Rentrée scènes: amour, rage, humour et poésie

Hans Was Heiri, Bleu Bleu, What the Body Does Not Remember et Le Carnaval des ombres © Zimmerman & Perrot / DR / Danny Willems / Alessia Contu
Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

Sur scène, la rentrée abonde en superbes reprises et intrigantes nouveautés. Morceaux choisis.

Classiques: la rage au corps

C’est le cadeau de la rentrée, au Théâtre des Martyrs: la reprise du Récit de la servante Zerline d’après Herman Broch, créé en 2004 par Philippe Sireuil. Un des meilleurs rôles de Jacqueline Bir, celui d’une servante fin de parcours qui se raconte. Elle ouvre la vanne des secrets, rêves, ressentiments, à travers une ex-histoire d' »amour » avec son employeur de baron. Sans grand bruit, la rage au corps « saccagé autrefois par le désir ». Un oratorio où l’aveu sent le soufre, la chair remonte à la surface. Inoubliable Jacqueline Bir.

Le Rideau de Bruxelles reprend une autre rage inoubliable, Mamma Medea de Tom Lanoye, dans la mise en scène vive de Christophe Sermet, épique et spacieuse pour dix interprètes, avec un zoom sur le couple infernal Médée et Jason (superbes Claire Bodson et Yannick Renier) qui tourbillonne dans une scène de ménage impitoyable, au coeur de la tragédie antique. Et puis il y a Shakespeare encore et toujours avec un Roméo et Juliette franco-flamand et léger à voir au théâtre Le Public, avec la pertinente création musicale de MLCD. A Mons, on découvrira Macbeth mis en scène par la Française Marie-Laure Liégeois alors qu’à Namur, on retrouve le théâtre de performance poétique de l’artiste espagnole crue et sans concessions, Angelica Liddell. Elle présente sa version de Richard III, El aòo de Ricardo. Le pitch annoncé? « Seul dans sa chambre, avec pour seule compagnie un sanglier empaillé, Richard rage! Contre la démocratie, contre la servilité, la lâcheté et l’égoïsme. De l’euphorie à la dépression… » Ambiance chez les classiques!

Humour: sitcom et carnaval

Les Tanneurs reprennent un sitcom drôle et décalé, La Estupidez de Rafael Spregelburd, construit sur les sept péchés capitaux. Un chaos juteux sur la folie du monde, orchestré avec brio par le collectif Transquinquennal. Plus de trois heures de spectacle et pourtant, ça file, au rythme des va-et-vient de comédiens interprétant plusieurs personnages et situations: flics débiles, scientifiques occultes, voisins beaufs en chemise Hawaï… Du suspense et du 2e degré où « la connerie ne connaît pas de mesure ».

Humour aussi à l’Atelier 210/Rideau de Bxl qui reprend Le Carnaval des ombres, écrit et joué par Serge Demoulin, originaire des Cantons de l’Est, qui finit par creuser un passé troublant (de « Boche » wallon) que personne ne veut déterrer, sauf le temps d’un carnaval. Humour toujours, mais aussi histoire (belge) et règlements de compte dans Le jeu des cigognes de Philippe Blasband, au Public. A la fois comédie dramatique d’octogénaires dans les polders flamands et réflexion amusée sur la difficulté des Belges à se prendre au sérieux.

Rage: punk, grunge et « décadence » party

A L’Océan Nord, on plonge dans Bleu Bleu, un vaudeville grunge (« à part l’art, le sexe, sortir et me défoncer, rien ne m’amuse ») qui nous fait suivre trois potes, artistes branleurs assez défoncés. Un texte d’époque (1992), ressorti par Stéphane Arcas, entouré d’une superbe équipe (Marie Bos, Claude Schmitz, Chloé de Grom, Nicolas Luçon…). Au Poche, Punk Rock, mis en scène par Olivier Coyette, s’annonce dans la veine d’Elephant de Gus Van Sant, sur « des ados qui scratchent la vie ».

La danse aussi se la joue punk avec Nancy.interview programmé au festival Pays de danses à Liège. Un duo revisite la relation tumultueuse entre Sid Vicious et sa copine Nancy Spungen, que le chanteur des Sex Pistols fut accusé d’avoir poignardée. Aux Halles de Schaerbeek, c’est bacchanale et rave party-arty par le collectif La Zouze: une décadence glam sur fond de Nirvana, en collaboration avec des écoles de mode (La Cambre) et de cirque (Esac). Enfin, au KVS, dans le genre « extrême », faudrait pas rater la reprise de la première chorégraphie (ultra physique) de Wim Vandekeybus, What the body does not remember, sur la notion d’urgence et d’accident -voir la mémorable scène des danseurs lançant des briques au péril de leur corps…

Poésie: enfer, peinture et sans paroles

En janvier, le théâtre de Namur, puis le KVS, à Bruxelles, accueillent les Suisses Zimmermann & Perrot, parties prenantes d’un théâtre-cirque inclassable, ici dans Hans was Heiri où rien que le teaser suscite l’émerveillement: une boîte-appartement défiant l’apesanteur, jusqu’à faire débouler ses habitants comme une foule bigarrée. Le 140 propose de son côté Tu te tiens sur tous les fronts, un duo entre la peinture live de l’artiste trisomique Pascal Duquenne et Hervé Pierre de la Comédie-Française. La Balsamine dévoile La Trilogie de l’enfer ou la « cartographie existentielle » de Martine Wijckaert. Extrait: « La mère dans un écrin, façon primitifs flamands, avec des canaris aux chants lancinants et répétitifs. C’est en soi une peinture qui parle… Ici le mort saisit le vif. »

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