Philippe Cornet

Biopires

Philippe Cornet Journaliste musique

Genre cinématographique largement musical, le biopic emploie volontiers des acteurs à mille lieues du modèle original. Dernier exemple en date: Sacha « Borat » Baron Cohen pressenti pour jouer Freddie « Queen » Mercury.

Par Philippe CORNET

Cela pourrait bien être le syndrome de la moustache triomphante à moins que ce ne soit le goût pour les déshabillés en lycra: les producteurs du biopic sur la grande Freddie, prévu en 2011, ont choisi l’interprète de Borat pour le rôle de Mercury. Physiquement, on sait que le cinéma est le plus grand des transformistes. Si Joaquin Phoenix peut crédibiliser Johnny Cash (Walk The Line), si les boucles de Val Kilmer peuvent jouer aux cheveux de Jim Morrison (The Doors), pourquoi un type se faisant passer pour un journaliste kazakhe (Borat) ou un fashionista à culotte bavaroise prononcée (Brüno) ne pourrait-il pas incarner Mercury, lead-singer velu grimpant communément les quatre octaves comme une rencontre gay nocturne dans un club munichois?

On se le demande, hein. Déjà qu’il existe entre le modèle et le copieur certains points communs: quand il présente les MTV Europe Awards en 2005, en introduction à la performance de Green Day, Sacha se lâche. « Bonjour, c’est moi, Freddie Mercury. Je rigole, il est mort du sida. C’est moi, Borat, je ne suis pas une pédale, la seule maladie sexuelle que j’ai eue, c’est la gonorrhée, quinze fois. » Les amis de Freddie en rigolent encore.

Restent deux questions majeures: est-ce que Sacha va vraiment chanter à l’écran? Et comment le film va-t-il restituer l’action principale du scénario centré sur la performance de Queen au Live Aid? Vu la façon dont Cohen interprète l’hymne kazakhe dans Borat devant un public américain médusé par tant de médiocrité vocale (et de paroles déliquescentes), on le voit mal triompher in vitro dans Bohemian Rhapsody ou même We Are The Champions, deux des sept titres interprétés par Queen à Wembley le 13 juillet 1985. Par contre, on l’imagine assez bien faire des vagues sur Radio Ga Ga, chanson résumant parfaitement le personnage et son amour du gaga/caca/prout.

Business is business

Ce qui est intéressant dans le métier d’acteur, c’est le décalage entre le show et la vraie vie, l’étanchéité des espèces. Et là, Freddie et Sacha marquent peut-être un goal commun. Mercury a passé la quasi totalité de ses 45 ans à dissimuler publiquement sa bisexualité, ne révélant sa mortelle maladie que la veille du grand départ, le 23 novembre 1991. Sacha Baron Cohen a beau repousser les limites de l’exhibition dans ses films ou sa série Ali G (la saga d’un pseudo gangsta rapper), en privé, il mène une vie stricte et discrète. Loin des bruissements médiatiques, suivant même deux ou trois règles basiques du judaïsme, telles que l’observance de la cuisine kasher et la fréquentation, deux fois par an, de la synagogue.

Ce qui confirme ce que nous disait un autre Cohen, Herb, ex-manager historique de Frank Zappa et Tom Waits, lors d’une entrevue octroyée dans son appartement d’Hollywood fin 2001: « Le business, le rock, tout cela n’est qu’une danse ou une chanson. Rien de plus ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content