Sous-titrage en télé: V.O. or not V.O.?

Game of Thrones en VO © RTBF
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Adoptée depuis le 22 août par la RTBF, la version multilingue commence à se généraliser et offre aux téléspectateurs de plus en plus de programmes en version originale. Zoom.

Pour Jean Renoir, il était une infamie. Et selon feu Jacques François, qui a pourtant prêté sa voix à Laurence Olivier dans Le Choc des Titans, il devrait être passible de correctionnelle. Généralisé sur les chaînes de télévision francophones, le doublage est depuis belle lurette l’un des plus grands maux du cinéma à la télé. Il est forcément loin le temps des versions multiples. Quand au tout début des années 30 et du parlant, des acteurs de langues différentes se succédaient dans les mêmes décors et souvent entourés des mêmes équipes techniques, et tournaient les mêmes scènes pour leurs marchés respectifs. Quoi qu’il en soit, tout doucement, les progrès technologiques aidant, la possibilité de regarder les programmes en version originale sous-titrée commence à se généraliser dans les foyers.

Parce que, comme disait Louis Jouvet, « un film doublé est un film qui a perdu la moitié de son intérêt », les cinéphiles avaient cessé ou presque de mater des séries et des longs métrages étrangers à la télé. Qu’à cela ne tienne. Depuis le 22 août, la RTBF propose une bonne partie de ses fictions en version multilingue. Comprenez qu’à travers quelques petites manipulations sur son Voocorder, son décodeur Belgacom ou TNT, son Digicorder Telenet…, le téléspectateur peut regarder en vo sous-titrée des programmes diffusés doublés. Oui, comme sur BeTV. « Nous proposions déjà de la VO sur La Trois. Au moins un prime time par semaine et beaucoup de séries, comme Mad Men cet été, explique Emmanuel Tourpe, directeur de la programmation TV de la Radio Télévision Belge Francophone. Mais la VM permet d’élargir notre offre. Nous avons commencé avec The Mentalist, Arrow et la plupart des films du lundi sur La Une. »

Concrètement, la VM consiste à diffuser en simultané plusieurs canaux audio, chez nous version française et souvent version originale, et une piste de sous-titrage VF (différente de celle pour les sourds et malentendants qui précise quand les acteurs toussent et le téléphone sonne). Ce qui s’apparente aux possibilités offertes sur les DVD.

« Elle coûte beaucoup d’argent, essentiellement pour des questions de matériel et de technique, et concerne un public de niches. Seul 1 ou 2% des téléspectateurs pour l’instant favorisent la VO à la VF lors de ces programmes multilingues. Mais on en a fait peu de publicité jusqu’ici histoire de vérifier que tout fonctionne et d’effectuer quelques derniers réglages. Puis, nous ne devons pas juste réagir aux attentes. Nous devons aussi proposer et les susciter. Il nous semble important de montrer les choses telles qu’elles ont été créées. Cela participe à l’apprentissage des langues et puis les doublages sont parfois de faible qualité. »

Cette nouvelle donne ne concernera pas tous les programmes. « Il faut tenir compte de l’équation budgétaire et si l’idée est d’en faire le plus possible, je dois aussi temporiser un peu. » Pas plus qu’elle modifiera fondamentalement les grilles de La Trois. « Certains films n’ont de valeur qu’en VO. Il y a deux créneaux différents derrière tout ça. Une politique de version originale et une autre de service… »

Arte en allemand…

Si TF1 s’y est mis depuis longtemps (2007 avec Grey’s Anatomy) et France 2 plus récemment (décembre dernier avec Castle), chez RTL-TVI, la version multilingue est dans les tuyaux. « Même si la VO n’est pas encore vraiment dans les normes de comportement, nous y songeons sérieusement sur les gros films et les séries, explique Erwin Lapraille, son directeur adjoint de la télévision. Nous devons juste surmonter quelques problèmes techniques et juridiques. Chaque vendeur essaie de maximiser les bénéfices sur les droits… Nous sommes en négociation. L’idée est d’être prêts d’ici 18 mois. »

Le plus dingue dans toute cette histoire, c’est qu’Arte, chaîne de la culture par excellence, a dans sa déclinaison belge francophone cessé de proposer la plupart de ses programmes en version originale. Elle a en France opté pour la version multilingue en 2011. Sauf que chez nous, les films sont disponibles en français et en allemand… Le surréalisme à la belge.

Demande en hausse?

En France, il y a tout juste un an, un député UMP de Moselle déposait une proposition de loi pour obliger les chaînes de télévision à diffuser tous les programmes étrangers en version originale. L’idée étant de favoriser l’apprentissage des langues étrangères, notamment chez les plus jeunes. Denis Jacquat, le député en question, allait jusqu’à suggérer la diffusion des dessins animés en VO. « Les gosses ne sont pas toujours capables de lire les sous-titres mais leur cerveau est une éponge. »

La télé laboratoire de langues vivantes à la maison? Pourquoi pas? En Suède et au Danemark, où de telles mesures sont déjà à l’ordre du jour, la pratique de l’anglais est plus répandue que par chez nous. Comme c’est le cas en Flandre (adepte de la VO) par rapport à la Wallonie.

« Grâce à Internet, des jeunes prennent contact avec les séries en version originale et certains vont s’y habituer. La demande sera probablement de plus en plus importante », note Emmanuel Tourpe. Puisse-t-il seulement dire vrai…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content