Scènes de quartier

© Jean-Jacques Saussey
Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

Depuis quelques années la capitale injecte de la scène contemporaine dans ses quartiers populos ou reculés. A la Maison des Cultures de Molenbeek, au Brass à Forest, au DansCentrum de Jette, etc. Dans le genre, on a suivi le festival Caravane de la diversité sous les chapiteaux nomades des Nouveaux Disparus qui réunit souk associatif, spectacles grand public et formes pointues.

L’aventure clôt ce week-end sa tournée dans le OH Festival de rue de Saint-Josse avec une petite perle: Roots&Road de SelimAydogdu, jeune danseur-chorégraphe liégeois d’origine turque. Une scène noire sertie de sphères blanches, quatre danseurs se meuvent dans une quête métaphysique. Chorégraphie abstraite, création sonore contemporaine: une audace sous chapiteau! Tout comme le sera la pièce complexe Voilà la tête…, voilà le tronc…, voilà les ailes… de l’auteure turque Sevim Burak (1931-1983). Un duo de femmes nous entraîne dans un espace mental orchestré par de multiples rêveries schizophréniques. La trame? Un « mari » mourant, sa femme et sa meilleure amie imaginaire (?). Les comédiennes Sibel Dinçer (en intériorité fiévreuse) et Hilal Sönmez(en jeu aérien) jouent un quasi solo bicéphale posé sur le fil de la folie, non sans rappeler Persona de Bergman. Deux oeuvres pointues sous chapiteau (bravo) au sein d’une programmation plus abordable, notamment avec le tube Un Fou noir au pays des Blancs de Pie Thsibanda… Hors chapiteau, l’art battra le pavé avec fanfare, cirque et théâtre de rue dont une singulière performance Düş Gören Valiz (La Valise de rêves) de Huseyin Umaysiz, Bruxellois d’origine turco-kurde et sa troupe Antr’act. Valises en mains, des personnages au look immigrés-vintage performent « le voyage et sa collision inévitable avec l’Autre », inspiré en arrière-fond du mythe de Sisyphe. Au centre de la marche: une immense valise qu’un « couple » déplace sur une route inconnue. Inlassablement. Une performance sobre avec le risque pour l’intéressante dramaturgie de se diluer en une procession « folklorique » autour d’une mariée. Une oeuvre changeante qui – aux dernières nouvelles – rendra, de plus, un « hommage » à la mort des mineurs, en écho à la catastrophe de Soma (Turquie).

Inscrite dans les commémorations des 50 ans des immigrations turque et marocaine, La Caravane de la diversité a réussi ce pari inhabituel: mélanger sous chapiteau le populaire et le pointu, de Colfontaine à Saint Josse en passant par Charleroi et le campus de l’ULB… De quoi opérer un détour dans ces scènes de quartier.

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