Critique

Les âmes vagabondes de Beyond: Two Souls

Beyond: Two Souls © Sony Computer Entertainment
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Le père de Heavy Rain signe un récit fantastique obnubilé par la mort. Et confirme malgré un gameplay chétif sa maîtrise cinématographique du média ludique.

Habiter le cerveau d’un surveillant. Puis baratiner un garde à l’entrée de son immeuble pour enfin se cacher dans un coffre et ne pas être surpris au checkpoint du complexe qui l’abrite. Pas facile de faire le mur pour un concert punk lorsqu’on est une ado entourée de pouvoirs psychiques. Entraînée et cloîtrée par le FBI, Joddie Holmes a eu un parcours de vie cabossé, à l’image de ce chapitre de Beyond: Two Souls. S’étirant sur quinze ans, cette nouvelle expérience interactive signée David Cage se joue d’une chronologie éclatée. Une aventure pas banale derrière les manettes.

Exit la multiplicité des points de vue de Heavy Rain, sa précédente production. On suit l’évolution chaotique d’une fillette vers l’âge adulte. Aiden, le poltergeist auquel Joddie -brillamment interprétée par Ellen Page (Juno)- est reliée jour et nuit la détruit à petit feu. Il sème le chaos autour d’elle lorsqu’elle est en danger, aussi insignifiant soit-il. Il détruit sa vie aussi, jusqu’à ses parents adoptifs qui, apeurés, finissent par l’abandonner. Ce spectre capable de déplacer des objets sert de parfait prétexte au sujet du récit de Cage: la mort. Il offre également un gameplay original glissant deux grilles de lecture parallèles et complémentaires au monde du jeu.

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Gameplay entre parenthèses

Ce postulat qui enrichissait à merveille les ressorts ludiques de Soul Reaver (sur PS1) sonne toutefois un peu creux ici. Dans les faits, face à une porte bloquée, le joueur qui dirige Joddie switche ainsi (en un seul bouton) vers Aiden, son âme soeur. Difficile à prendre en main, l’entité impalpable dirigée à la première personne identifie très (trop) facilement des éléments du décor activables, mis en surbrillance. Au joueur de les déclencher pour secouer une serrure, déplacer des objets ou étrangler des adversaires.

David Cage creuse ce dédoublement en proposant un mode deux joueurs où chacun prend en main l’héroïne ou son âme soeur. Ne s’enrichissant pas de puzzle games savants, l’ensemble, qui pousse le joueur à du clic intempestif et irréfléchi, ne brille pas. Que du contraire. Tout aussi embryonnaire et limité, le gameplay orienté action complète cette idée à coups de « Quick Time Events » léthargiques. Au bon moment (indiqué à l’écran), le joueur doit ainsi secouer la manette pour se libérer de l’emprise d’un agresseur ou appuyer sur une succession précise de touches pour passer une fenêtre éclatée et dangereuse.

Contrairement à Heavy Rain, rater ou réussir ces interactions ne semble pas modeler le scénario. Cette linéarité -qui finit par éclater à la fin- ne gâche heureusement pas l’expérience. Car Beyond: Two Souls explore le thème de la mort avec une habileté peu commune pour un jeu vidéo. Des clochards urbains au grand coeur à la cruauté adolescente, on peine à croire que tant d’émotions se bousculent dans une simple console de jeu. Aidée d’un jeu d’acteurs crédible où l’on retrouve également Willem Dafoe en scientifique protecteur, la production se double d’une digitalisation stupéfiante. Malgré quelques clichés misérabilistes, l’empathie ronronne de plus belle. Une vertu rare derrière les manettes.

  • Beyond: Two Souls, édité par Sony Entertainment, âge 16+, disponible sur PlayStation 3.

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