Workspace Brussels, des lieux pour les créateurs

APNEA de Rodrigo Sobrazo © Rodrigo Sobrazo
Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

Structure atypique, le Workspace Brussels présente son festival nomade en deux week-ends. L’occasion de se pencher sur un concept de résidence qui fait bouger les lignes de la création.

Article initialement paru dans le Focus du 3 juin 2016.

À Bruxelles, il n’y a pas que L’L qui offre des résidences aux artistes des arts de la scène. Le Workspace Brussels le fait à sa manière, en misant sur le multidisciplinaire et les complémentarités. Cette organisation indépendante est reliée à cinq prestigieux partenaires bruxellois: le Kaaitheater, Rosas, les Brigittines, Ultima Vez et le Beursschouwburg, qui lui prêtent leurs infrastructures. »La structure a été créée il y a dix ans pour répondre au boom des jeunes artistes sortis des écoles d’art,rappelle Marnix Rummens, son directeur artistique. De la danse et la performance, nous nous dirigeons aujourd’hui vers le living art, mélangeant artistes et disciplines. Peut-être que dans cinq ans ce sera autre chose. »

L’objectif est de créer des synergies, par exemple entre un architecte, deux danseurs, un plasticien, un vidéaste, un musicien, un performeur. »La rencontre sera plus enrichissante que de réunir cinq danseurs d’une même école bruxelloise.  »

Sur 400 demandes, 50 artistes sont sélectionnés à l’année pour une résidence à trois niveaux (aide à l’infrastructure, coaching artistique et administratif, accompagnement à la création). « Au troisième niveau, on accompagne un noyau d’une dizaine d’artistes en résidence « long terme » pour la création d’une oeuvre prototype que l’on présentera dans différents endroits et à différents publics. Comme dans le secteur automobile qui crée une voiture pour tester les idées.« Quelle différence avec le « work in progress »? « Ce sont des oeuvres abouties et non des oeuvres en cours de construction où l’éclairage et le décor peuvent être absents. C’est déjà un festival expérimental, alors si on ajoute le concept de recherche en cours, ça devient too much.  »

Workspace Brussels pose une question intéressante: comment travaillent les nouveaux artistes dans le contexte urbain actuel? Le discours de Marnix Rummens fait penser au retour du citoyen actif, du collectif qui veut « Tout Autre Chose ». Son analyse: « Le secteur culturel s’est construit il y a 30 ans, à l’enthousiasme. Le Kaai? Une tente qui squattait à côté du KVS pour développer du nouveau théâtre. Aujourd’hui, art et culture se sont institutionnalisés -et c’est bien!- avec de grosses structures hyper-professionnelles. Mais le secteur s’est catégorisé en « danse », « performance », « théâtre », « flamand », « francophone », etc. Difficile de soutenir des artistes inclassables, de plus en plus hybrides. Exemple avec une danseuse de P.A.R.T.S. qui explore les arts de la rue/installation ou un artiste qui propose des workshops-expositions sur l’espace-environnement. Ils sont dans du Living Art, créant un contact direct avec un public qui devient actif et pas seulement assis dans une salle noire à applaudir. »

A la recherche du nouvel art?

Aujourd’hui tout est possible, sans contestation du passé, en collaboration « réseaux ». « Nous ne sommes pas « contre » les institutions mais « complémentaires ». On peut donc se permettre des explorations artistiques sur les formes, les contenus, le rapport au public, les lieux, sortir (aussi) de la configuration limitée des théâtres et des musées. Nous travaillons à une petite échelle où les artistes sont obligés de penser à tout: communication, exploration du lieu, technique, création, etc. Je veux réintégrer ce que l’on a perdu avec l’hyper-professionnalisation du secteur.  »

Avec deux employés, sans lieu autre qu’un bureau au Kaaitheater, entouré d’excellents partenaires et soutenu essentiellement par des subventions flamandes, Workspace Brussels se revendique nomade et mobile. « C’est un beau challenge pour les artistes de repenser leurs oeuvres dans un contexte urbain mouvant dans son environnement, ses publics. Le festival (lire ci-contre) est un carrefour. Pour cette édition, on circule entre le Beursschouwburg, une ancienne quincaillerie et le ParckFarm, une ferme urbaine à Tour et Taxis.« Esprit garage? Factory? Punk? »Non, un esprit plutôt mobile. On est jeunes et on doit apprendre à travailler avec des moyens limités. Il y a 30 ans, sans moyens, ils ont accompli des choses extraordinaires. Pourquoi pas nous? On ne doit pas avoir peur des limites institutionnelles, financières, techniques, etc. Cela nous fait sortir de la routine et nous pousse vers d’autres dynamiques, d’autres publics, d’autres réflexions entre l’oeuvre et l’environnement.  »

Sans cris ni casse, « Art Is Everywhere » semble redire cette nouvelle génération d’organisateurs. Why not?

Living the Image
Detroit Detour
Detroit Detour© Katharina Smets

Un match de foot arty au Beursschouwburg et deux week-ends d’oeuvres dans des lieux insolites, dont une ancienne quincaillerie. C’est le festival expérimental orchestré par Marnix Rummens, jeune directeur artistique de Workspace Brussels. « Au mot « expérimental », je préfère « découverte ». Le rapport à l’image est le fil de cette édition intitulée Living the Image, avec des artistes crazy-pop et des super-minimalistes. Il y aura de la danse avec Deu$/exM4chin4 de Fernando Belfiore sur des images de publicités sexy et de la musique d’Indiana Jones comme le miroir d’un langage que l’on croise tous les jours dans les médias. Ou encore APNEA, de Rodrigo Sobarzo, une oeuvre sensuelle et visuelle. Detroit Detour de Katharina Smets est un docu sonore sur cette ville en faillite qu’on écoutera dans le noir, en se créant ses images. A Certain Amount of Clarity d’Emmanuel Van den Auwera s’intéresse aux gore movies -ces vidéos réelles sur des chiens torturés en live, des gens qui meurent en direct, etc. – dans une performance immersive sur les émotions que cela provoque. Des parcours hybrides à travers des oeuvres sont proposés dans Invitation Imaginaire I et II: un rituel de thé, un nid-vidéo, une performance sur le camouflage… » Un festival singulier.

WORKING TITEL SITUATION #04 – LIVING THE IMAGE, LES 03, 04, 24, 25/06, WWW.WORKSPACEBRUSSELS.BE

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