne le nombre de films étrangers distribués sur son territoire. Initialement fixé à 20 films par an, la Chine a élevé son quota de films étrangers à 34 par an. Cette règle profite essentiellement aux longs-métrages américains.

Les réalisateurs chinois s’inquiètent de la force de frappe du marketing hollywoodien: « C’est un défi et une menace pour l’ensemble de l’industrie chinoise du film, pas seulement pour les films d’art et essai mais aussi pour les productions commerciales », déclare le réalisateur Lu Chuan au Shanghai Daily.

En février 2012, les Studios Dreamworks Animation annonçaient un partenariat avec l’industrie cinématographique chinoise et leur volonté de créer un studio à Shanghai.

Wang Xiaoshuai, cinéaste chinois (Shanghai Dreams, 11 fleurs), regrette que l’importation internationale soit essentiellement réservée au cinéma américain: « Une fois qu’on a limité le nombre de films étrangers en Chine, les seuls qui parviennent sur le marché sont des films américains », déclare-t-il au journal Rue 89. « Des films français, je crois qu’il n’y a que ceux de Luc Besson qui sont parvenus à entrer en Chine. Peut-être que le fait de limiter le nombre de films étrangers est quelque chose de bon pour le cinéma chinois, mais si cela a pour conséquence que les spectateurs chinois ne voient que des films américains, alors cela n’a pas que des effets positifs. » La censure au sein du cinéma chinois Le régime de censure ne touche pas exclusivement les productions étrangères à la Chine. Il existe actuellement une forte inégalité au sein même de la production cinématographique chinoise, une séparation inégale entre une approche commerciale et une approche artistique. Ainsi, un nombre élevé de films restent hors-circuit chaque année, bloqués par la censure lors d’un des multiples barrages qu’ils doivent franchir. La censure touche essentiellement le domaine des moeurs et les sujets politiquement sensibles.

Les « 5e et 6e générations » de cinéastes chinois sont les plus touchés. Emergée au milieu des années 80 autour de l’Université de Cinéma de Pékin, la cinquième génération est la première à venir après la Révolution Culturelle. La sixième génération désigne celle des cinéastes apparus après les évènements de Tiananmen. Se détachant de l’approche traditionnelle commerciale du cinéma chinois, ces cinéastes peinent aujourd’hui à s’implanter dans les salles obscures chinoises. Les films d’auteurs franchissant les barrières de la censure sont marginalisés sur le marché. « Lorsqu’un film d’auteur obtient une autorisation, il lui faut ensuite faire face à la concurrence sur le marché et c’est bien évidemment quelque chose de très difficile, d’autant qu’il n’existe pas en Chine d’espaces dans lesquels diffuser des films de ce type, comme les cinémas d’art et d’essai », signale Wang Xiaoshuai.

Le succès international du cinéma chinois

Le cinéma chinois connait cependant un important succès international depuis les années 1980 et l’apparition de la cinquième génération de cinéastes. Sous la houlette de Chen Kaige, Zhang Zhimou, Ang Lee, John Woo, Tsui Hank ou encore Wong Kar-Wai, le cinéma chinois a été salué à maintes reprises par les critiques internationaux.

Les succès culminent en 1992 et 1993 avec la Palme d’Or à Cannes pour Chen Kaige et son film Adieu ma concubine, le Lion d’Or de Venise pour Qin Ju, une femme chinoise de Zhang Zimou et l’Ours d’Or de Berlin pour Ang Lee et Xei Fei pour leur film Garçon d’honneur.

Le réalisateur Wong Kar-Wai sera chaleureusement accueilli par la critique à la fin des années 1990 et recevra également de nombreuses récompenses pour ses films In the Mood for Love et 2046. Il présidera le jury du festival de Cannes en 2006 et tout récemment, le jury du Festival du Film de Berlin en février 2013. Son prochain film The Grandmasters est prévu dans les salles belges le 17 avril prochain.

Alba Salto (Stg)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content