Critique

La vie d’une autre

COMÉDIE ROMANTIQUE | Pour son passage derrière la caméra, Sylvie Testud signe une drôle de comédie romantique. Avec Juliette Binoche, angoissée et rayonnante.

LA VIE D’UNE AUTRE, COMÉDIE ROMANTIQUE DE SYLVIE TESTUD. AVEC JULIETTE BINOCHE, MATHIEU KASSOVITZ, AURE ATIKA. 1H37. SORTIE: 22/02. ***

Cédant à une tendance lourde du cinéma français, c’est donc au tour de Sylvie Testud de passer derrière la caméra, l’actrice des Blessures assassines adaptant pour le coup La vie d’une autre, un roman de Frédérique Deghelt, dont elle tire une comédie romantique aux contours insolites. Au coeur du film, il y a Marie (Juliette Binoche), qui se réveille un matin en ayant zappé les 15 dernières années de sa vie. A savoir qu’elle se croit au 1er jour d’une histoire d’amour qui a entre-temps pris l’eau de toutes parts, tandis que la jeune femme qui souriait à l’avenir s’est muée, à son insu, en redoutable capitaine d’industrie. Ajoutez-y Adam, son fils dont elle ignorait jusqu’au prénom, et un monde qui ne s’est pas arrêté à son amnésie, et voilà la coupe de son désarroi remplie à ras bord. Circonstance aggravée par le fait qu’elle tente de dissimuler son trouble à son entourage, médusé -on le serait à moins-, tandis qu’elle cherche à redonner un sens à son existence.

On mesure aisément le potentiel recelé par semblable histoire, et que Sylvie Testud ne se fait d’ailleurs faute d’exploiter, pour signer un film à la géométrie variable. Soit, tout à la fois, une comédie burlesque auscultant au passage le mouvement du monde -il faut voir Marie poser un geste aussi anodin qu’allumer une cigarette au restaurant-; un drame intime aux contours désarmants, chaque rencontre lui renvoyant une image à laquelle elle n’entend rien, comme une douloureuse piqûre de rappel de ce qu’elle a sacrifié dans l’aventure d’une vie vouée à la réussite sociale; et un chassé-croisé romantique poussant jusqu’à l’extrême la logique du contretemps, et qui laisse Mathieu Kassovitz traverser le film d’une présence incrédule, à l’aune du revirement qu’il observe chez sa femme.

Flirt avec l’abîme

Certes, l’ensemble manque-t-il parfois de rigueur, là où l’atterrissage de La vie d’une autre n’est pas tout à fait à la hauteur des promesses entrevues dans un 1er temps. En cause, une courbe rentrante, qui voit Sylvie Testud opter pour un schéma romantique rassurant mais discutable, au détriment notamment de l’inspiration fantastique diffuse qui imprégnait le récit jusqu’alors. Cette frustration posée, cette drôle de comédie flirtant avec l’abîme n’est point avare en moments hautement réjouissants, où le cocasse des situations déborde vers l’angoisse la plus profonde face au monde qui s’est dérobé dans la foulée d’une âme ayant joué les filles de l’air. Incidemment, ce contexte vaut encore à Juliette Binoche de livrer une prestation… mémorable, rayonnante et égarée à la fois dans le labyrinthe de ces 2 existences, et âme d’un film en décalage contrôlé.

Jean-François Pluijgers

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