3 petits cauchemars de nuits d’été sous la drache

Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

D’accord, il pleut. Petit commerce et moral en berne mais est-ce vraiment le pire à vivre une deuxième semaine de juillet dans une ville désertée? Bien sûr que non et voici le top 3 cauchemardesque culturel et noctambule du moment. Sortie de route, track #38.

Entendre parler de Dour, partout, tout le temps

Mon opinion: Dour = Koh Lantah dans le Borinage, avec des rastas blancs VIP et des guitaristes au régime exclusif de mérule grattée des murs en fond sonore. Risques encourus: cirrhose, overdose, insolation, pneumonie, hépathite C, mauvais sexe, gonorrhée et assassinat à la hache du gros con avec son djembé. Dour, depuis toujours, relève de la claire vision de ce que sera en Belgique l’Apocalypse et ce n’est pas parce que je suis vieux et déclassé que je pense cela. C’était déjà mon opinion du temps de mes 25 ans et de fait, je n’aime tout simplement pas les festivals, ni Dour, ni aucun autre. Je suis même carrément opposé à leurs principes de gavage, de foutage de gueule, d’otages météorologiques et de pompes à fric. Si pour une raison ou une autre (envie de mauvais sexe, pige sous-payée, bon groupe perdu…), je dois m’y rendre, j’y vais avec à peu près le même état d’esprit que celui qui m’accompagne à la wasserette. Tout cela explique l’aspect cauchemardesque que prend pour moi le franc délire autour des festivals et singulièrement celui de Dour, d’ailleurs, qui compte quelques défenseurs infantiles et acharnés toujours prompts à réagir à la moindre critique même pas très piquante. L’overdose de posts sur Facebook, les maousses couvertures médiatiques, les flyers jusque dans les fritkots turques d’Ixelles, des esprits pourtant réputés sains qui perdent tous sens commun, le fait que ce weekend-là, ailleurs, il ne passe RIEN, tout cela me paraît tellement disproportionné par rapport à ce que JE pense du truc: un lieu où l’on s’emmerde tellement à attendre ce que pour quoi on est venu que lorsque ce pour quoi on est venu preste sur scène, on est généralement en train de vomir son salmanazar d’alcool de pneu dans un préservatif usagé sous une tente qui sent le foutre et le rottweiler en se demandant qui est cette grosse goth à demi-nue qui ronfle à vos côtés. Bref, du pur Hieronymus Bosch.

DJ Mimi Matrix

L’été, c’est comme dans Blade Runner: tous les gens normaux sont partis dans les colonies de l’espace et il ne reste en ville que les crevards et les répliquants. C’est le moment où certains entrepreneurs de la culture et de la nuit s’imaginent dès lors moins soumis à la pression commerciale ou sont obligés de racler leurs fonds de filofax pour y trouver un truc à programmer qu’ils ne pousseraient jamais le restant de l’année. Films irregardables de Leos Carax en plein air, live de groupes recalés des compiles CQFD des Inrocks, deejays pour qui Sunday Bloody Sunday est une grande chanson punk… Le nombril de juillet, c’est le quart d’heure de gloire des zomblards et des vilains petits canards de la nocce, merci le Front Populaire et Ryanair qui leur ont dégagé le boulevard. Etre obligé de boire de la Volga avec des adeptes de la décroissance fans du Godard eighties et de mangas au son d’italo-disco ultra kitsch sous peine d’étouffer dans son fauteuil sous les toiles d’araignée, merci La Mort.

Ceci est un 44 Magnum

L’insécurité, ça vend du torchon, des caméras et des gilets pare-balles mais vous n’y croyez pas trop. Vous connaissez les quartiers à éviter, vous savez flairer le danger et le contourner.

Une bonne connaissance de la ville, une certaine maîtrise des codes urbains, le tout saupoudré d’un culot de Jedi, vous ont transformé en véritable anguille pour agresseurs potentiels, d’autant plus qu’aux heures où vous tanguez généralement vers la maison, ces derniers sont plus à ronfler au fond de leurs lits qu’à se peigner au cran d’arrêt en vue de faire la une de la DH le lendemain. Bref, le sentiment d’insécurité, la grande paranoïa populiste, vous laissez cela aux politiciens du MR et à ces experts du web qui n’ont jamais quitté Jamioulx mais ont pourtant beaucoup de choses à dire sur Molenbeek. Sauf en été. Parce que l’été, on croise la nuit tellement peu de monde, de lumières et de vie, que tous les repères habituels sont chamboulés, que le décor prend des allures de ghost town à la Silent Hill (à chacun son conditionnement). Dès lors, le petit mari innocent qui ramène de la glace à la fraise à sa femme enceinte à 3 plombes du mat est toujours susceptible, aux yeux du pochetron paranoïaque tout aussi innocent que lui qu’il vient de croiser, de se prendre un gnon préventif. Ce qui est pure diablerie, de quoi couper toute envie de sortir sans sa Goth.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content